Où Trajan détaille les possibilités d’une magie complexe et puissante, et tellement humaine : les pactes.
Cet article fait en quelque sorte suite à celui de Mucius qui vous donnait quelques trucs pour rendre la magie plus extraordinaire, dont je vous conseille la lecture bien que ce ne soit pas nécessaire pour comprendre mon propos.
Tout d’abord, qu’est-ce qu’un pacte ? On parle souvent de “Pacte avec le Diable”, certaines personnes optent pour le “PActe Civil de Solidarité” plutôt que le mariage, ceux qui ont écouté un tant soit peu leur cours d’histoire sur l’Europe au XXe siècle ont entendu parler du “Pacte tripartite” et du “Pacte de Varsovie”, et le moins connu “Pacte de famine” désignant l’association de plusieurs spéculateurs de grain au XVIIIe siècle visant à répandre une rumeur de famine proche, pour des raisons évidentes. Il est également à noter que le mot pacte vient du latin pactum, qui se rapproche de pactus (le fiancé) et de pax (la paix). De tout cela on retire qu’un pacte est un engagement officiel, public ou privé (voire même secret), dont la rupture n’amène jamais rien de bon. Il y est souvent fait usage d’un contrat, c’est-à-dire d’un morceau de papier explicitant les termes du pacte, signé par tous, comme preuve de l’engagement. C’est particulièrement utile lors d’un pacte secret et honteux pour empêcher vos petits camardes de vous balancer.
Dans la vraie vie, quand on rompt un pacte, on peut s’attendre à provoquer l’ire de ses cosignataires, et parfois même de tout le monde. Rompre une promesse publiquement n’est jamais bien vu, quand bien même chacun se dit dans un coin de sa tête que les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Rompez un pacte de non-agression, par exemple, et ne vous attendez pas de si tôt à voir les gens vous faire confiance. Certains pactes sont soumis à des lois pour empêcher ses signataires de le rompre, ou les punir le cas échéant, comme le pacte de préférence.
Mais le monde réel manque cruellement de moyen pour forcer les gens à respecter un pacte, comparé au monde fantastique ! Voyons lesquels :
1°) Avertissement
Ne pas respecter une des clauses d’un pacte peut passer relativement inaperçu (sauf pour un pacte de non-agression, et encore, si on se débrouille bien…). Cela peut mener certains signataires malhonnêtes ambitieux à faire des petits coups en douce, comme payer des mercenaires pour piller des villages protégés par le pacte, ou être infidèle quand on est marié. Beaucoup de ces problèmes peuvent être évité simplement si le pacte est enchanté de manière alerter tous les signataires quand quelqu’un commet une faute. Et le sort d’alarme est un sort de niveau 1 à Donjons & Dragons, alors jetez-vous tout de suite sur les Pacte d’Avertissement !
2°) Clause de non-respect
Lorsque l’on signe un contrat, on précise parfois ce qui se passe dans l’éventualité où l’un des deux le rompt. Que ce soit le partage des biens dans un couple, une somme d’argent versée, ou la rupture d’un autre contrat proche, comme la rupture d’un pacte de non-agression provoqué par la rupture d’un pacte commercial. Encore une fois, dans un monde où la magie existe, on a davantage de choix : malédiction, blessure, invocation d’un ange vengeur (le monde de Donjons & Dragons, toujours lui, dispose même d’une catégorie d’anges spécialisés !). Tout dépend du niveau de puissance du pacte.
3°) Coercition
Là on sort l’artillerie lourde. La coercition est le fait d’empêcher quelqu’un de faire ou de penser quelque chose. On distingue trois niveaux de puissance, qui sont également trois manières subtilement différentes de parvenir au même résultat :
a. La restriction physique
De la même manière que des menottes empêchent la personne de bouger trop les bras, une coercition physique privera la cible de sa liberté de mouvement. Elle pourra lever le bras mais pas abattre son poing sur le visage du cosignataire du pacte. Ce genre genre d’entrave est assez simple et à rapprocher du sort de niveau 2 de paralysie. Il est à noter cependant que c’est contournable assez facilement puisqu’aucune action n’est à restreindre lorsque l’on décide de payer un honnête artisan pour glisser 20cm d’acier froid entre les omoplates d’un gêneur.
b. La restriction mentale
Là on atteint plutôt le stade du bromure (anaphrodisiaque réputé). Il s’agit d’empêcher la cible de nourrir des pensées qui iraient à l’encontre du pacte. Que ce soit par un système pavlovien où l’enchantement délivre une décharge à chaque pensée impropre ou en faisant tout simplement disparaître les pensées dès qu’elles surviennent, il y a de quoi s’amuser. Là on est plutôt dans des sorts de niveau 6 comme Unconscious Agenda. Un sujet peu habitué à la magie ne saura peut-être même pas qu’il est manipulé.
c. La synchronicité
La synchronicité est un concept développé par Jung qui le définit, en deux mots, comme le fait que les gens trouvent souvent un sens à ce qui ne serait en principe, objectivement, que des coïncidences. Vous savez, le coup du “oh moi les ordinateurs, ça marche jamais, dès que j’en touche un, ça bug”, ou la fameuse “malchance”. Certains auteurs fantastiques, notamment sur l’excellente série Hellblazer, utilisent le terme “synchronicité” pour désigner les mécanismes subtils qui font que l’univers entier semble aller dans votre sens. Mécanismes qui peuvent bien entendu être mus par le magicien talentueux ! Nul doute qu’avoir l’univers comme allié dans une tâche aide considérablement. A titre d’exemple je citerais la trilogie de romans Ravnica, inspiré (ou inspirant, je connais pas trop le processus créatif de Wizards of the Coast) du jeu de cartes Magic, où le Pacte des Guildes, un enchantement d’une puissance a priori infinie, utilise la synchronicité pour que chacune des dix Guildes de ce monde reste à sa place, ne s’occupant que des tâches lui étant attribuées, sans marcher sur les plates bandes de ses voisins. Rien ne peut se mettre en travers de la route d’un officier de police qui a décidé d’arrêter un criminel. Ce n’est pas qu’un chariot dévalant accidentellement une pente, fonçant droit sur l’officier, sera stoppé net ; le chariot n’aura tout simplement aucune raison de dévaler la pente ! Bien sûr tout n’est pas facile pour autant, les voleurs et les tueurs ont également une raison d’être, et sont prévus par le Pacte. Evidemment, les puissants de ce monde tentent de le contourner, y parviennent parfois temporairement, mais le Pacte n’est mis en danger qu’une seule fois, à cause d’une faille juridique.
La magie des pactes peut prendre la forme que vous voulez, elle peut compléter une magie plus classique ou même être la seule forme de magie possible sur votre monde. Le jeu de rôles Exalted donne à certains PJs le pouvoir de sanctifier les promesses dont il est témoin, le tout à grand renfort de runes bleutés tournoyant autour de lui, etc… Un jeu de rôles très subtil, Exalted. A vous de voir quelles sont les conditions, dans votre univers, pour rédiger un tel pacte. Combien de temps faut-il pour enchanter un pacte ? A-t-on besoin, en tant que composante matériel d’une part de chaque signataire pour faire un lien sympathique ? Que se passe-t-il si le magicien meurt (auquel cas le magicien prudent inclura systématiquement une clause de non-agression envers sa personne !) ?
Tenez compte également du fait que certains PJs refuseront probablement de signer un contrat avec marqué “si vous ne faites pas ce que je dis vous exploserez en une gerbe de tripes à la mode de Caen”. Et que les joueurs pourraient vous en vouloir de faire signer un tel papier à leurs personnages qui ne savent pas lire, même si c’est tout à fait légitime. Soyez prudents.
Si vos PJs sont intéressés par ce genre de magie, et bien c’est une occasion de vous amuser à rédiger des contrats ! Cela permettra à vos joueurs de donner libre cours à leur paranoïa, tentant vainement de prévoir toutes les embrouilles qu’un MJ inventif pourra sortir de son sac à malice. Comme le vieux coup du génie peu coopératif qui offre trois vœux mais ne loupe aucune occasion de les exaucer au détriment de son maître. Les personnages d’Exalted dont je parlais à l’instant héritent également d’une protection magique : suite à une série de pactes signés entre eux et les démons et les fées, ces êtres ne peuvent absolument pas les attaquer si les Exaltés n’ont pas en premier montré de signe manifeste d’hostilité. Pas forcément un niveau de puissance atteignable, même à Donjons & Dragons, mais bon, tout dépend du niveau de puissance de vos PJs.
Comme j’aimerais avoir écrit cet article ! Il est vraiment excellent…
Un système de magie des pactes suffisamment modulaire permettrait de renouveler grandement le “mystère” associé à la magie, parce que c’est possiblement un système où chaque pacte peut avoir des conséquences différentes, variables à l’infini.
En tout cas, ça donne envie d’y jouer !
Je vous recommande le très original système d’invocation et connivences d’Agone, avec les démons.