Donnez-leur DEUX chances de vaincre !

Où Mucius, qui n’a pas envie de vous laisser comme ça après deux articles sur les rencontres, vous donne des exemples de stratégies, et vous donne même des études de cas pour mieux vous inspirer.

Dans l’article sobrement nommé rencontres construites, je vous avais donné des clés pour créer des rencontres (monstres ou groupes de monstres) plus vraisemblables. L’article suivant sur le même thème, intitulé donnez-leur une chance de vaincre, s’attachait au côté tactique de la même proposition. Trop souvent, ce genre de conseil se résume à “jouez les monstres de manière intelligente” et vous laisse perplexe quant à ce qu’il faut faire au juste…

Laissez-moi vous donner tout d’abord quelques tactiques utiles pour des monstres relativement intelligents.

Immobilisez vos PJ : il y a plusieurs manières de faire, pas seulement la magie. Enchevêtrement, Immobilisation, Toile d’araignée, Terrain Glissant, Excavation ou Sphère Enflammée pour couper la retraite… Tous ces sorts classiques de contrôle du terrain fonctionnent bien, mais ne sont pas garantis, au vu des jets de sauvegardes de vos PJ ! Au sens large, ce que les ennemis cherchent à faire, c’est maintenir les PJ dans une zone où ils peuvent être combattus plus aisément.

Envoyez de la “chair à canon” (zombis, kobolds, etc.) pour empêcher le groupe de PJ d’avancer, tandis qu’ils se font tirer dessus depuis un couvert… Faites combattre le groupe dans un défilé étroit, entre des tranchées, coincés par un précipice… Ralentissez-les au moins suffisamment pour que vos monstres les plus lents puissent les atteindre, et que vos sorciers leur donnent des bonus ! Combattre en terrain difficile ou exigu empêche aussi les guerriers d’utiliser certaines attaques…

Dans un couloir étroit, face à un seul adversaire au corps à corps, seul le guerrier en tête du groupe peut attaquer… Mais il ne peut pas attaquer plusieurs ennemis, ni utiliser son épée à deux mains, alors qu’un gobelin de petite taille est très à l’aise !

Rendez vos monstres mobiles : de la même manière, l’avantage va à la manœuvrabilité. Les monstres de plus petite taille se glissent hors d’atteinte des PJ, dans des endroits où ils ne peuvent aller, ont un bonus à la classe d’armure… Cela ne veut pas dire que les créatures plus grandes sont à bannir : profitez de leur allonge plus grande que celle des PJ et de leur meilleure vitesse de déplacement pour se mettre hors d’atteinte et choisir qui frapper !

Les monstres capables d’escalader attaqueront depuis les plafonds, les murs, des lianes, des frondaisons, des toiles… Les créatures qui volent feront de même. Ces adversaires se mettent à couvert, sont souvent hors de portée de la plupart des attaques, changent de place lorsqu’ils sont menacés, et attaquent depuis une position élevée (impliquant un bonus à l’attaque). Même sans capacités particulières, songez que des montures donnent à la fois une position élevé et un bonus de déplacement !

Idéales pour des raids vicieux dans les marécages ou sur les côtes, les créatures aquatiques se mettent à couvert sous l’eau… Les PJ, eux, ont des malus en combat s’ils les poursuivent à la nage, et risquent la noyade !

Les monstres savent attendre : les monstres organisés savent à peu près comment fonctionne la magie des PJ… Ils savent qu’elle est temporaire, et que les humanoïdes “récupèrent” leurs sorts avant ou après leur période de repos. Ils savent qu’un combattant fatigué est moins bon… Organisez-donc un ou deux petits raids nocturnes pour empêcher les PJ de se reposer, puis une attaque en règle à l’aube (à laquelle participeront les lanceurs de sorts ennemis, reposés, eux !).

Les monstres attendront aussi le moment le plus propice pour frapper (la nuit, souvent…), et, même en cours de combat, fuiront pour frapper de nouveau quelques rounds plus tard s’ils ont vu les lanceurs de sorts des PJ “bénir” leurs amis : même sans connaissance de la magie, ils misent sur le fait que les sorts sont généralement temporaires. A moins qu’ils ne soient experts, faites-les se tromper de temps à autres, ou tirez au hasard le nombre de rounds qu’ils attendront, c’est plus drôle !

Il est de toutes les manières toujours plus intéressant de harceler les PJ par des attaques successives pour les fatiguer et user leurs ressources (potions, sorts, flèches, pouvoirs…). Faites se reposer les fuyards pendant que des troupes fraîches attaquent !

Attaques spéciales : je vous ai déjà dit qu’il fallait utiliser les attaques spéciales de vos monstres… Mieux : donnez-leur en d’autres. Donnez à un maximum de vos monstres en groupe des armes à distance, pour que ce ne soient pas que les quelques uns qui sont au corps à corps qui puissent faire des dégâts. Donnez aussi le feu à vos monstres : c’est courant, et les monstres les plus stupides savent comment fonctionne un feu grégeois ou une flèche enflammée !

Parce que la plupart des groupes chercheront à s’immuniser au feu assez vite, essayez les autres attaques élémentaires… Sans forcément utiliser la magie, des outres d’acide lancées au bon moment peuvent faire soudain s’arrêter tout un groupe pendant que le guerrier retire son armure à la hâte pour éviter de prendre des dégâts ! Les flèches empoisonnées, même faibles, sont retorses… Sur vingt flèches, même le nain du groupe ratera un ou deux jets de sauvegarde !

Le poison occasionne souvent des dégâts de Force ou de Constitution, qui font baisser les capacités des PJ… Privilégiez ce genre d’attaques pour des créatures faibles (gobelins, etc.) face à des PJ puissants, pour les “mettre au niveau” !

Coordination : les monstres intelligents font des équipes cohérentes. Plus ils sont intelligents, plus ils peuvent être spécialisés… Donnez-leur des niveaux de classe, des dons qui correspondent à ce qu’ils feront sur le champ de bataille, et surtout donnez-leur des assistants ! Par exemple, pendant que le deuxième rang d’arbalétriers kobolds tire, le premier recharge. Tous concentrent leur feu sur UN ou DEUX PJ, le plus dangereux, le plus mobile, ou celui qui fait des incantations. Les piquiers maintient les ennemis à distance…

Le chef a désigné une ou deux ordonnances qui s’occupe de réveiller les victimes des sorts de sommeil ou d’hypnotisme, d’éteindre les kobolds enflammés, d’aider ceux qui se sont pris des flèches acides… Les troupes de corps à corps sont des spécialistes du combat à deux armes, pour frapper plus souvent, et du combat en coopération pour pouvoir être à plusieurs sur le même PJ et lui donner des malus… Des animaux ou de gros monstres alliés, plus menaçants, attirent le feu ennemi !

Quant aux chamanes, ils éviteront les boules de feu et les malédictions (les PJs ont de bons jets de sauvegarde et sont peu nombreux…) et se concentreront sur l’invocation, les diversions, la protection, les soins et l’octroi de bonus à leurs alliés…

Autres avantages : les monstres intelligents (et même les animaux) observent leur proie avant de l’attaquer… Envoyez des espions, ou faites observer vos PJ par magie. A défaut, envoyez un premier petit raid pour “tester” les capacités des PJ, dont les survivants fuiront et rendront compte de la situation à leur “général”. La prochaine attaque (ou la défense, si les PJ se dirigent droit sur le “nid”…) sera coordonnée, et tiendra compte de la tactique habituelle des PJ.

Une bande de monstres qui a eu quelque succès en aura profité pour glaner de bons objets, voire pour s’acheter ou troquer du meilleur matériel… Selon le niveau de vos PJ, donnez à vos monstres des objets mineurs (potions de soins, parchemins d’invisibilité, ou même de Force de Taureau…), ou même des armures magiques (qui ne seront jamais à la taille d’un humain, seront impossible à revendre, et impossible à modifier sans que la magie ne se perde, évidemment !).

On sous-estime toujours l’avantage de bons outils, et de l’information adéquate qui permet de les choisir. Les PJ intelligents font souvent de la reconnaissance avant de se lancer à l’action, et utilisent tous leurs objets… Les monstres, c’est pareil !

Bon. Maintenant que vous savez cela, qu’en faire ?

Il n’y a que trois moyens d’apprendre, en la circonstance : créer des rencontres soi-même en tentant d’appliquer tout ça tant bien que mal (ce qui mène à pas mal de tâtonnements au début), avoir un MJ assez bon pour vous faire vivre des aventures bien conçues et essayer de l’imiter (pas facile si vous êtes le seul MJ de votre groupe), ou… aller lire les comptes-rendus de parties et les exemples de rencontres sur Internet, pour avoir des idées et voir comment on fait concrètement.

Pour ce qui est des deux premières options, je ne peux pas vous aider; mais je peux vous raconter deux rencontres intéressantes quant au problème qui nous occupe : une attaque contre les PJ, et une défense contre ceux-ci.

Première rencontre, “prête à jouer” : Des ogres attaquent l’auberge dans laquelle se trouvent les PJ.

Tout d’abord, où que se trouve l’auberge, on suppose qu’il s’agit d’un relais sur une route, isolé, ou d’une auberge dans un hameau sans murs, sans quoi les ogres ne pourront jamais l’atteindre sans donner l’alarme. Ensuite, si l’on veut rendre la rencontre surprenante et effrayante, il faut qu’elle se déroule de nuit : les ogres sont de grandes créatures, on les verrait arriver de loin pendant la journée. De plus, les ogres ont la vision nocturne, ils devraient en tirer avantage.

Qui plus est, l’image de l’ogre qui vient dévorer les gens la nuit est très évocatrice ! On supposera un nombre d’ogres en accord avec le nombre et le niveau des PJ (monstre de niveau 3… Donc disons 1 par PJ au niveau 3 ou 4, un peu plus au niveau 5 ou 6) attaquant de manière coordonnée : les ogres sont plus stupides qu’un humain, mais ils ont une intelligence supérieure à celle d’un animal, et s’il y a une chose qu’ils savent faire c’est attaquer, piller et faire des prisonniers.

Le but des ogres est simple : voler de la nourriture et des objets de valeur, prendre des esclaves. Même s’ils comptent les manger plus tard, la viande se conserve mieux vivante. J’ajouterai que s’ils voulaient simplement manger les gens dans l’auberge, ils y mettraient le feu pour faire un grand méchoui… Mais dans ce cas, il n’y aurait plus vraiment d’attaque, ni de rencontre ! Il faut penser à la vraisemblance dans le modus operandi, mais aussi quant au but des ennemis…

Les ogres devraient être accompagnés de sbires, pour moduler le niveau de la rencontre plus finement (orques, kobolds, hobgobelins et compagnie, serviteurs brutalisés, ou maîtres plus intelligents). Allez, mettons quatre orques ou huit kobolds par ogre, ou une combinaison des deux… Dans tous les cas, l’un des monstres est suffisamment intelligent pour avoir conçu un plan, sinon ils ne se seraient pas lancés dans une attaque de grande envergure contre des humains dans un bâtiment en dur !

Un des sbires des ogres s’introduira furtivement (ce qu’un ogre ne peut pas faire) dans l’écurie de l’auberge pour tuer ou trancher les tendons de tous les chevaux, de manière à ce que personne ne s’enfuie. Si les PJ ont un compagnon animal (ours, cheval de guerre, etc.) qu’ils ont réussi à faire admettre à l’étable, c’est un bon point pour eux… et l’occasion pour les joueurs de jouer leurs compagnons seuls, sans harnachement ! Les bruits des bêtes déclencheront la suite de l’attaque.

Deux ogres et huit sbires seront postés à la porte principale de l’auberge, portant un tronc d’arbre. Ils défonceront la porte avec… Aucune porte d’auberge ne résisterait plus de deux rounds à ce traitement. S’il reste des ogres, mettez-en à la porte de derrière pour attraper les éventuels fuyards, avec le reste des sbires, surveillant aussi les fenêtres. Les ogres éviteront de rentrer une bâtisse médiévale typique (2m de plafond maximum…), il leur y serait impossible de combattre correctement.

Au lieu de cela, les ogres enverront leurs sbires… N’oubliez pas que c’est la nuit : tout le monde dort, personne n’a son armure, y compris les PJ. Si un joueur insiste sur le fait qu’il dorme en armure, je vous engage à insister sur le fait que son armure rouille sans entretien, qu’il y a un GROS problème d’hygiène à ne jamais enlever ses vêtements, un énorme problème pour dormir, des douleurs, et des malus cumulatifs chaque jour à cause de la fatigue et des courbatures… La règle existe !

Certes, les PJ sont désavantagés, mais les orques/kobolds/sbires ne les atteindront probablement pas tout de suite, et ces combats se dérouleront dans des couloirs et des chambres pas trop grandes, donc avec peu d’adversaires à la fois… Ils seront avantagés plus tard s’ils veulent faire pleuvoir des attaques à distance (ou à la hallebarde) sur les ogres depuis l’étage ou le toit de l’auberge. Si c’est trop difficile pour vos joueurs, au pire, ils se feront assommer et prendre comme esclaves…

Si au contraire vous voulez corser les choses, n’hésitez pas à mettre un chamane ou un sorcier parmi les sbires, capable de lancer des sorts de niveau 1 ou 2 utiles pour rabattre les victimes vers les ogres (sphère enflammée…), ou tirer à distance. A défaut, donnez à quelques uns de vos monstres des objets à usage unique (fruits d’autres rapines, mais qui, utilisés, ne seront pas trouvés par des PJ victorieux) telles potions, parchemins ou gris-gris presque déchargés possédant les mêmes effets.

Le chef aura sans aucun doute des niveaux de classe… Selon l’orientation que vous comptez donner à la rencontre, un ogre barbare avec un pouvoir de rage ou un druide orque avec un sort d’enchevêtrement sont deux choix intéressants ! Si vous voulez augmenter la difficulté en cours de rencontre (les PJ s’en sortent mieux que prévu), faites intervenir un ogre de plus (avec ses sbires personnels) qui était à la traîne du groupe principal, un vétéran boiteux mais meilleur en combat…

Pour rendre la rencontre plus “personnelle”, donnez un but aux ogres : ils veulent attaquer le demi-orque ou le demi-ogre qui tient l’auberge pour faire couler son affaire, par vengeance personnelle, parce qu’il a tourné le dos au clan… Ils ont aperçu les PJs qui revenaient d’un donjon dans lequel ils n’ont pas pu entrer et veulent voler les trésors qu’ils y ont pris… Et n’oubliez surtout pas les voyageurs sans niveau de classe qui courent partout, gênant les combattants, et qu’il faut protéger !

Voilà une rencontre intéressante susceptible d’orienter une mini-campagne : d’où venaient ces ogres ? Libre à vous de leur fabriquer un “nid” vers lequel les PJ remonteront la piste, de les affilier à un mal plus grand, ou de n’en faire qu’une distraction intéressante en cours de campagne. On suppose que les PJ vont triompher… Mais même s’ils se font prendre, ils se réveilleront avec les autres esclaves, sans armes ni vêtements, et devront s’évader de l’antre des ogres, ce qui est aussi palpitant !

En guise de deuxième exemple, je ne résiste pas à l’envie de vous traduire l’éditorial d’un vieux numéro de l’édition anglaise de Dragon Magazine, pour la seconde édition de D&D, par Roger E. Moore… Cet article, aujourd’hui devenu mythique, a fait qu’aujourd’hui dans la communauté rôliste d’Internet, les groupes de monstres faibles mais utilisant des tactiques avancées sont souvent appelés “Tucker’s Kobolds“. C’est même cet article qui m’a inspiré cette “philosophie” de la rencontre.

Cet article est, à mon sens critiquable. L’écologie du donjon, le but des kobolds et leur quotidien, tout cela n’est pas abordé… Le donjon est un énorme PMT qu’on n’oserait absolument plus faire aujourd’hui. Les kobolds semblent trop parfaitement coordonnées et ne font aucune erreur… Et il faudrait envisager TOUTES les rencontres de cette façon, pas seulement les kobolds du niveau 1… C’était une autre époque !

Mais cela a l’avantage de poser les bases de ce qui est à mon sens une bonne façon de penser la rencontre.

Les Kobolds de Tucker

L’éditorial de ce mois-ci parle des kobolds de Tucker. On reçoit des lettres, à l’occasion, qui demandent des conseils pour créer des aventures pour des PJ de niveau élevé à AD&D, et les kobolds de Tucker me semblent bien convenir.

De nombreux PJ de haut niveau n’ont rien à faire parce qu’il n’y a pas de défi à leur hauteur. Ils baillent devant des tarrasques, et on doit les maintenir éveillés de force lorsqu’une liche apparaît. Leurs MJ ne savent pas quoi faire, alors ils repoussent le problème et les personnages se retrouvent dans les limbes de l’oubli… Arriver à un haut niveau, c’est dur, mais faire quoi que ce soit une fois qu’on l’a atteint, c’est pire !

L’un des problèmes clés quand on crée une aventure réside dans la création d’adversaires qui offrent un défi à des personnages puissants. Les monstres uniques comme les liches et les tarrasques se font tomber sur le poil facilement; le groupe peut concentrer sa puissance de feu sur la cible jusqu’à ce qu’elle tombe morte en agitant ses petits pieds en l’air… Créer des monstres plus puissants qu’une tarrasque est contre-productif; si le groupe tue voter super-monstre, que ferez-vous ? Vous enverrez sa maman ? Cela n’a pas marché pour Beowulf, et ça ne marchera probablement pas non plus pour vous.

Pire encore… Les super-monstres solitaires ont rarement besoin de penser. Ils ne font qu’utiliser leurs trois attaques, griffe/griffe/morsure, fidèles et prévisibles. Telle ne doit pas être l’aune de votre campagne. Ces parties partent à vau l’eau parce qu’il n’y a pas de réelle difficulté, pas de stimulation intellectuelle… Pas de danger.

De toutes les parties que j’ai vu, les adversaires les plus horribles, les plus sournois, les plus immondes, au delà de toute comparaison, ont souvent été plus faibles que les personnages qui les ont combattu. Ils étaient simplement des êtres intelligents et bien armés, joués par le MJ comme extrêmement rusés et sans pitié. Les kobolds de Tucker étaient comme ça.

Tucker faisait jouer un donjon incroyablement dangereux à l’époque où j’étais cantonné à Fort Bragg, en Caroline du Nord. Ce donjon avait des couloirs qui transformaient nos mules en gigantesques démons enflammés ou faisaient prendre à tout le groupe des bains d’acide… Mais les démons, c’étaient des mauviettes comparés au kobolds du Niveau 1. Ces kobolds n’étaient que des kobolds de base, avec 1d4 points de vie et tout et tout, mais ils étaient méchants… Quand je dis méchants, je veux dire mauvais jusqu’à l’os, jusqu’à la moelle. Ils avaient eu leur diplôme avec tableau d’honneur de l’Institut Sauron des Sadiques Impénitents.

Lorsque j’ai rejoint le groupe, certains PJ avaient déjà rencontré les kobolds de Tucker, et ils n’étaient pas chauds pour recommencer. Le chef du groupe avait examiné la carte du donjon tracée au crayon et essayé de trouver un moyen d’éviter les petites bestioles, en vain. Le groupe s’était donc résigné à courir le plus vite possible à travers le premier niveau pour atteindre les ascenseurs, par lesquels nous pourrions descendre directement jusqu’au niveau 10 et combattre des monstres “sympas”, comme les gigantesques démons enflammés.

Le plan n’a pas marché. Les kobolds nous ont chopé dans les 18 premiers mètres du donjon, et ont fermé et barré la porte derrière nous. Ils ont mis le feu au corridor, et nous étions encore dedans.

“NOOOOOON !” hurla le chef du groupe. “C’est EUX ! Fuyons !!!”

Ainsi ragaillardi, notre groupe se bouscula dans un passage latéral, pour tomber dans l’embuscade d’un autre groupe de kobolds tirant à l’arbalète légère par des meurtrières des murs et du plafond. Des kobolds portant des armures et des boucliers en métal nous lançaient des cocktail Molotov depuis l’autre côté de grands tas de débris enflammés, que d’autres kobolds poussaient en avant de leur formation grâce à de longues fourches de fer, comme des balais. Pas d’erreur, ces kobolds étaient des salauds.

Nous nous sommes alors tourné vers notre chef de groupe pour écouter ses conseils.

“AAAAAARG!!!” gémissait-il, les mains fermées sur son visage pour ne pas voir la situation tactique.

Nous avons abandonné la majeure partie de nos objets et de nos mules pour accélérer notre fuite vers les ascenseurs, mais notre route fut coupée par des snipers kobolds qui tiraient et se déplaçaient dans le même round, se retirant derrière des pierres et des coins de couloirs juste après avoir tiré leurs carreaux et leurs flèches à pointe d’acier, et lancé d’autres bouteilles d’huile enflammée. Nous sommes tombé sur une partie inexplorée du Niveau 1, sans cesser d’encaisser le feu de l’ennemi… C’est alors que nous avons découvert que ces kobolds avaient vrillé le premier niveau de petits tunnels pour accélérer leurs déplacements. Il y avait des commandos kobolds partout. Tous nos suivants sont morts. La plupart de nos compagnons d’armes ont suivi. Nous étions les suivants.

Je ne souviens que nous avions un lanceur de sorts de niveau 12 avec nous, et que nous lui avions demandé de lancer un sort ou de faire quelque chose. “Explose-les !” Avait-on crié en courant. “Grille les à la boule de feu, ces petits enc… !”

“Dans ces couloirs étroits ? Êtes-vous fous ?” Cria-t-il en réponse. “Voulez-vous que je nous fasse brûler à leur place ?”

Notre fuite éperdue nous emmena vers un cul de sac, où une colonne d’aération géante béait, verticale, droit dans les ténèbres sans nom, bien plus bas que le Niveau 10. Nous avons enfoncé à al va-vite quelques pitons dans le sol et les murs, lancé des cordes par dessus le rebord, et nous sommes descendus dans ces fameuses ténèbres sans nom, certains que quoi que nous puissions rencontrer là-dessous, ça ne pouvait pas être pire que ces kobolds.

Nous nous sommes échappés, nous avons rencontré les gigantesques démons enflammés du niveau 10, et nous avons même réussi à en tuer un après une heure de combat et le sacrifice de la moitié de notre groupe. Nous n’étions pas peu fiers… Mais le chef du groupe n’avait pas le sourire.

“On doit encore ressortir par là où on est entrés, ” a-t-il dit en se préparant tristement au partage du trésor.

Les kobolds de Tucker étaient la pire chose qu’on pouvait imaginer. Ils ont mangé toutes nos mules et pris tout notre trésor, et ils ont fait tout leur possible pour nous nuire, mais ils avaient du style, de la ténacité, du courage et du plomb dans la cervelle. D’une certaine manière, nous les respections et les aimions, parce qu’ils n’étaient jamais ennuyeux.

Si des kobolds ont pu faire ça à un groupe de PJ entre le 6e et le 12e niveau, imaginez ce que quelques orques et PNJ de bas niveau pourraient faire à un groupe de niveau 12 à 16, ou une bande de PNJ et monstres de niveau moyen à des PJ de niveau 20. Essayez. Parfois, ce sont les petites choses (bien utilisées) qui font la différence.

C’est la fin de nos exemples de rencontres…

Pillez les, et d’autres, si vous n’avez pas d’idées (c’est ce que je fais toute honte bue) parce qu’une bonne tactique est souvent copiée. C’est normal. Et ces exemples copient sans doute eux-mêmes, d’ailleurs : il existe peu de stratégies vraiment originales qui fonctionnent à la bataille, et toutes ont été éprouvées par l’Histoire.

Si cela ne vous donne pas envie de créer des rencontres retorses et originales, je ne sais pas ce qui le fera !

  1. J’ai beaucoup l’article, mais c’est une chose que je trouve, pour ma part, assez difficile a mettre en place, car ça demande une dose de travail supplémentaire assez conséquent. Mais je suis vraiment tenté de le mettre en pratique dans une de mes parties. Enfin je parle la partie Tucker.

    Le reste est quelque chose que je mets déjà très souvent en place. Pour moi, chaque rencontre doit être crédible et doit montrer que ce n’est pas un hasard. Même les animaux les plus “cons” ont un plan d’attaque. En meute ou non d’ailleurs. C’est un réflexe naturel que de savoir comment attaquer ou savoir quand fuir. (Enfin comment… globalement, après si on sait pas se battre c’est un tout autre problème^^)

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