Où Mucius se demande combien il y a de gens dont on n’entend jamais parler pour faire tourner le monde des PJ… Il vous donne des chiffres d’une monstrueuse approximation (mais qui parlent quand même) dans un article de 4500 mots environ sur le sujet.
Les mondes fantastiques sont fort variés, reflétant tous les échelons entre la simulation médiévale quasi historique et les royaumes magiques aux châteaux arthuriens de pierres blanches et d’argent, proprets, loin de la boue et de la crasse de la réalité. Mais en dépit de leurs différences, ils partagent un élément vital : le peuple. Ayant déjà parlé de l’économie dans un autre article, abordons à présent le sujet de la démographie…
Aucun univers ne semble pouvoir se passer de son contingent de fermiers, marchands, nobles snobinards et autres gardes de niveau 1. Ces figurants sont un genre de “décor humain”, et ils font partie du monde ordinaire que quitte le héros lorsqu’il part à l’aventure, ce monde dont il est issu, dont il a toujours conscience, et, bien souvent, qu’il doit sauver au péril de sa vie.
Même si nous ne pourrons aller au fond des choses pour chaque monde, il est bon de poser quelques questions… Cet article est un tableau, rapidement brossé, de différentes possibilités pour faire vivre la démographie médiévale dans vos parties.
Combien dans le royaume ?
Nous ne sommes pas étonnés de trouver villes, villages et hameaux très régulièrement dans nos campagnes, et il est même difficile de faire quelques kilomètres en France sans tomber inopinément sur un ancien corps de ferme en pierre, une vieille ville aux maisons à colombages, une église datant d’avant le XVIe siècle, un château, un fort, ou une ruine quelconque… Croyez-vous qu’il en fut autrement au moyen-âge ?
Naturellement non, puisque c’est à cette époque que lesdits bâtiments ont été construits.
Si on part du principe que le royaume que vous voulez peupler est basé sur le bas moyen-âge (ce n’est pas un royaume jeune, il possède déjà une riche Histoire, c’est l’une des nations principales de votre monde… le royaume de départ, de base, quoi…) il compte déjà une grande quantité de villages et de hameaux, chacun séparés par trois ou quatre kilomètres, sur toute la surface arable du pays… C’est à dire toutes les plaines, toutes les terres fertiles accessibles.
Cela fait beaucoup !
Les communautés agraires de la taille d’un village ou d’un hameau sont rarement isolées : elles sont trop petites, elles dépendent souvent d’une grande ville proche ou simplement d’un réseau d’autres hameaux et villages, que ce soit pour les activités commerciales (marchés, etc.), pour les mariages, ou pour certaines spécialités (telle ville a un bon chaumier, telle autre est assez grande pour avoir une forge avec armurerie, tel village possède un alchimiste…).
Les fermes, souvent constituées d’un corps de bâtiment et de dépendances, granges, ateliers, et étables plutôt que d’une simple chaumière au milieu des champs, ne sont jamais vraiment seules, toujours à 1km environ (ou moins) d’un hameau ou d’un vrai village. Les champs et les pâturages quadrillent typiquement le paysage en terrains moins droits et moins grands que les champs actuels, mais ils sont presque partout où se pose le regard sur les terres “civilisées”, cultivables.
Nulle terre n’est sans Seigneur, et nulle terre n’est inculte (sinon c’est du gâchis !), à l’exception de la forêt (réservée à la chasse et à la glandée des porcs) et des contreforts montagneux (non cultivables et réservés aux pâturages et à la transhumance). Les seules exceptions à cette règle sont les villes-frontières, proches des terres barbares, non encore découvertes, de pays voisins assez craints, de déserts, de terres incultes ou en friche…
Construites autour de forts ou de postes-frontières ou conçues comme des avant-postes, ces communautés sont isolées. Ce sont presque toujours des villes : un village a moins de chances de survivre, les gens se rassemblent derrière des fortifications pour plus de sécurité. Elles dépendent souvent de caravanes régulières pour leur approvisionnement, les moyens de production n’étant pas encore suffisamment en place, et la ville étant menacée par divers ennemis (ou monstres).
La densité de population moyenne pour un pays médiéval pleinement développé se trouve quelque part entre 20 habitants au km² (pour les pays peu peuplés, montagneux, désertiques, glacés, au climat hostile, ou dotés d’un roi fou qui réduit sa population en esclavage) et 80 habitants au km² (pour les royaumes aux vastes plaines fertiles, tempérés, et bénéficiant peut-être de l’aide de la magie profane ou divine).
A titre d’exemple, la France du XIVe siècle, tempérée et aux grandes étendues fertiles, avait une densité de plus de 60 habitants au km². Pour vous aider à visualiser : aujourd’hui, c’est presque le double. L’Allemagne, au climat moins clément et aux terres moins cultivables, tournait autour de 45 habitants au km², de même que l’Italie, plus montagneuse. Les îles britanniques, froides et à l’écart des migrations, avaient environ 30 habitants au km², surtout concentrés dans la moitié sud…
De nombreux facteurs conditionnent la densité de population, mais aucun n’est aussi important que la fertilité des sols et le climat : Si la nourriture pousse, les paysans aussi ! Compte tenu de l’agriculture de l’époque, il y a de toute façon peu de nourriture, et, on le sait, les guerres, épidémies et autres calamités sont nombreuses. Réduisez la densité des villages en conséquence, ou ajoutez quelques ruines et fermes abandonnées si votre royaume subit de plein fouet ce genre de chose…
Sachez aussi que les pays qui ont subi de telles calamités peuvent rester dépeuplés pendant des siècles s’ils ne reçoivent pas un afflux d’immigrants… La croissance de la population dans un pays pré-industriel est d’une lenteur géologique, compte tenu de la mortalité infantile, de la disette qui frappe toujours telle ou telle région en hiver, de la violence omniprésente, de l’absence de vraie médecine (qui peut cependant être compensée par la magie curative), bref, de la vie “normale” de l’époque…
Combien dans ces murs ?
Enfin, je dis “dans ces murs…” mais toutes les villes et villages n’ont pas de murs ! Seules les communautés qui subissent régulièrement des attaques ont tendance à en avoir. Les villages ne se dotent alors que de palissades, rarement de murs de pierre… Et même les villes aux grandes murailles débordent allègrement de ces limites au fur et à mesure de leur croissance, ou au contraire se replient derrière lorsqu’elles périclitent, comme en attestent l’Histoire de Paris ou de Rome.
Pour simplifier, nous allons diviser les communautés en différentes catégories…
Vous pouvez leur donner le nom que vous voulez; la plupart des gros hameaux se prendront pour des villages, des gros villages pour des bourgs ou des villes, des villes pour des cités… Sans compter les différences de statut comme les colonies, chefs-lieux ou villes franches. Ces distinctions de noms n’existent qu’en tant que grille de lecture pour notre compréhension moderne. C’est aussi une simplification : si les villages sont presque tous identiques, les villes ne se ressemblent pas.
Le Hameau : Il s’agit d’une vingtaine de personnes (maximum) dans quatre ou cinq maisons. Il n’y a pas vraiment de rues, pas de chef, probablement pas d’auberge, même s’il y a peut-être une grande exploitation agricole. Le hameau ne peut jamais subsister seul, et n’est en fait bien souvent qu’une extension d’un village construite autour d’une grosse ferme, un puits, un moulin, un verger ou une vigne loin des champs, ou de quelque lieu de rassemblement ayant des raisons d’être excentré.
Le Village : Possédant entre 20 et 1000 habitants (moyenne entre 50 et 300), ces communautés sont l’unité de base du monde médiéval. La plupart des royaumes en ont des milliers. Ce sont des agglomérations agraires établies sur des terres civilisées. Il y a sans doute un lieu de culte et une taverne. Les fermes autour des villages, les ateliers en leur sein, sont la source principale de nourriture, de biens et de stabilité dans le système féodal. Tous les produits de base viennent d’un village !
Le Bourg : Entre 1000 et 8000 habitants, 2500 en moyenne. Gros bourgs et villes se confondent souvent… Là, on peut trouver une forge ou une armurerie décente plutôt que simplement un maréchal-ferrant, un grand marché régulier, des conseillers pour aider le maire ou bourgmestre à administrer les habitants, des rues, voire même une ou deux vraies boutiques plutôt qu’un bazar. Il y a sans doute une auberge, peut-être même deux, et des temples à plusieurs dieux.
La Ville : Entre 8000 et 12000 habitants. La plupart des royaumes n’en comptent que quelques unes. On y trouve plusieurs quartiers avec une profusion de boutiques, marchands, tavernes, temples… Comme le bourg, la Ville draine les ressources de base des villages alentours pour les transformer. Elle est généralement construite autour d’un château, d’un port, d’un grand temple, d’une université, ou d’un monastère (sauf si la tradition des moines est l’isolation en pleine campagne, bien sûr).
La Cité : Les plus grandes villes… Il n’y en a généralement que moins de cinq par royaume, voire une seule, la capitale. La cité possède entre 12000 et 100000 habitants. Elle peut compter les plus hautes autorités religieuses ou séculières du pays avec leurs lieux de résidences (cathédrales, palais, forteresses, grands ports…) mais, paradoxalement, les lieux d’apprentissage n’y sont pas plus courants que dans les villes plus petites.
Les cités les plus grandes et les plus denses du moyen-âge historique sont Londres (entre 25000 et 40000 habitants selon les époques), Paris (entre 50000 et 80000), Gènes (75000 à 100000) et Venise (plus de 100000, mais répartis dans toute la région de la cité et des îles environnantes). Moscou, au XVe siècle, bien que peu dense, était très étendue, avec une population au delà de 200000 habitants ! De telles villes sont si grandes qu’il n’en existent que dans certains royaumes…
Quelle que soit leur taille, les agglomérations sont courantes dans le monde médiéval, et seuls une minorité de marginaux (baladins, criminels, compagnons, gitans, charbonniers, ermites, vagabonds, caravaniers, marchands itinérants, moines mendiants… et aventuriers) n’habitent pas dans une telle communauté. De ce fait, beaucoup d’habitants assimilent tout voyageur à un criminel potentiel, ou en tout cas pas à quelqu’un qui a “un travail honnête”.
Combien de villes, combien de champs ?
Les agglomérations de toutes les tailles sont le résultat des flux de population, et rien d’autre. Pourquoi se rassembler en un lieu et y habiter ? Parce qu’il est digne d’intérêt en terme de bénéfices, de ressources, de nourriture… Le littoral, les fleuves et voies navigables, les routes commerciales ou militaires forment des lignes entre les mines, oasis, plaines fertiles, autres ressources… Les interconnections de ce réseau deviennent des agglomérations.
Plus les artères de ce réseau sont grandes, nombreuses et riches, plus les communautés en profitent pour se développer. Les cités grandissent et s’établissent aux points de convergence de plusieurs grandes artères capables d’apporter plusieurs ressources, les villages sont densément dispersés dans la campagne, et les agglomérations construites autour d’une ou deux ressources de base mais loin des communications avec les autres, elles, restent de taille modeste.
Dans un royaume de densité moyenne, avec 50 habitants au km² (relativement prospère, mais, mettons, avec des forêts profondes, des montagnes et un problème d’orques…), il devrait y avoir une cité (sans doute la capitale) avec environ 40000 habitants, quatre cités et villes plus petites (entre 8000 et 20000 habitants chacune), et une cinquantaine de bourgs… Soit au total un peu plus 200000 habitants, mettons 3% de la population totale. Le reste, ce sont des villages et des hameaux.
La réalité décrite ci-dessus présume l’existence d’un réseau commercial développé… Si votre monde est proche de la Renaissance (ou que les communications et la vie quotidienne sont aidées par la magie), augmentez le nombre de villes et de bourgs… Si votre monde est au contraire similaire à un moyen-âge sombre et lointain, d’avant les croisades, le commerce est probablement limité aux échanges locaux, ou entre grandes cités. Votre royaume n’aura alors que très peu de vraies villes…
Le royaume décrit ci-dessus n’aurait qu’une ville, pas de cité (ou alors une seule, petite) et en tout et pour tout une dizaine de bourgs… Le reste étant répartis en villages deux ou trois fois plus espacés, avec moins de terres défrichées. N’oubliez pas de faire décroître le niveau technologique en conséquence : manque d’échanges commerciaux, donc manque de richesses et ressources suffisantes pour investir et construire, donc absence de centres importants pour la culture, l’éducation…
Le nombre de villes assez grandes pour se gouverner (seigneur, maire, conseil…) a été multiplié par 10 dans les pays d’Europe entre le XIe et le XIIIe siècles, à mesure qu’une révolution scientifique (si, si ! techniques de construction, d’agriculture…) et des changements économiques refondaient un modèle purement agraire en une société plus mercantile… Donc, si votre monde comporte ne serait-ce qu’une poignées de vrais marchands ou de guildes, c’est qu’il y a des villes !
Un mot, pourtant, de l’importance de la surface dans une société agraire…
Pour simplifier, on peut dire qu’un kilomètre carré civilisé et travaillé au maximum (avec routes, villages, champs et pâturages), au moyen-âge, permet de faire vivre environ 120 personnes, même en prenant en compte les rats, la sécheresse, la maladie, les parasites et moisissures, le vol et la plupart des maux ordinaires (pas les fléaux extraordinaires, épidémies, etc.). Si la magie est courante, il est possible qu’elle puisse aider, mais elle vient avec d’autres calamités : monstres, morts-vivants, malédictions…
Cependant, comme nous l’avons dit, toute la terre d’un royaume n’est pas cultivable, ni civilisable, ni même de rendement optimal… Et tout le monde ne travaille pas la terre. En pratique, environ 60% de toute contrée est dévolue aux rivières, montagnes, terres sauvages non exploitables ou simplement non exploitées : Les royaumes sont bien moins densément peuplés que le maximum théorique de 120 personnes par km².
Pourquoi s’en soucier ? Simplement parce que vous aurez besoin de le savoir… Pour nourrir telle agglomération avec telle population, un château et des commerces, plus les villages environnants, il va falloir la surface cultivable qui correspond ! Calcul simple : une ville de 25000 habitants doit avoir 209km² de surface rien que pour sa nourriture (sans compter les autres ressources), plus l’espace nécessaire à la nourriture de villages sur cette surface !
Et cela sans compter les ressources qui viennent en plus, importées ou non, et permettent à la ville de croître et aux divers acteurs de la vie économique (marchands, artisans, métayers, nobles…) de faire des bénéfices.
Une grande ville ne peut donc pas se trouver au milieu de terres non cultivables sans qu’il y ait moyen d’acheminer les ressources jusqu’à elle, ou qu’il n’y ait de la magie là-dessous… J’ai vu trop d’univers de jeu qui placent des villes dans des oasis en plein désert sans même un fleuve, ou des cités de nains dans les montagnes dans lesquelles il n’y avait aucune trace de fermes ou de sources de nourriture. Les nains sont solides, mais ils ne se nourrissent quand-même pas de cailloux !
De plus, les villes et villages se concentrent avant tout là où sont les ressources et les terres exploitables, autour des routes entre les agglomérations plus grandes, là où les gens voyagent et là où ils ont besoin d’aller pour se nourrir : dans les plaines, près des forêts défrichables, près des mines et des tourbières, près des fleuves et du littoral… Entre ces points et ces routes, il y a parfois des “taches” de terres sauvages non encore exploitées, ou non exploitables, généralement mal fréquentées.
Combien de marins, combien de capitaines ? Et surtout combien d’auberges par ville ?
Dans un village de 400 habitants, combien de vraies auberge est-il réaliste de placer ? Le cliché qui veut qu’il y ait une auberge par village n’est pas vrai. La plupart du temps, les villages ne sont pas situés sur les grandes routes commerciales. Seules les agglomérations qui sont des étapes logiques pour beaucoup de voyageurs possèdent plus qu’une taverne (établissement qui, je le rappelle, est dépourvu de lits)… Sinon, ce n’est pas rentable.
Il est tout à fait possible qu’un simple hameau se soit construit autour d’un relai de poste ou d’une auberge réputée, près d’un fleuve, sur une route… Mais nos héros, dans la plupart des villages hors des sentiers battus qu’ils aiment à fréquenter, devront se satisfaire de camper dehors, ou de coucher chez l’habitant. Ce n’est généralement pas un problème : les paysans voyagent peu, et accueillent les nouvelles du monde avec joie… De même que l’or, qui enjolive de beaucoup leur pauvre quotidien !
Sauf dans les villages les plus inhospitaliers, souvent dotés d’une palissade et sujets aux attaques, il y aura toujours au moins une étable ou une grange dans laquelle un voyageur égaré pourra passer une nuit au chaud.
La chose devient un peu plus compliquée pour les autres types de commerces… Pour chaque boutique de biens et services, il faut un grand nombre de personnes en amont pour la faire tourner. Il faut des clients, bien sûr, mais aussi des gens pour produire les matières premières (ou les biens raffinés) nécessaires. Voici un tableau qui montre à peu près le nombre de gens nécessaires pour soutenir chaque type de commerce médiéval…
Commerce | Habitants | Commerce | Habitants |
Cordonnier, sabotier | 150 | Boucher | 1200 |
Fourreur | 250 | Poissonnier | 1200 |
Servante ou valet (d’auberge, de ferme, de notable…) | 250 | Brasseur | 1400 |
Tailleur | 250 | Ferronnier | 1400 |
Barbier | 350 | Plâtrier | 1400 |
Soigneur, rebouteux, guérisseur | 350 | Epicier (épices, produits exotiques) | 1400 |
Joailler | 400 | Forgeron | 1500 |
Taverne ou restaurant | 400 | Peintre en bâtiment | 1500 |
Fripier (vieux vêtements) | 400 | Médecin | 1700 |
Pâtissier, rôtisseur | 500 | Chaumier, couvreur | 1800 |
Maçon, potier | 500 | Serrurier | 1900 |
Charpentier | 550 | Thermes, bains publics | 1900 |
Tisserand | 600 | Cordelier | 1900 |
Chandelier | 700 | Auberge, hôtellerie | 2000 |
Mercier | 700 | Tanneur | 2000 |
Tonnelier | 700 | Copiste, érudit, sage | 2000 |
Boulanger | 800 | Sculpteur, tailleur de pierre | 2000 |
Porteur d’eau | 850 | Tapissier | 2000 |
Maroquinier | 850 | Harnacheur (armures, harnais…) | 2000 |
Marchand de vin | 900 | Blanchisseur | 2100 |
Chapelier | 950 | Vendeur en gros (foins, argile…) | 2300 |
Bourrelier (travailleur du cuir) | 1000 | Coutelier | 2300 |
Volailler | 1000 | Gantier | 2400 |
Maroquinier (fabricant de sacs) | 1100 | Boutique de luxe (alchimie, parfum…) | 2500 |
Négociant en bois | 2400 | Grand luxe (magie, objets d’art…) | 3000 |
Herboriste, apothicaire | 2800 | Libraire | 3600 |
Relieur | 3000 | Enlumineur | 3900 |
Ainsi, il y a, par exemple, un cordonnier ou sabotier pour 150 habitants… mais, en moyenne, une seule auberge (avec des lits ou au moins un dortoir) pour un bourg de 2000 habitants ! Cela fait une auberge pour quatre ou cinq villages moyens (entre 300 et 400 personnes), comme vous pouvez le voir… Mettons que chaque village a 20% de chances d’avoir son auberge. Et s’il y en a une dans un village, elle sera forcément moins impressionnante que les hôtelleries qu’on trouve dans les grandes cités.
Ces chiffres sont basés (à peu de choses près) sur un registre des impôts de Paris en 1292, mais ce ne sont que de grossières simplifications. S’ils sont globalement corrects pour un monde fantastique pas trop détaillé bas sur l’Europe médiévale, ils peuvent varier de 50% au moins en fonction des ressources de la région… Songez par exemple que vous aurez une énorme quantité de pêcheurs, poissonniers et marins sur le littoral, et pas du tout ailleurs !
Enfin, il faut dire que les métiers comme mercier et chandelier sont plus rares, car principalement exercés dans les villes, où les habitants n’ont pas les mêmes activités qu’à la campagne… A la campagne, les activités de fabrication de fromage, de chandelles, de lavage, de mercerie et ainsi de suite sont traditionnellement dévolues aux femmes, et sont parfois même un complément de revenu pour le foyer, mais pas une activité exclusive et principale, à grande échelle…
Il en va de même pour les boulangers, laitiers, primeurs et autres, qui n’existent que dans les bourgs et les villes : Dans les villages, chacun fait son pain, et chaque fermier produit son lait, sa crème, ses œufs, sa corde, ses meubles simple, ses légumes, sa viande lorsqu’il le peut… Et construit sa maison lorsqu’il va se marier !Les chasseurs tannent eux-mêmes leurs peaux…
Les porteurs d’eau et autres “petits métiers” (cireurs de chaussures, messagers, valets, etc.) ne sont réellement présents que dans les grandes villes… Chaque corps de ferme a son puits et chaque place de village aussi.
Les affaires et boutiques qui ne sont pas listées ci-dessus nécessitent sans doute un nombre d’habitants au dessus de 5000… Pour certains “commerces”, comme les fabricants d’épées réputés ou les dispensaires (on n’ose même parler d’hôpitaux…), il y en a un pour 25000 habitants ou plus ! A cette époque, le concept de “bibliothèque publique” n’existe pas, et il n’y a pas non plus de caserne de pompiers, même si certaines villes disposent de “vigiles du feu” volontaires…
Combattre le feu, ou même la sanitation, n’a pas toujours été une priorité municipale. Au XVIIe siècle, à Londres, on pouvait souscrire un abonnement à des compagnies privées pour éteindre les incendies. Elles n’agissaient pas sans avoir vu votre police en bonne et due forme, laquelle, hélas, brûlait souvent avant qu’on puisse la sortir de la maison… Londres n’a pas eu de système d’égout correct et adapté à sa taille avant le XIXe siècle, alors que d’autres villes avaient le leur depuis longtemps !
Libre à vous, donc de gérer les réponses de vos villes aux problèmes quotidiens comme vous l’entendez…
Quant aux commerces magiques, la “boutique de luxe” listée ci-dessus n’est pas un endroit dans lequel on peut trouver des étals pleins d’armures, d’épées et d’anneaux magiques… Il s’agit d’une boutique dans laquelle un magicien va pouvoir acheter des ingrédients de base, du parchemin, des grimoires vierges, de l’encre, et, à l’occasion, une potion mineure de magie profane (car seuls les plus grands temples peuvent vendre des potions de magie divine…).
Bien entendu, ces chiffres peuvent varier largement en fonction du niveau de développement de votre univers, ainsi que de son niveau de magie… Il se peut fort bien que vous conceviez un monde dans lequel la magie est beaucoup plus courante, avec des potions dans chaque village, mais dans lequel il y a si peu de vraies villes et de communications ou de science que les commerces basés sur l’éducation, le papier ou les produits exotiques sont quasi inexistants !
Combien le petit chien dans la vitrine ? Autres chiffres importants…
Il n’y a probablement qu’une maison noble pour 200 habitants, et tous n’ont pas de grand château… il peut s’agir d’un simple hobereau, un chevalier, qui peut même ne pas résider dans “son” village et être auprès de son seigneur, dans un bourg ou une ville. Il y a environ un avocat ou juriste pour 650 personnes (souvent l’un des administrateurs les plus qualifiés d’un bourg)…
Pour ce qui est de la loi, il devrait y avoir un garde pour 150 civils… Les cités plutôt “relax” quant à la loi auront la moitié de ce nombre, celles plus autoritaires en auront plus… Mais rarement le double, car tout cela est difficile à entretenir. Dans un village de 400 personnes, cela fait peut-être trois gardes, dont un capitaine… C’est réaliste : un shérif et deux adjoints.
Les universités (institutions d’enseignement supérieur) accessibles aux profanes sont rares… J’ai dit plus haut qu’il pouvait y en avoir une dans une ville ou une cité, cela ne veut pas dire qu’il y en a une dans chaque ville. Dans le monde médiéval historique, il y avait peut-être une université pour… 27,3 millions d’habitants ! Pour ce qui est d’un monde fantastique, on laissera le choix au MJ de décider s’il veut rajouter des universités de magie ou pas…
Le clergé, monothéiste ou non, quadrille en revanche très bien la population : Il devrait y avoir environ un acolyte mineur pour 40 personnes, et un prêtre véritable (qui peut ou non avoir des sorts) pour 25 ou 30 de ces acolytes.
Quant à la population des animaux domestiques, elle est estimée à un peu plus de deux fois (2,2 fois, en fait) la population humaine, mais 68% de ce nombre n’est que de la volaille. Le reste compte les animaux à viande. Le cochon est supérieurement rentable, car il mange de tout, moins que les autres animaux, et peut être entièrement… euh… “rentabilisé”, disons. Les moutons sont forts courants dans certaines région, à cause du marché de la laine.
Les bovins, à moins que la région ne soit extraordinairement riche et prospère, ne sont jamais élevés pour leur viande, qu’on ne mange que lorsqu’il faut abattre une bête trop vieille pour donner du lait ou travailler.
Pour ce qui est des “donjons” (qui ne sont pas vraiment des donjons au sens médiéval du terme, mais des châteaux, forteresses et autres bâtiments militaires, religieux ou seigneuriaux isolés et en ruines, colonisés par des monstres), que peut-on utiliser comme référence historique si ce n’est de véritables ruines de châteaux ? Tout va dépendre de l’ancienneté des premières colonisations de ladite région, et de son histoire militaire.
Je n’ai pas de règles pour déterminer le nombre de ruines par pays (bon, disons une ruine pour 6 millions d’habitants, mais c’est vraiment pour ceux qui insistent…), mais je ne peux que vous conseiller de trouver à chaque donjon une raison logique pour qu’il se trouve là. Trouvez-lui une fonction première : Qu’est-ce que c’était lorsque le bâtiment était encore en activité ? Qu’est-ce qui fait qu’il s’est retrouvé abandonné, puis en ruines ? Et ainsi de suite…
Si vous en manquez, rajoutez-en… ou choisissez d’autres types de bâtiments, ou des grottes, pour vos rencontres.
Les châteaux, forteresses et forts en activité sont habituellement (historiquement) plus courants. Tout d’abord, les châteaux en ruines sont rares parce que ceux qui sont encore debout sont constamment retapés et reprennent du service, même s’ils appartenaient à quelque autre nation ou civilisation… Et quand cela n’est pas possible, les habitants des environs viennent voler des pierres déjà taillées sur les lieux (c’est ce qui est arrivé pendant des siècles aux grandes pyramides d’Egypte).
En moyenne, il y a un château pour 50000 habitants. L’ancienneté du royaume n’est pas un facteur important, mais sa situation militaire oui… Elle décide de la localisation des châteaux et forteresses, de leur nombre (qui varie, bien sûr, par rapport à cette moyenne !), ainsi que de leur style plus ou moins fortifié.
75% des châteaux sont dans les zones “civilisées”, surveillant les routes, les plaines, les voies d’accès que peuvent emprunter les brigands, les monstres et les armées. Le dernier quart se trouve à l’orée des zones inexplorées, sur les frontières, etc.
Voilà… J’espère vous avoir donné envie de gérer votre population fantastique de manière plus réaliste, ou au moins vous avoir donné à réfléchir pour que vous ne fassiez pas d’invraisemblances criantes.
Il ne me reste qu’à ajouter que les chiffres ici ne sont pas gravés dans la pierre, ni tous historiquement exacts…
La plupart des mondes médiévaux-fantastiques sont basés sur un moyen-âge tardif et déjà “développé”, entre le XIe et le XVe siècle, et ce sont ces époques, dans les pays agraires d’Europe, qui m’ont servi de sources, notamment la France du bas moyen-âge (qui semble en effet être la plus proche d’une certaine moyenne des sociétés dans les univers de jeu… et je ne dis pas ça par chauvinisme).
Ce sont cependant des approximations. Elles n’entrent pas dans le détail et ne font que vous donner un ordre d’idée, ce qui est le plus important lorsqu’on veut concevoir un royaume bien à soi. Faites-en ce que bon vous semble, et n’hésitez pas à les modifier, parce qu’après-tout, nous ne jouons pas dans la réalité !
Voilà un article qui, quand j’ajoute une nouvelle ville, me sert de référence. Avant fallait que je fasse plein de recherche pour avoir une ville bien faite, cohérente. Et au début, j’avais tendance a mettre tout en ville.
Mais limiter l’accès aux choses en fonction de la densité, et travaillé sur ce qui fait que le village/ville existe et/ou perdure est quelque chose qui ajoute vraiment au jeu et peut même avoir des conséquences très sympa sur les scénarios.