Où Trajan pose la question épineuse concernant l’alignement, question à laquelle il n’existe pas une seule bonne réponse, mais qui doit provenir de chaque MJ :
L’alignement est-il la résultante de l’action, ou de l’intention ?
Quelques éléments de réponse…
Avant d’aller plus loin, développons le raisonnement qui nous amène à cette question. Pourquoi “résultante” ? Pourquoi l’alignement découlerait d’un comportement plutot que l’inverse ? Pour une raison qu’on détaillera sûrement dans un autre article : ne jamais dire “non” au joueur.
Votre paladin veut se mettre tout à coup à tuer une jeune femme désarmée et dont il n’a aucune idée de la culpabilité, simplement sous prétexte qu’elle est en prison et d’ascendance démoniaque ? Ce n’est ni Bon ni Loyal, et le joueur est probablement au courant. Si vous êtes un MJ conciliant, discutez avec lui des conséquences de cet acte, mais je vous le déconseille. Mais surtout, ne lui dites pas “non, tu ne peux pas le faire, tu es Loyal Bon”. Voilà pourquoi l’alignement ne doit pas conditionner les actes, mais l’inverse.
Ensuite, concrètement, le premier problème qui risque de se poser à vous est qu’un jour, l’un de vos joueurs voudra jouer un personnage exotique. Les alignements, tels qu’ils sont présentés dans le livre de règle, ont été écrits par une bande de geeks américains issus d’une culture vaguement judéo-chrétienne. Par conséquent, le Bon sera celui qui protège les innocents, le Loyal sera le traditionaliste conservateur… des valeurs auxquelles nous autres européens n’avons aucun mal à nous identifier, étant issus d’une culture similaire.
Mais que se passera-t-il quand votre joueur (un Rôliste souhaitant jouer un rôle différent et marquant, ou un Optimisateur cherchant une justification pour jouer un paladin psychopathe) souhaitera incarner un personnage issu d’une culture où tuer quelqu’un de sang froid n’a rien d’immoral ? A quelle aune peut-on juger la malveillance d’un sacrifice humain chez les Aztèques ? Ou le samouraï qui décapite le senmin qui a oublié de le saluer comme il convient ? On peut même trouver plus près de chez nous, dans l’Europe Médiévale, des exemples de comportements jugés barbares aujourd’hui mais totalement justifiés à l’époque. Reprenons la situation du paladin cité plus haut :
Et si, pour son ordre religieux, les gens d’ascendance démoniaque étaient une abomination à exterminer, sans espoir de rédemption ? Le paladin ne serait-il pas obligé, pour être loyal à son code, de terrasser la prisonnière sans défense ? Cruel dilemme pour le joueur, du moins s’il joue un paladin doué de compassion… La question pour le MJ est celle-ci : est-ce que c’est techniquement justifié dans votre monde de campagne ? Concrètement, est-il obligé de la tuer pour ne pas perdre ses pouvoirs, ou au contraire perdra-t-il ses pouvoirs s’il la tue ? Assurez-vous quoi qu’il arrive que le joueur n’ai pas l’impression d’avoir été piégé, ou alors que vous avez prévu de l’aider à s’en sortir. Priver un personnage de ses pouvoirs est un acte grave, plus grave que de le tuer aux yeux de certains joueurs.
Tout ceci nous pousse à prendre en compte la subjectivité de l’action : une action est-elle malveillante en soi, ou ne l’est-elle que quand les autres la juge malveillante ? L’innocent, qui ne connait pas encore la différence entre le bien et le mal, peut-il commettre un acte malveillant, s’il ignore ce que c’est, ou considère-t-on que la malveillance vient de la volonté de faire souffrir les gens ? Enfin, quels critères appliquer pour décider du bien, du mal, de la loi, du chaos, dans l’univers de campagne de chaque MJ ?
Chacun aura ses propres réponses, qui je l’espère le mènera à une compréhension plus complète de l’alignement. A défaut de vous donner LA réponse, je peux vous donner la mienne :
Comme je le disais plus haut, l’alignement est une simplification d’une éthique personnelle. Idéalement, les joueurs peuvent se passer d’une telle simplification, s’ils ont écrit un BG, ont décidé d’une ligne de conduite motivée par des évènements passés (antérieur à la campagne ou produits durant celle-ci). Libre à eux de mettre sur ce code un nom quelconque.
A contrario, les classes qui nécessitent un alignement particulier pour octroyer des pouvoirs vont nécessiter que le personnage agisse d’une manière appropriée. Mais on revient à la question du départ : appropriée par rapport à quoi ? A vous de voir à ce moment là, qu’est ce qui fait la différence entre un guerrier et un barbare dans les jungles de Chult ? Qu’est ce qui caractérise un assassin dans une société où l’ambition et l’amoralité sont la norme ? Vous pouvez même décider que cet alignement est gardé secret et autoriser (ou non) au joueur un jet de “bon sens” (une compétence dont la majorité des joueurs manquent cruellement…) avant de commettre un acte qui les ferait changer d’alignement. Cette méthode qui ne repose sur aucun code universel demande un effort particulier du MJ qui va devoir penser à la culture d’origine du joueur (qu’il n’aura peut être même pas décrit plus que ça !) et à la psychologie de celui-ci, elle sera beaucoup plus aisée à mettre en place si vous jouez avec Rôliste, qui jouera le jeu beaucoup plus facilement, et sera ravi d’exploiter les disparités culturelles.
Le prochain article sera consacré aux alternatives à l’alignement. On observera ce qui se fait chez les autres jeux de rôles et on pourra envisager des options pour les intégrer dans Donjons & Dragons et Pathfinder.
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