Où Mucius vous parle de ce qu’il ne faut pas faire dans un jeu de rôles, même si vous en avez très envie… Et des moyens de le faire quand-même.
Avez-vous déjà eu une idée lumineuse, insistante, qui vous fait dire “ouais, ce serait super si…”, qui ne demandait qu’à être exécutée, mais qui au final a tourné de manière catastrophique ? Eh bien ça existe aussi en Jeu de Rôles. Certes, il y a des joueurs durs à supporter et des MJ plus ou moins confus… Mais il y a des choses qui semblent intéressantes au départ, même aux meilleurs rôlistes, même aux plus expérimentés, et qui tournent systématiquement au “si j’avais su”…
C’est alors la faute de celui qui a eu l’idée, ou celui qui l’a permise, donc presque invariablement le MJ… Lourde responsabilité ? Oui. Mais grâce à cet article, on ne pourra pas dire que vous n’étiez pas prévenus. Voici une liste non-exhaustive d’un certain nombre de routes qu’il ne vaut mieux pas emprunter dans un jeu de rôles (Médiéval fantastique… Mais pas que). Avec un bémol toutefois : Les tabous sont faits pour être brisés, ces propositions peuvent donc l’être aussi.
Voici mes diverses FBI et celles de gens que je connais… Mais vous en trouverez d’autres, sans doute, dans votre carrière de rôliste !
Premièrement, il y a les FBI “systémiques”. Elles sont nombreuses, hélas… Qui n’a pas fait ses propres règles “maison” pour compenser ce qu’il pensait être un manquement dans les règles officielles, ou modéliser un truc qui lui paraissait cool ? Je pense que 99% des MJ jouent avec des règles modifiées, ne serait-ce que pour des raisons de simplicité, et parce que les règles officielles de Pathfinder sont quelquefois lourdes, vagues ou mal adaptées à certaines tables.
C’est normal, c’est très bien ! Mais il y a des choses à ne pas faire…
En règle générale (ha ha), ne surprenez jamais un joueur avec une règle, surtout une dont il ne veut pas. A priori c’est une bonne idée : vous voulez rendre le jeu plus simple, ou plus réaliste… Mais pour ça, il faut d’abord vous mettre d’accord avec vos joueurs. Par exemple, il y en a beaucoup qui jouent à Pathfinder sans figurines, sans confirmation de coups critiques, éléments matériels ou attaques d’opportunités… Voire sans alignement.
Eh bien certains joueurs, qui aiment minimaxer ou prendre certains dons qui n’auraient aucun sens sans cela, objecteraient. A la table de jeu, il est trop tard pour en discuter : Rien n’est plus agaçant que de s’apercevoir qu’une règle en plus ou en moins rend votre personnage complètement inutile ou la stratégie de vos monstres caduque ! Sachez repérer les règles, optionnelles ou non, parfois obscures, qui sont souvent amendées ou supprimées… Bref, qui font contentieux.
Il en va de même pour vos ajouts en termes de background, du genre “Dans mon univers de Warhammer, il n’y a pas d’armes à feu” ou “Dans mon monde, la magie fonctionne comme ça”… Proposez avant, annoncez la couleur, ne surprenez pas les gens. Cela leur permettra de faire des personnages plus adaptés… Ou de vous faire leurs propres propositions, ce qui est intéressant aussi !
J’aimerais parler d’une FBI qui pousse ceci à l’extrême… J’appelle ça le coup du Sourire du Dragon.
C’est en hommage au dessin animé des années 80 (incidemment, et c’est approprié, tiré du jeu de rôles Donjons et Dragons). Il racontait les aventures d’un groupe d’enfants américains de l’époque contemporaine projetés via un train fantôme dans un univers magique, manipulés par un gnome à moitié chauve. Ils n’ont de cesse que de quitter ce monde, certes magique, mais qui n’est pas le leur, et rentrer chez eux. L’idée est donc simple… Vous faites passer les PJ d’un jeu à un autre.
Porte dimensionnelle, vaisseau écrasé sur une planète Med-Fan, et ainsi de suite. Plus ou moins progressivement, vous convertissez leurs caractéristiques, ils gagnent ou perdent des pouvoirs… (du genre “Vos pouvoirs de Jedi commencent à ne plus marcher, mais ici, ils ont des gens avec des livres de sorts… Vous voulez essayer ?”), jusqu’au moment où vous leurs remettez carrément une nouvelle feuille de perso. Et bien sûr, vous leur faites la surprise. Sans blague.
Ne faites jamais ça. Si changement il y a, ne changez pas le système, et faites ça de manière temporaire. Si vous avez envie de jouer à un autre jeu, proposez-le… N’imposez pas, surtout si vous changez les capacités dont les PJ disposent (et c’est inévitable lors d’une conversion). Les joueurs ont fait des personnages adaptés à un univers que vous avez accepté de mener, avec pour but de vivre des aventures dans celui-ci. Si quelqu’un fait un Jedi, ce n’est pas parce qu’il a envie de jouer un mage.
Seule exception : Les jeux où le principe même veut que les PJ viennent de mondes divers, comme Murphy’s World ou Post-Mortem… Mais là, tout le monde est prévenu. Le côté “multiversel” est même l’une des raisons d’y jouer.
Evitez aussi de créer votre jeu de rôle vous-même… Alors bon, je ne veux pas décourager les créatifs, mais dans ce genre de profession il y a peu d’appelés et encore moins d’élus : voyez le nombre de jeux à succès, et comptez surtout parmi eux ceux qui ont un système réellement différent. Songez à présent que chaque rôliste ou presque, à un moment ou à un autre, a voulu écrire son propre jeu… Bon, vous avez compris.
N’ayez pas honte. On l’a tous fait. Mais quand on écrit, on a tendance à pêcher par excès de simulationnisme et à faire des règles compliquées (trop). Il y a aussi le syndrome du “je dois absolument faire original”… Ne cherchez pas à ne pas imiter un système existant, surtout s’il fonctionne très bien. Sachez ne pas vouloir réparer ce qui n’est pas cassé. Il n’y a qu’un nombre fini de types de dés et de systèmes faciles, qui marchent.
Et puis à mon sens, soit vous écrivez un jeu (et vous en avez pour des années à le tester et le parfaire, sans grand espoir de publication ou d’en tirer un quelconque bénéfice financier), soit vous préférez jouer. Et pour jouer, il vous suffit de prendre un des systèmes qui marchent. Même si vous n’écrivez qu’une règle “maison”, sachez éviter les usines à gaz ; les armes à feu, la magie et la localisation des blessures sont de grands favoris pour ces règles qui ne marchent jamais vraiment bien…
Il existe plein de choses qui marchent déjà. N’ayez pas honte de ne pas être un des rares vrais pionniers du jeu de rôles !
Il y a une erreur plus courante… La création au hasard, en majorité ou complètement. Je ne suis pas partisan du hasard à la création, mais je reconnais que tirer certains détails aux dés peut donner des idées ou relever un personnage un peu fade. A condition de ne rien imposer au joueur ! Rien qu’en tirant au hasard les caractéristiques, il arrive que le joueur malchanceux se retrouve avec un personnage injouable, ou qu’il n’a simplement pas envie de jouer.
Tel souhaitait faire un magicien, qui se retrouve avec 3 en Intelligence… La FBI ici, consiste à dire, au nom du roleplay, “Ton perso aurait aimé être mage, mais il ne peut pas !”. Justement non… Le joueur aurait aimé jouer quelque chose, et il ne peut pas. C’est différent. Un acteur a le droit de refuser un rôle, surtout si on ne le paie pas ! Du reste, même si on tire un personnage intéressant, le hasard crée des disparités de points entre les personnages… Jalousies possibles entre joueurs.
J’ai connu un MJ qui faisait tirer les caractéristiques, mais aussi les signes distinctifs, les avantages et handicaps, la race, et jusqu’à la profession. Et qui ne négociait pas. “A la limite tu peux retirer une fois. C’est du vrai jeu de rôles, les gens ne sont pas égaux, on ne choisit pas sa famille…” Ben voyons. Si vous entendez la phrase “C’est du Vrai Jeu de Rôles”, fuyez ! Le hasard n’a aucun rapport avec le fait de bien jouer ou non son rôle… Beaucoup jouent même mieux un rôle qu’ils ont choisi.
Aujourd’hui, la plupart des jeux offrent un système à points : Nous sommes heureusement sortis des années 80… Et tant que j’y suis, j’aimerais parler de cette autre FBI… La loi du “dé roi“, du “tout ou rien”. Il s’agit de faire tirer les dés pour un oui ou pour un non.
J’ai vécu ces deux exemples : “Vous conduisez sur une route de campagne tranquille en Nouvelle Angleterre. Celui qui conduit me fait un jet de compétence. (bruit des dés). Raté… Dommage. Vous plantez la voiture dans un arbre”… “Votre mission sur la planète X vous attend, mais vous devez d’abord sortir le vaisseau de la base spatiale… Jet de pilotage, s’il-vous-plaît… (bruit d’un échec critique)… Dommage. Le vaisseau explose contre la porte du hangar, vous êtes morts.”
Dans les deux exemples précédents, les groupes de PJ ont été tués ou blessés avant même de commencer le scénario, hors d’une scène d’action. Parce que ce genre de comportement va obligatoirement avec une grosse “punition” en cas d’échec, sinon le jet de dés “hors combat” n’a aucun intérêt… C’est un autre reliquat des premières années du jeu de rôles, où tous les pièges étaient fatals et les poisons mortels instantanément.
Au nom d’une certaine idée du réalisme, soit vous réussissez votre jet de sauvegarde, soit vous mourez. Les personnages défilaient, nombreux, à cette époque… Elle est heureusement révolue pour beaucoup, même si de nombreux jeux (comme Warhammer) font démarrer les PJ à un niveau de compétence proprement abyssal… Un expert dans son métier, supposé vivre de son art ou de son savoir-faire, n’a au départ qu’une chance sur trois environ de réussir un test de compétence, à ce jeu !
C’est excessif. La mortalité en jeu de rôles, voilà quelque chose qui mériterait un article en soi, d’ailleurs…
Il existe aussi des FBI liées au background, au scénario… Par exemple, faire jouer le présent. Je ne parle pas ici de jouer dans un univers contemporain, voire qui tient compte de l’actualité, mais bel et bien de faire jouer aux joueurs leur propre personnage, c’est à dire eux-mêmes (ni vous-même en tant que PNJ), dans le moment présent. C’est souvent combiné avec le coup du “sourire du dragon” vu plus haut, ou au moins avec des éléments fantastiques, mais pas forcément.
Voilà bien une idée de geek, dans le mauvais sens du terme… “Et de quel alignement tu serais ? Et tu penses que tu aurais combien en Force ? Moi j’aurais 16 en Intelligence…”. Ouais. Vous voyez le genre. En ce qui concerne la modélisation de la réalité en termes de chiffres, des gens très intelligents ont travaillé très longtemps sur le QI… Sans grand succès. Vous ne ferez pas mieux. Et même si vous y arriviez, ça n’a aucun intérêt.
Quel que soit l’univers, le paradigme, on joue au jeu de rôles pour jouer un rôle, pas pour se jouer soi-même… On ne sait pas comment on réagirait dans une situation fantastique. Avec un personnage créé, on peut au moins inventer. En plus, c’est difficile de se jouer soi-même honnêtement, quand on est assis à une table, surtout quand on est entouré de gens qui vous connaissent et peuvent vous corriger…
Mais je digresse… Il y a aussi une intrigue à éviter absolument, celle que j’appellerai le “cube“, en hommage à ce film si étrange…
Les héros se réveillent dans une espèce de donjon/rêve/vision/cellule/demi-plan quelconque, sans savoir pourquoi, et cherchent une sortie, ou au moins une raison. Il n’y en a apparemment pas… Dans les deux cas. Si vous prenez cette voie, assurez-vous qu’il y ait quelque chose à comprendre, et que les joueurs (et les PJ) le comprennent assez vite. Sachez qu’il y a des joueurs qui apprécient d’être déstabilisés et contraints ainsi, et d’autres non…
Il y a eu de nombreux films comme ça, avec une espèce de carcan sans échappatoire pour des gens qui n’ont pas choisi d’y être (Saw, Predators, et même The Ring, ou le carcan n’est pas une prison physique…), et il est normal que vous trouviez l’idée bonne si les films vous ont impressionné… Mais un film n’est pas un scénario de jeu de rôles. Même si vous ne laissez qu’une porte de sortie, laissez plusieurs moyens d’y arriver.
Evitez aussi le TGCM, la linéarité, et tout ce qui est irréaliste (quelque chose que les films en question ne font que trop !). J’ai connu un MJ qui a fait prisonnier les PJ d’une espèce d’univers de poche a l’apparence d’un manoir, vide à part eux. Ils s’en sont sortis… A la fin, il leur a dit “félicitations, vous êtes sortis de la boucle temporelle, quel dommage que vous n’ayez pas compris comment, pourquoi et par qui vous y aviez été enfermés…”.
Si votre scénario a ne serait-ce qu’une chance de se finir sans que les joueurs ait compris de quoi il retourne, gagné ou perdu, retravaillez-le… Et ça arrive trop souvent avec cette autre FBI scénaristique que les MJ adorent, le voyage dans le temps.
Il y a deux écoles… Soit vous faites un scénario dans lequel le voyage dans le temps est hors du contrôle des PJ et strictement limité par des règles, soit vous laissez tout ouvert. Dans le deuxième cas, c’est obligatoirement une FBI : Qu’est-ce qui empêche n’importe qui de revenir une minute avant que toute l’histoire ne se déclenche pour se prévenir lui-même, ou tout empêcher ? Qu’est-ce qui empêche quelqu’un d’autre de revenir juste avant pour l’empêcher d’empêcher ça ? Et ainsi de suite…
Dans le premier cas, il est possible que ça ne soit pas une FBI… Mais ça l’est le plus souvent. Il faut que votre scénario soit d’une linéarité implacable, ou avec de sacrés passages obligés pour les joueurs, ou très, très, très bien improvisé. Il faut que le nombre de voyages dans le temps soit strictement contrôlé et limité. Il faut que ça soit hors du contrôle des joueurs et géré par des règles strictes… Et surtout il faut que rien de tout cela ne se voie du point de vue des joueurs !
C’est peut-être plus facile dans un roman que dans un scénario où l’on a pas prise sur les actes des héros… Et encore, c’est si rare de trouver un voyage dans le temps vraiment bien traité ! Je ne l’ai vu que deux fois. Si ça paraît un tant soit peu guidé, les joueurs auront l’impression de ne plus avoir leur libre-arbitre. Il faut donc très bien connaître ses joueurs pour pouvoir faire ce genre de choses… Et encore, c’est dur. Je dénonce donc la fausse bonne idée.
Continuons de passer en revue les scénarios qui paraissent excellents sur le papier, mais sont presque impossibles à mettre en place en vrai… Le coup du Cluedo, ou de l’amnésique.
Cela semble intéressant de conférer une amnésie à l’un des héros sans qu’il s’en doute… Un peu à la façon du film Angel Heart, où le héros s’aperçoit progressivement qu’il n’est pas celui qu’il pense être… Ou du jeu de Cluedo, dans lequel on peut s’accuser soi-même. Il y a des amnésies moins graves que celles ou l’on s’aperçoit qu’on est un tueur, cela dit, et ça peut même être une très bonne idée : Je l’ai vu faire.
Une fois. Une seule. Et c’était le fruit de discussions entre le MJ et le joueur concerné, les deux se connaissant depuis l’enfance et se faisant confiance. L’amnésie était alors intégrée à toute la trame scénaristique, et ne paraissait pas un moyen inévitable et artificiel de “rajouter” des compétences ou des contacts au background du personnage… C’est chose extrêmement rare que ce petit artifice de l’amnésie ne paraisse pas forcé, justement !
La fausse bonne idée, ce n’est pas l’amnésie en elle-même, mais c’est de la “parachuter”, de dire au joueur “il te manque des souvenirs” puis de les lui donner sans qu’il ait un droit de regard dessus. D’une part parce que ça change son rôle irrémédiablement, d’autre part parce que ça peut être perçu comme un moyen bon marché de modifier le background d’un joueur à votre guise (ce qui est en soi assez osé) pour faire le scénario qui vous arrange, au détriment des souhaits du joueur.
Pas un scénario à proprement parler, mais une fin possible, il faut à tout prix bannir l’apocalypse irrémédiable.
Oh, il n’y a rien de mal à donner dans l’eschatologie et faire courir le monde à sa perte si cela permet aux PJ de l’éviter… De même, rien de mal à jouer dans un monde post-apocalyptique, ou à mettre en place un grand chambardement qui change le monde de fond en comble pendant la campagne. Non, je parle ici d’une apocalypse en apothéose que les PJ ne pourront pas éviter… Quelque chose de prophétisé, qu’ils l’appellent ou non de leurs vœux.
Voyez-vous, si c’est inévitable, alors les héros n’en sont pas. Qu’ils se battent pour détruire, préserver, ou encore pour survivre eux-mêmes, s’ils savent que tout est de toutes manières voué à l’échec et que le monde (ou l’humanité, ou leur civilisation, et ainsi de suite) cessera d’être à brève échéance, autant ne rien faire. Cela n’a aucune espèce d’importance. Tuer ? Il suffit d’attendre, tout sera détruit. Sauver quelqu’un ou quelque chose ? A quoi bon… Survivre ? Rien ne survit à la fin de tout.
A l’instar de trop de dissertations d’écoliers, trop de MJ gâchent une campagne apocalyptique en détruisant leurs propres efforts par une conclusion évidente et pataude… Une apocalypse, donc. Ils croient souvent que cela rend leur univers plus noir, plus désespéré, et que ce genre de final rend la chose plus spectaculaire. C’est le cas… Mais si cela ne sert à rien de faire quoi que ce soit et qu’il n’y a qu’à regarder le feu d’artifice, alors à quoi bon jouer dans un tel univers ?
Erreur de débutant… Jouer tous les voyages :
“Never confuse movement with action“, disait Ernest Hemingway, et il avait raison. Ne faites pas voyager vos PJ pour le plaisir, ne décrivez pas tout s’il ne se passe rien… Posez l’ambiance, dites ce qui est important, mais ne vous transformez pas en guide touristique. Il existe quelque chose que (hélas) peu de MJ utilisent en cours de séance : l’ellipse ! N’hésitez pas à dire “le voyage est sans histoire, un mois se passe…” et à résumer en une phrase ou deux la totalité de ce laps de temps.
Il n’est pas indispensable de meubler avec des descriptions, ou de décrire dans la même proportion le temps passé à “ne rien faire” et le temps passé en aventure… Même s’il peut être utile de poser une ambiance, ou de permettre aux joueurs de dire ce que chaque personnage entreprend durant ce “temps mort”. Ce peut être le moment idéal pour renouveler l’équipement, s’entraîner pour monter de niveau, ou se renseigner… N’ayez pas peur des temps morts, car en fait, ce n’en sont pas !
De même, vous n’êtes pas obligé de trouvez une idée de scénario, ou quelque chose à faire faire à votre groupe pendant qu’ils se rendent d’un point à un autre pour votre campagne… Les routes ne sont pas toujours si mal famées qu’on ne puisse pas les parcourir sans qu’il y ait d’attaque de gobelins, il n’y a pas de culte démoniaque dans chaque village, ni de mini-quête à chaque halte… Entre deux batailles, même pour des héros, il peut se passer des mois, voire plus !
Pas besoin, donc, de faire un scénario ou plusieurs à chaque fois que les PJ prennent la route. Surtout si l’idée ne vient pas. Scénario courant s’il en est lorsque les idées ne viennent pas pour amener les PJ d’un point à un autre, la capture :
Je ne dis pas qu’il n’y a pas moyen de le mettre en place de manière correcte… D’abord, il faut que tout le monde soit capturé, ou personne. Séparer le groupe est une mauvaise idée, sauf si l’idée est justement de mettre en scène l’évasion. Ensuite, il faut s’arranger pour que ça ne soit pas un passage obligé, ou pour que, au moins, les joueurs croient qu’ils avaient une chance d’échapper à la capture. C’est difficile à faire sans que ça n’ait pas l’air d’une décision autocratique du MJ.
Les joueurs sentent ce genre de chose. Ils n’aiment pas qu’on les contraigne, que leurs actions ne “comptent pas”… Si vous les capturez, arrangez-vous pour qu’ils ne soient pas tentés de résister : des gardes polis, d’un état pas trop corrompu, en petit nombre, entourés d’innocents, feront mieux que des gardes trop nombreux ou trop puissants d’un empire malfaisant. Faites que le choix se rendre, de temporiser, soit le moins coûteux, idéologiquement et matériellement.
Même alors, plus que la confiscation des objets magiques, castrer ainsi les PJ dans leur marge de manœuvre, ça peut mettre les joueurs de mauvaise humeur… Ils ne se laisseront pas faire, avec raison d’ailleurs, mais ça peut donner des réactions assez bizarres. Certains joueurs préfèreront la mort de leur personnage plutôt que la prison, poussant les gardes à bout, insultant ceux qui les tiennent en joue, ou se suicidant plutôt que d’être pris…
Et puis, sans vouloir jouer les flemmards, c’est du boulot que de préparer tous les détails d’une prison, les tours de gardes, les serrures, les repas, les autres prisonniers, juste pour le cas où ils voudraient s’évader de telle et telle manière…
Dans la même veine, il y a des choses qu’il vaut mieux ne pas faire jouer… Les situations trop désespérées, ou les joueurs ont le sentiment d’être coincés, si elles sont parfois indispensables, peuvent pousser à bout. Je ne parle pas de la prison (entièrement tolérable dans la plupart des cas). Evitez cependant les sujets qui fâchent, qui tachent, ou qui font mal. Souvent gratuits, ils peuvent être évités même quand ils ne le sont pas, et n’ont pas souvent leur place à une table amicale.
Pour parler crument, évitez de faire jouer la torture d’un des PJ, ou son viol… S’il fait un personnage qui s’est fait torturer, violer (et caetera…) par le passé, ou qu’il vous en parle lui-même entre deux scénarios et vous dit que ça approfondirait son rôle, pourquoi pas. Et ça reste rare. Mais ne forcez jamais ce genre de choses, même si c’est réaliste… Le réalisme n’a qu’un temps. C’est un divertissement entre amis.
Je ne vais pas moi-même entrer dans les détails, mais la torture et le viol, ça vous change un homme pour le restant de ses jours, qu’il ait subi ou infligé. C’est donc quelque chose qui change COMPLETEMENT le rôle d’un personnage, à court et long terme… Donc, c’est à ne jamais faire sans l’accord du joueur ! Même s’il s’agit d’une scène ou un PJ un peu sombre “interroge” un ennemi, ne forcez rien, et restez-en aux allusions. Ce genre de choses peut mettre tout le monde mal à l’aise.
Ces sujets sont difficiles, non seulement parce que tabous, mais aussi parce qu’il arrive qu’un des joueurs se soit réellement fait maltraiter…
Dans une moindre mesure, et sans excès de pudibonderie, évitez de faire jouer les sujets intimes ou juste indélicats, comme le fait d’aller aux toilettes, ou les relations sexuelles, même si ça paraît bien, aventureux, voire réaliste. Oui, je sais, il existent des suppléments sur l’érotisme, avec tables des chances de fécondation, compétences de type “kamasoutra”, voire pire (ceux qui connaissent le jeu “FATAL” savent de quoi je parle). Ce n’est pas parce que ça existe que tout y est bon à prendre.
Oui, l’amour, voire le sexe sans lendemain (et entre tous les sexes), ont leur place dans un scénario de jeu de rôles… Comme tout type de relation. Mais doit-on tout décrire ? Encore une fois, évitez ce qui met mal à l’aise, même si vous êtes très à l’aise avec ce genre de choses vous-même. Entre amis à la même table, décrire des scènes de cul (n’ayons pas peur des mots), même avec des personnages fictifs, ça fait bizarre. Que vous soyez acoustophile ou pas. Tout est dans l’allusion !
A quoi sert de tirer (sans jeu de mot…) sur des tables idiotes et inutiles quand il suffit de suggérer… “Le soir, l’elfe vient effleurer la paroi de ta tente. Après un baiser fougueux, elle t’entraîne vers une clairière abritée, non loin du campement. Bientôt, seule la chaleur de cette nuit d’été vous habille… Le lendemain, alors que vous chevauchez vers le temple perdu, son sourire persistant trahit son émotion, souvenir brûlant dans la fraîcheur du matin…” Tout le monde a compris.
Il y a d’autres sujets sensibles…
La maladie, la mort, les horreurs réelles et physiques, peuvent éprouver. Je ne parle pas d’un peu d’humour scatologique, ça c’est normal… L’humour est d’ailleurs un bon moyen de désamorcer la tension. Faites attention lorsque vous jouez toutes ces choses “sérieusement”. Ne forcez pas les gens à ne pas faire de blagues… C’est normal, même et surtout dans les jeux à thème horrifique. Rappelez-vous qu’il s’agit d’un jeu, d’un divertissement, et que chacun gère tout ça comme il peut…
Evitez aussi les sujets polémiques, les sujets d’actualité ou politiques, dans le cadre d’univers contemporains… Parce que ça risque de créer des disputes et de polariser la table. Evitez controverse religieuse, aussi. En tout cas, connaissez vos joueurs, et vérifiez discrètement que tout le monde est du même avis avant le jeu… Ce n’est pas forcément évident. Un MJ de mes amis a voulu faire jouer un scénario traitant de ce sujet sensible de la liberté de l’information… Il a bien fait de se retenir.
Il y a heureusement un moyen assez facile d’éviter l’écueil : Traitez ces sujets dans un autre univers que le vôtre, médiéval par exemple. Les joueurs prendront naturellement de la distance, et pourront d’ailleurs plus aisément jouer des personnages qui peuvent ne pas avoir les mêmes opinions qu’eux… Même si, en général, allez savoir pourquoi, peu de joueurs osent jouer de vrais produits de l’époque médiévale, qu’on jugerait aujourd’hui racistes, esclavagistes, et de mœurs étranges.
D’ailleurs, évitez le préchi-précha.
“Papa, don’t preach !“, disait Madonna (vous avez vu, ça continue, les références…), et elle aussi, elle avait raison. Les joueurs n’ont que faire de vos grands discours ou de votre vision tout personnelle du bien et du mal, il ne faut jamais jouer un scénario polémique juste pour polémiquer, ni un scénario avec une “morale” à la fin… Parce que vous vous aliénez les joueurs qui ne sont pas d’accord, vous barbez les autres, et tous ont l’impression de retourner à l’école. Et pas pour un cours intéressant.
Qui dit “fin morale” dit fin définie, donc scénario linéaire, et absence de choix de la part des joueurs. Même si vous prévoyez une alternative immorale, si elle est clairement la moins bonne, certains joueurs prendront un malin plaisir à vous embêter et à se diriger vers celle-ci. Et ils auront raison. On ne fait pas un scénario pour donner une leçon aux joueurs, que ce soit de manière générale ou parce qu’ils l’ont “mérité”. Un joueur brimé est un joueur qui ne s’amuse pas.
C’est une fausse bonne idée que de punir les personnages quand ils font quelque chose de “mal”, et ce n’est pas la même chose que de les mettre en face des conséquences réalistes de leurs actes… Ne serait-ce que parce que la vie n’est pas juste, et que les méchants ne sont pas toujours punis. Ne punissez pas non plus les joueurs par dépit s’ils détruisent vos scénarios… Ce n’est pas une guerre. Trouvez ce qui ne va pas, et parlez-en en dehors du jeu.
D’une manière générale, une fausse bonne idée commune est l’élément scénaristique qui force la main des PJ.
Une erreur courante est de mettre une condition sine-qua-non au déroulement d’un scénario… Par exemple, il faut que les PJ signent un contrat pour travailler pour telle ou telle personne. Habituellement, c’est parce que le contrat est magique et doit les forcer d’une manière ou d’une autre (ce qui est aussi à proscrire). Si c’est le cas, il faut que le MJ ait prévu que les PJ qui ne veulent pas signer le contrat puissent tout de même participer à l’aventure… Et c’est normal.
Je me suis trouvé dans cette position en tant que joueur, et, bien que chaque fibre de mon être me criait de ne pas signer, mon personnage d’alors était assez stupide et naïf, et je n’ai pas trouvé de bonne raison de ne pas signer… Mauvais souvenir. Si un MJ a le front de vous proposer ce genre d’arnaque, refusez tout net. Les démons signent des contrats. Les aventuriers, freelances dans un monde illettré où le contrat oral est la norme, ne signent rien. Cela ne leur viendrait pas à l’idée.
Je dis “contrat”, mais c’est la même chose pour tout sort puissant. Les enchantements sont juste plus “directs”. Il faut éviter le TGCM à tout prix, tout ce qui marche “automatiquement”, les sorts “tellement puissants qu’il n’y a pas de règle pour ça”. Ce genre de chose est à bannir complètement ! Il faut qu’il y ait une échappatoire (même si elle est de bien plus haut niveau que les PJ) ou au moins que l’enchantement fonctionne selon des règles précises… Et donc contournables.
Rien ne doit échapper aux règles de votre univers de campagne, parce que tout en fait partie !
Et d’ailleurs, cela marche aussi pour les personnages non-joueurs. Il ne faut jamais qu’un PNJ soit au dessus des règles, même s’il est puissant, même si c’est un dieu. L’omnipotence, c’est interdit, en jeu de rôles… Tout simplement parce que, qu’un tel personnage soit là pour aider les héros ou non, quoi qu’il fasse, il rend leurs actions inutiles ! La castration guette les personnages, encore une fois : avec ou contre le MJ-PJ, ils deviennent des figurants.
Le MJ-PJ, ou GMPC en anglais, c’est le personnage non-joueur “chéri” du maître de jeu, celui qu’il adore jouer. Il est souvent très puissant, c’est parfois un ancien PJ joué par le maître de jeu en son temps, ou quelqu’un de connu et d’important dans son univers… A moins qu’il ne s’agisse d’une célébrité ou d’un personnage historique, si vous jouez dans un univers contemporain ou proche du nôtre. Drizzt, Elminster, Lofwyr, Sherlock Holmes, le Roi Arthur… Autant d’idoles intouchables.
En tout cas, les MJ ont du mal à leur trouver des défauts, ou à les léser d’une manière ou d’une autre. Certes, il peut vous sembler génial de faire rencontrer “des gens cools” aux PJ, et c’est souvent le cas… Mais rappelez-vous qu’il faut que ces PNJ restent faillibles, vraisemblables. Ce sont les PJ qui sont les héros, et il ne doit exister au monde rien ni personne qu’ils ne puissent pas atteindre en puissance, un jour, ou si puissant qu’il échappe aux règles que les PJ doivent suivre !
Enfin, dernier écueil qu’il faut absolument éviter… Le scénario pour MJ.
J’appelle ainsi le scénario qui plait au MJ, qui a l’air super cool, avec une histoire géniale et des PNJ fouillés, des décors grandioses et un méchant spectaculaire… Mais qui n’est pas adapté aux personnages. C’est une jolie histoire, mais ça n’est pas l’histoire des PJ ! Il y a certains types de trames plus “dangereux” que d’autres en la matière, notamment les scénarios de type “infiltration”… N’y pensez pas, à moins que tous vos personnages soient des roublards.
Les groupes étant généralement polyvalents dans la plupart des univers, oubliez… Oubliez aussi toute idée de scénario où l’accroche (quelle qu’elle soit) ne correspond pas au background ou aux capacités des PJ. Bannissez donc tout scénario qui n’est pas fait en fonction des personnages… J’ai déjà donné ces conseils dans un autre article, d’ailleurs : C’est certes pour vous amuser, mais c’est aussi pour le bénéfice des joueurs que vous officiez en tant que MJ. Tout le monde doit s’amuser !
Ah mais, me direz-vous, que faire des scénarios du commerce dont vous avez fait l’emplette parce qu’ils vous enthousiasmaient ? Pas de panique. S’ils sont bien faits, ils comportent des scènes qui satisferont tous types de personnages… Mais dans tous les cas, vous devrez les retravailler. Non seulement l’accroche, pour mieux impliquer les PJ, mais aussi certaines scènes : celles mal adaptées aux personnages devront être coupées ou modifiées. On ne fait jamais jouer un scénario du commerce tel quel !
Un tel module est une partition, et vous le chef d’orchestre : La musique est peut-être magnifique, mais vous ne pouvez pas la jouer telle quelle, il vous faut l’arranger pour votre ensemble et y ajouter votre interprétation… Ou gare aux fausses notes !
Bon… Je pense qu’on a à peu près fait le tour des Fausses Bonnes Idées en jeu de rôles… Du moins celles que peut faire un MJ. Vous noterez qu’elles se ressemblent toutes par certains côtés. En fait, elles sont toutes du même genre, et ne constituent qu’une seule erreur, la FBI mère de toutes les FBI… Contraindre, restreindre, limiter les joueurs, ou d’une manière ou d’une autre réduire leurs efforts à néant.
Qu’il s’agisse d’un élément scénaristique qui risque fort (s’il n’est pas exécuté avec délicatesse et sensibilité) de paraître autocratique de la part du MJ, ou de vous mettre dans ce genre de position inconfortable, ou qu’il s’agisse d’une règle qui rend les PJ inefficaces, d’un changement d’univers ou de cadre qui les rend inadaptés, d’un personnage qui les rend (eux ou leurs efforts) inutiles par comparaison, toutes ces choses sont à proscrire.
Elles sont sources de frustration pour les joueurs, et par là même pour le maître de jeu, qui a fort peu de chances de s’amuser… D’autant que les joueurs seront tentés de détruire ou détourner le scénario, et sont bien capables d’y arriver !
Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage : Si vous voyez les traces d’une des FBI citées plus haut, ou de quelque chose qui y ressemble, faites la police… Vérifiez que tout colle, et que rien de fâcheux ne peut se produire. Vous n’aurez même probablement rien à modifier dans votre scénario : il suffit souvent d’un peu de doigté et d’improvisation pour orienter le jeu de façon à ce qu’il n’aille pas dans le mur, de façon à ce qu’on ne force ni ne frustre personne…
Bref, de façon à ce que tout le monde s’amuse.
Recent Comments