Où Mucius, nanti d’un titre parnassien en alexandrin parfait, vous transmet avec diligence les conseils d’écrivains et de créatifs professionnels afin d’être plus productifs et plus inspirés en tant que MJ.
Lisez, lisez, lisez !
Lisez tout ce qui vous tombe sous la main. Lisez constamment. Pas simplement les articles débiles des sites putaclic (ni les miens) ni les actualités mal digérées d’Internet, mais des romans, des nouvelles, du théâtre… de la poésie, pourquoi pas ? De la mauvaise Fantasy, des classiques du XIXe, des romans médiévaux, de la SF innovante, des prix littéraires, des romans de gare ou des thrillers de l’été, ça n’a pas d’importance tant que ça vous plait.
L’important est que vous lisiez régulièrement, assidument, constamment. Les bénéfices de la lecture sont multiples : Vous vous familiariserez, consciemment ou non, avec différents points de vue, différentes façons de parler, différents styles, et vos PNJs n’en seront que meilleurs. Même si vous ne vous inspirez pas directement de ce que vous lisez (et il n’y aurait rien de mal à cela !), tout cela va décanter dans votre esprit, et vous en retirerez des bénéfices tout-à-fait tangibles.
Votre culture générale s’améliorera (de même que votre orthographe, d’ailleurs) et vous pourrez mieux imaginer des sociétés, des univers et des phénomènes de manière vraisemblable. Votre compréhension de la nature humaine en sera accrue, et les motivations de vos méchants y gagneront en profondeur. Vous gagnerez une connaissance intuitive des clichés et des codes des différents genres de fiction, afin de les éviter ou de les mieux employer.
Enfin, vous y glanerez des archétypes, des personnages, des scènes, des éléments divers que vous aimerez et retiendrez. Tout cela, c’est le carburant des parties de jeux de rôles (et de toute création artistique). Comme je l’ai dit plusieurs fois, l’esprit ne tourne pas à vide ! Ces éléments, vous les réinterpréterez, vous les prendrez pour les intégrer à vos histoires, souvent en les adaptant et en les améliorant.
N’ayez pas peur
Vous procrastinez, et ne préparez votre scénario qu’à la dernière minute ? Vous vous trouvez des excuses du style « c’est un jeu, ce n’est pas urgent » ? Arrêtez ça. Vous n’êtes pas paresseux… a priori, vous arrivez à accomplir des choses dans d’autres domaines de votre vie. La procrastination vient souvent d’une peur bien ancrée que l’on juge votre performance : on ne fait rien, pour ne pas que l’on juge nos capacités.
Débarrassez-vous de cette idée… Les joueurs sont vos amis, pas vos professeurs ni vos juges, et encore moins vos adversaires. Ils sont juste là pour s’amuser avec vous. Un bon joueur ne cherchera jamais à vous prendre en défaut, mais à prendre en défaut les adversaires et les obstacles dans votre scénario. Vous avez l’immense chance d’avoir un « lectorat » réduit et avec lequel vous êtes directement en contact, contrairement à un auteur à succès ou à un acteur hollywoodien !
Profitez-en donc pour discuter avec vos joueurs à bâtons rompus sur ce qu’ils attendent d’un JdR, ce qu’ils aimeraient comme genre d’histoire (et ils vous l’indiquent déjà sans le savoir par le type de personnage qu’ils font). L’importance de la « session zéro » n’est plus à démontrer, et certains MJs utilisent volontiers un questionnaire pour cibler les attentes des joueurs. N’hésitez pas non plus à demander ce que les joueurs ont particulièrement aimé ou détesté à la fin de la partie !
Cela vient aussi avec l’expérience, mais vous verrez, vos craintes plus ou moins conscientes seront calmées, et vous travaillerez l’esprit plus tranquille. L’utilisation de questionnaires a radicalement changé ma façon de travailler mes scénarios : même en m’astreignant à un emploi du temps strict, je finissais toujours par achever ma préparation la veille à 2h du matin. Aujourd’hui, je termine mon scénario au moins 24h à l’avance, ce qui me laisse le temps de méditer et peaufiner au besoin.
Sources diverses du ras-le-bol
Il est possible que vous en ayez assez de votre groupe ou d’un ou plusieurs joueurs en particulier. C’est un problème grave, mais pas lié au jeu : identifiez les comportements ou les choses qui vous irritent, parlez-en gentiment et poliment avec vos joueurs, tentez ensemble de résoudre la situation et de comprendre les causes de tout cela… il arrive qu’un des joueurs ait un comportement problématique, ou que le groupe refuse d’aller dans telle ou telle direction.
Ne cherchez pas à pointer quelqu’un du doigt, mais à discuter entre adultes des solutions possibles. Encore une fois, les joueurs sont vos amis, n’ayez donc aucune crainte ! Vous pouvez aussi en avoir assez d’initier constamment des débutants, ou de jouer avec des vieux de la vieille, ou simplement avec un groupe dont vous connaissez les réactions par cœur (ça ne m’est jamais arrivé, mais ça peut). La solution est à la fois simple et compliquée : changez de groupe temporairement.
Faites un one-shot avec des gens trouvés sur Internet, tentez d’initier votre petit cousin, jouez sur Roll20 ou Skype… Si du moins vous avez identifié cela comme un problème. Si vous en avez marre de tel ou tel univers, de votre campagne en cours, n’hésitez pas à faire une pause d’une ou plusieurs semaines. Quelqu’un d’autre pourrait devenir le MJ, ou vous pourriez trouver un autre jeu, changer les personnages… Ou pas. Lisez, changez d’air ou d’univers mental, ça aide.
Attention au Burnout
Le ras-le-bol temporaire peut dégénérer. Même pour les passionnés de JdR, il arrive qu’on n’ait plus tellement envie. C’est une question de priorités… n’en veuillez pas à ceux qui vous disent non, il pourrait vous arriver la même chose. Le plus souvent, heureusement, c’est temporaire, et ça se soigne ! Il est d’ailleurs plus facile de soigner le « burnout du MJ » que le « burnout du rôliste », car il suffit généralement au MJ de jouer un peu.
S’il est plus facile de continuer à faire « tourner la machine » que de la redémarrer, sachez décompresser. Si c’est la pression de devoir sans cesse « faire jouer » qui vous travaille, sachez la détecter tôt : mieux vaut faire une pause d’une semaine ou deux tout en prenant fermement rendez-vous pour plus tard… que d’en arriver au point ou vous n’êtes même plus assez motivé pour vouloir reprendre, et le rejet de cette pression vous fera repousser la prochaine partie sine die.
Tout cela arrive : le “burnout” du MJ est quelque chose qu’il vaut mieux prévenir que guérir, car, poussé à son paroxysme, il brise des groupes entiers et laisse des campagnes inachevées ! Même sans aucun symptôme, mieux vaut donc alterner les MJs de temps à autres dans un même groupe d’amis. C’est en ne variant pas la routine que les rancœurs se créent et qu’on finit par considérer le jeu comme une corvée.
Quand vous êtes chaud, profitez-en !
Faites quelque chose, créez quelque chose, lisez un JdR, un scénario, créez ou préparez des PNJs ou d’autres éléments, même s’ils n’ont rien à voir, même s’ils ne sont pas parfaits. N’attendez pas la permission de vos joueurs, même pour réfléchir à un autre scénario d’un autre jeu pour lequel vous n’avez pas de groupe ni d’idées précises, mais qui vous plait ou vous inspire… faites tourner votre imagination constamment, en somme, et il en ressortira toujours quelque chose !
Commencez dès que vous savez que vous avez un scénario à préparer, sans même attendre d’être tombé d’accord avec vos amis sur la date de la prochaine partie. Brainstormez, c’est le meilleur moyen de vous “chauffer” et de chauffer les autres joueurs pour que tout le monde trouve une date. N’attendez pas que les conditions parfaites soient réunies : en fin de compte, c’est toujours par l’action que les conditions (mentales et pratiques) se créent.
Commencez à travailler tôt, mais écrivez tard. En attendant, prenez des notes debout, ou dans votre tête. D’abord, vos notes “finales” seront plus propres… Ensuite votre mémoire n’en sera que meilleure, vous connaitrez mieux votre scénario, et vous improviserez mieux à la table parce que vous pourrez adopter à la volée une idée alternative ou un PNJ que vous aviez tout d’abord rejetée, mais que vous aurez gardée en mémoire.
On écrit toujours au dernier moment afin de se donner plus de fluidité dans le processus créatif (voir mes articles précédents sur la préparation de scénario).
Activité (ou non-activité) physique
Allez faire une promenade. Tournez en rond. Certains, de même, travaillent beaucoup debout pour donner au corps quelque chose à faire pendant que l’esprit travaille, et parce que le manque d’un certain confort évite de s’ennuyer ou de s’attarder sur une étape. Certains se sentent inspirés dans un cadre particulier, loin de chez eux, dans un café, un parc, ou autre… testez le fait de vous rendre dans différents lieux si vous avez un moment, rêvassez-y un peu.
Buvez de l’eau, hydratez-vous. Si vous buvez de l’alcool ou même du café, faites-le avec raison afin de rester productif. Ne confondez pas la bière ou la drogue avec la créativité. Ne travaillez pas en ayant faim. Faites des pauses de 10 minutes toutes les deux heures, minimum, comme pour le travail de bureau… Bref, n’ignorez pas votre corps sous prétexte que c’est théoriquement « de la détente » !
Comme je l’ai dit dans un article précédent, trouvez vos “heures magiques”… si vous êtes plus créatif à 2h du matin, prévoyez de travailler à cette heure là. Si c’est le matin, levez-vous plus tôt. Dans tous les cas, planifiez votre séance de travail, comme vous prévoyez le temps que vous vous laissez pour vos loisirs : cela en fait partie ! Soyez aussi intransigeant en prévoyant ce temps “de loisir” que votre patron (et la loi) sont intransigeants quand ils vous disent de faire vos heures par semaine.
Sachez dire « merde » aux gens !
Ne traînez pas avec quelqu’un qui ne comprend pas votre passion. Coupez-vous de ces gens… temporairement. Je ne vous dis pas de divorcer de votre femme et de laisser tomber vos gosses parce qu’ils n’aiment pas le JdR… Quoique, s’ils vous rabaissent et vous infantilisent sans cesse “à cause de ce truc pour ados attardés”, il est peut-être temps de repenser votre vie sans ces connards : dans la vie, il faut s’entourer de gens qui vous aiment et vous comprennent avant tout.
Cependant, comme le disait Virginia Woolf, il vous faut pour écrire « une chambre à soi ». S’il y a bien un conseil à donner, c’est de vous ménager du temps pour votre passion… Protégez ce temps et cet espace de travail, gardez-le comme un cerbère, même (et surtout) des gens qui sont les plus importants pour vous, sans quoi vous n’accomplirez rien. On a tous un truc urgent à faire, un enfant qui pleure, une couche à changer… c’est pour ça qu’un gosse se fait à deux.
Et pour ce faire, de gentiment mais fermement claquer la porte au nez de ceux qui réclament de votre temps pour leurs priorités à eux. Vous êtes le maître de votre temps. Le docteur se ménage du temps pour soigner des gens, pour s’occuper de sa famille, et aussi pour jouer au golf. Soyez donc injoignable, et tirez-en de la jubilation plutôt que de la culpabilité ! Vous verrez, c’est incroyable le nombre de choses « urgentes » qui peuvent attendre une demi-heure, voire une heure.
Sauf urgence absolue et cas de vie ou de mort, la porte de votre bureau (mental ou physique) doit rester fermée aux pleurs déchirants de votre époux et aux cris rageurs de votre boss lorsque ce temps « pour vous » est arrivé.
Sachez dire « merde » au monde, et parfois même à Internet
Déconnectez-vous. Une fois que vous avez fini de brainstormer et de vous inspirer, n’utilisez que vos livres de règles, ou les PDFs et sites de règles, générateurs et aides de jeux dont vous avez besoin. Si vous êtes notoirement distrait, n’utilisez même pas Wikipedia, prenez des vrais livres ou rendez-vous dans une médiathèque. Fuyez les réseaux sociaux, le streaming, les sites de vidéos, les news, la télévision en général, et mettez votre smartphone en mode avion… Soyez impitoyable !
Vous n’êtes pas obligé de ne pas vous détendre (vous pouvez regarder un Bluray ou lire une BD, ou autre), mais ne consommez QUE ce que vous choisissez consciemment de consommer, ponctuellement, sans vous laisser entraîner dans des chaînes de vidéos, séries, posts, discussions, articles, etc. Je ne rigole pas : vendre sa télé reste un excellent conseil de vie, en général.
N’oubliez pas qu’un MJ qui écrit un scénario, c’est comme un écrivain. Soyez donc comme votre ami qui veut devenir écrivain et qui quitte Facebook pendant un ou deux ans pour pouvoir écrire tranquille. Bon, pour vous c’est un hobby, personne ne vous demandera la lune, mais déconnecter une journée (voire une semaine) afin de gagner des heures de loisir et du temps de cerveau disponible, ce n’est pas bien cher payé !
Cumulez ceci avec les conseils précédents sur les promenades, le fait d’écouter son corps, de se reposer, et le changement de cadre… et emportez des livres pour lire, lire et encore lire ! Bref, faites-en des vacances, quoi. C’est à ça que ça sert !
Tirez des plans, même sur la comète
Fixez-vous des objectifs ambitieux… ça ne mange pas de pain. Si vous êtes certain de réussir mais que vous ne produisez que des scénarios plan-plan, des scènes classiques et des intrigues prévisibles, non seulement vos joueurs ne seront jamais satisfaits, mais vous non plus ! Plutôt que de regarder les autres réussir en produisant de la merde (voyez les séries te films actuels), réussissez en créant des trucs, et en faisant mieux.
L’inspiration, ça sert à faire mieux que ce qui a déjà été fait !
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