Poser une ambiance

Où Trajan tentera d’améliorer vos sessions en offrant ses conseils pour poser une ambiance : les points importants à surveiller et préparer, et quelques trucs à faire et à ne pas faire.

Il y a finalement peu de chose qu’un MJ peut (et doit) faire pour s’assurer que tout le monde passe un bon moment à sa table : écrire une histoire qui tienne la route, aider les joueurs sur les règles du jeu en cours, et… faire attention à l’ambiance.

Une ambiance réussie est à la fois la cause et la conséquence de l’interet des joueurs, à vous donc d’amorcer ce cercle vertueux, mais si vous y arrivez, vous aurez fait un grand pas pour la réussite de votre session. Attaquons le sujet par quelques généralités.

Lors de vos parties, vous jouerez souvent dans des univers fantastiques ; tout le monde se représente plus ou moins un univers médiéval-fantastique, surtout depuis la popularité du film Donjons & Dragons Le Seigneur des Anneaux, ses superbes décors, ses costumes, ses dialogues… Vous devrez également veiller à ce que les votres ne soient pas en reste ! Décrivez ce que voient les personnages, vous êtes la fenêtre par laquelle les joueurs voient le monde. Dosez cependant le niveau de détail, nombre de joueurs viennent là pour sauver le monde, pas pour le voir en peinture ; mais si vous ne décrivez que les éléments importants, alors vos joueurs sauront avec quoi intéragir et le jeu perdra de la profondeur. Quand vous écrivez votre scénario (ou que vous préparez celui d’un supplément vendu dans le commerce), notez une brève description de chaque lieu, chaque personne que les PJs rencontreront. Une phrase, si vous êtes bons en impro ; un petit paragraphe si vous voulez décrire quelque chose de très précis ou que vous avez peur d’oublier dans le stress de la session.

A ce titre, un conseil : faites appel à l’imaginaire commun. Donnez des bases aux joueurs pour qu’ils puissent se faire leur propre image à partir de choses qu’ils ont déjà vu, et votre description ne leur en paraîtra que plus pertinente. Par exemple, si vous voulez décrire un village avec une 20 aine de chaumines avec des murs en pierre blanche, dites “un village comme celui d’Asterix”, tout le monde voit à quoi ça ressemble. Vous pouvez également, au contraire, décrire le décor en termes qui en appellent aux personnages, pour peu que vos joueurs se sentent vraiment investis au point de reconnaitre qu’une description est faite pour eux. N’hésitez pas d’ailleurs à forcer le trait ! C’est particulièrement vrai pour les personnages. Tout le monde ne peut pas avoir la chance d’avoir une jambe de bois, une cicatrice lui courant du front jusqu’à la joue, ou ce genre de joyeuseté, mais les personnages les plus importants de votre scénario se doivent d’être aussi les plus marquants ! J’ai moi-même fait rencontrer à mes joueurs un PNJ au visage carré. Pas “vaguement carré” ou “anatomiquement correct bien qu’un peu carré”. Non non, il était carré. Et bourru. Une image frappante.

Un point renforçant encore l’ambiance (et pour lequel Mucius est très doué, je vous encourage d’ailleurs à lire les articles qui traitent du sujet), c’est la cohérence de votre univers. Quand un joueur (ou un lecteur) entame une oeuvre de fiction, il se passe quelque chose de prodigieux qui s’appelle la suspension consentie d’incrédulité. En d’autres termes, votre joueur fait un effort pour oublier que ce qu’il entend est totalement impossible. Mais ce consentement a des limites, et plus vous tirez sur la corde, moins vos joueurs seront “dedans”. C’est valable pour le jeu de rôle papier, pour certains jeux vidéo, pour les livres, les films, tout. Essayez donc de faire des recherches, si vous voulez que votre partie se déroule dans un univers que vous connaissez peu. Des images, des films, des livres existent surement déjà, décrivant un univers proche du votre. Vos PJs traversent la campagne et se rapprochent d’une ville ? Ils traverseront probablement des champs et, pour peu que ce soit la saison, croiseront des ouvriers. Les temps sont à la disette, l’hiver a été dur ? Alors le champs donnera peu, les gens auront faim et seront d’autant plus inquiets. Tout cela donne l’impression que le monde tourne rond, que les actes sont suivis de conséquences logiques (soit dit en passant une vérité qu’il est assez dur de faire entrer dans le crane d’un joueur moyen !), alors que non, le monde n’est que ce que vous en faites, en vrai. Vous pourriez décider que l’eau brûle et que le feu mouille, si ça vous chantait. Mais avoir un univers cohérent aide les joueurs à se placer dedans, que ce soit sur le moment et/ou pour son background. Si vous dites aux joueurs “vous arrivez dans un village pauvre”, vous pouvez être certain que pas un n’imaginera le même niveau de pauvreté, et il y a fort à parier que pas un n’imaginera toutes les conséquences que ça peut avoir sur la psychologie et le décor de cet état de fait. C’est bien normal, ils n’ont que quelques secondes pour imaginer la chose. Vous, vous avez tout le temps de monde, alors mâchez-leur le travail.

Dernier point important : les PNJs. Ce sont eux qui feront sentir à votre personnage qu’il est vraiment là, acteur et non spectateur. Soignez les dialogues ; encore une fois, la cohérence est de mise : si un PNJ veut demander un service aux PJs, il ne s’agit pas qu’il se présente en les informant qu’il aimerait connaitre leur génitrice bibliquement (sauf si vous pensez qu’un tel comportement attirerait la sympathie de vos PJs !). Distillez les informations avec soin, notez ce que savent les personnages (particulièrement s’ils interrogent un PNJ que vous n’aviez pas prévu). La façon de s’exprimer de vos PNJ doit également refleter leur personnalité : par pitié, ce n’est pas parce que dans Le Seigneur des Anneaux, tout le monde s’adresse à Gimli en lui donnant du “Maître Nain” qu’il vous faut en faire autant, particulierement si c’est un paysan sans éducation. Tout au plus lui donnera-t-il du “messire”, s’il l’impressionne beaucoup. Et pas de tournure de phrase ampoulée. Inversement, les lettrés tutoient rarement un étranger, usent de mots peu rares et de tournure de phrase complexes. Gardez cela en tête, tout comme le fait que vos PNJs vont s’adresser à vos PJs en fonction de leur statuts respectifs. Nous vivons dans un pays et à un ère où tout le monde est globalement informé et éduqué, songez que dans un univers médiéval-fantastique comme warhammer, les lettrés se damneraient pour un livre imprimé et un paysan n’aurait strictement aucune idée de sa valeur. Surveillez également les anachronismes et les locutions modernes, si vous voulez garder un ton sérieux (même si je suis pour ma part adepte de la modernisation et de l’anachronisme, comme dans la mini-série Kaamelott, par exemple). Votre palette d’imitations peut s’étendre de l’analphabete incapable de conjuguer correctement au poète, de la poissonière au sage taiseux mais dont chaque mot est lourd de sens. Il est évidemment difficile de jouer un rôle très loin de sa propre personnalité, mais courage, vous n’avez pas à le jouer aussi longtemps que vos joueurs, et dans votre cas, la premiere impression compte beaucoup, et vous avez, encore une fois, tout le temps pour la préparer, quitte à écrire une page de répliques type.

 

J’ai détaillé les points les plus importants, parlons maintenant des accessoires. Il vous arrivera parfois de faire jouer des scénario où le temps sera important. Vos PJs doivent-ils trouver un refuge avant la tombée de la nuit ? Récuperer un objet dans une ville avant qu’elle ne se fasse bombarder ? Si vous avez de ces vieux reveils à aiguilles qui se règlent très simplement, vous pouvez en poser un sur la table et dire “voilà l’heure qu’il est”, et laisser le temps filer pendant les dialogues, les prises de décision à rallonge, etc… Souvenez-vous quand même que lors des combats, le temps passe beaucoup plus lentement dans le jeu, un tour de combat faisant en général entre 3 et 10 secondes, selon les jeux, mais pouvant durer facilement 5 minutes à la table.

Vous voudrez également, peut-être, avoir de la musique ou un fond sonore. Que ce soit parce qu’une scène se passe dans un lieu avec de la musique, ou pour renforcer l’identité d’un lieu (j’avais associé le Sanctuaire de mes PJs à une musique de Civilization IV, dans le jeu Nobilis), ou simplement parce que vous aimez une musique dramatique pour soutenir les moments d’action. Méfiez-vous. Les musiques sont rarement égales pendant toute leur écoute. Si vous avez une piste qui démarre lentement et qui monte en pression, soyez sûr que votre narration suivra le tempo de la musique, où vous êtes sûr de gacher leur effet à toutes les deux. C’est encore plus vrai avec certains disque qu’on trouve parfois comme “bruits de la foret”, ou ce genre de chose. J’ai joué une partie où l’on s’est baladé sous la pluie pendant plusieurs heures, le fond sonore tournant en boucle, et on entendait le tonerre toutes les 5mn. S’il pleut, c’est normal qu’il y ait parfois de la foudre, mais cet effet est généralement utilisé pour marquer un élément dramatique. Et là, non.

Pour vos PNJs, vous pouvez songer, vu que je vous ai dit de forcer le trait et de faire attention à leur façon de s’exprimer, qu’il serait bon de leur faire adopter un accent. Encore une fois, attention, soyez sûr de pouvoir le tenir toute la soirée, toute la campagne si nécessaire. Et si le personnage ou la scène dans laquelle il apparait est censé être sérieux, alors ne lui donnez pas un accent ridicule. Il y a peu, toute ma table a mis une demi heure à se remettre d’un PNJ avec un accent de racaille française alors qu’il s’agissait d’une ado gothique d’une banlieue américaine ultra religieuse.

Pour finir sur les accessoires, si vous avez le temps et les moyens, essayez de faire des aides de jeu. Cela peut aller du bibelot tout bête (les PJs doivent aller chercher un CD et le groupe sera scindé à un moment, donnez effectivement un CD aux joueurs, et celui qui l’aura en main ou devant lui sera celui dont le personnage le transporte. Ce genre d’objet de quête a d’ailleurs tendance à être oublié sur les feuilles d’inventaire vu qu’ils ne sont pas faits pour y rester), à la coupure de journal, voir même au livre entier tapé et imprimé, en passant par un simple dessin de personnage, ou même un bel écran de MJ. Toutes ces petites choses feront que les joueurs seront mieux immergés dans l’univers fictif, ayant plus de points d’accroches avec celui-ci. Si vous avez la place, vous pouvez même user de figurines pour les scènes de combat, ça ne fait pas grand chose pour l’ambiance à proprement parler, mais ça évite les plans gribouillés sur un coin de nappe, et l’effet produit est toujours positif.

 

Je concluerais cet article par LA règle d’or s’il devait y en avoir une : n’essayez pas d’aller contre la volonté des joueurs. Vous aviez prévu un scénario ultra sérieux et vos joueurs ont envie de déconner un bon coup ? Changez de scénario ou adaptez-le. Adaptez-vous. Ou faites autre chose. Les groupes ont souvent peu de temps pour jouer ensemble, mais ce n’est pas une raison pour faire une partie qui ne satisfera que la moitié des gens rassemblés, et il n’y a rien de grave, au fond, à passer le temps autrement, autour d’un bon vieux Colon de Catane des familles.

  1. Bon article, tres complet :)

  2. Excellent article. J’ajouterais pour permettre aux PJs de mieux s’immerger dans votre univers qu’il ne faut pas hésiter à y intégrer les remarques des joueurs qui vous semblent pertinentes. Par exemple vous décrivez un PNJ et un joueur fait la remarque que compte tenu de son apparence il se pourrait qu’il vienne de “tel pays” rencontré dans un scénario précédent, même si tel n’était pas votre volonté primaire si ce fait peut s’intégrer à votre scénario cela ne peut qu’y apporter plus de relief et déboucher sur de nouvelles idées intéressantes à développer. Mais attention tout de même à ne pas trop vous éloigner de votre scénario et à garder la cohérence de l’ensemble.

    Rôlistiquement.

  3. Excellente remarque, en effet, j’ai moi-même utilisé cet artifice plusieurs fois. L’avantage d’une préparation et d’un scénario plutôt souple, et d’une bonne connaissance de l’univers.

  4. Lorsque j’ai lu cet article, je m’étais déjà fait une grosse partie de ces réflexions, mais les voir écris est toujours pratique quand on prépare un scénario. Car parfois, l’ambiance peut inspirer lors du processus de création.

    Personnellement, j’essai de toujours avec un fond sonore qui colle avec l’action, en essayant d’en mettre plusieurs qui vont bien ensemble. Exemple: Une plaine avec du vent? Un bruit de vent en fond. Une bataille s’y déroule? Je rajoute des bruits de bataille dans le lot. Les PJ s’y battent? La plupart du temps, mais pas nécessairement, j’ajoute dans ce cas une musique de fond (sans parole!) qui ajoute à l’épique, au drame etc…

    C’est avec une partie sur Forum, où Trajan était aussi joueur d’ailleurs, que j’ai découvert comment bien géré sa musique en voyant notre MJ s’en servir pour rendre ses scènes plus épique, sombre, motivante etc… C’était vraiment super bien fait et j’ai décidé d’adopter le truc.

    Ensuite, lors de mes créations de PNJ, comme je leurs donne des traits de caractères, généralement, la manière de parler, l’accent (que j’évite la plupart du temps car, même en m’appliquant, on a plus l’impression d’entendre une caricature. Donc les scènes importantes s’en retrouvé décrédibilisé…) etc… Chaque PNJ ayant une histoire et du caractères, ils sont tous diversifié et ajoute à l’ambiance général.

    Pour ce qui est du reste, je rajouterais que, même si les PNJ ne sont pas super, que leurs interprétations laissent a désiré etc… Qu’on a pas de musique de fond ou autre. Bref que niveau ambiance on utilise pas tout. Il est pour moi, plus important de travaillé la cohérence de l’univers. Ne jamais avoir de situation qui se contredise, de règle que l’on brise (sauf si c’est fait exprès, mais dans ce cas, la règle était réellement brisé?).
    Bref, conséquence de tout acte.
    Et si jamais certain on dû mal à le faire, je peux conseiller ma façon: Il est rare qu’une action est une conséquence directe sur la scène, ou même dans le scénario. A moins bien sûr que le scénario ne se passe sur plusieurs jours.

    Exemple: Un PJ tue sans raison apparente un PNJ dans une taverne avec plein de témoin. Au prochain scénar, la garde pourra être a ses trousses. Ou deux trois scénarios plus tard, le frère/soeur/parent/amis/amant/etc… peut avoir engagé/venir lui même confronter le PJ (ou les PJs) pour le tuer en retour.

    On peut imaginer plein de chose comme ça, et c’est beaucoup plus simple après coup que directement en live. On a déjà un scénario a suivre, un temps de jeu a respecter etc… Si une digression est imprévu, si elle dure pas, ça va, sinon, ça peut être plus compliqué. Après le hors-piste peut donner lieu aux meilleures scènes d’un JDR, mais généralement, je prefère trouver un moyen détourné pour ramener les joueurs sur le scénario (mais pas forcément là où ils en étaient. Par exemple: Ils peuvent avoir a trouvé un mec, partir dans une taverne, puis baston, puis sur la route de la prison, ils voient le mec entrer dans un batiment. Du coup, ils s’échappent/négocie/etc… et vont là bas d’eux même.)

Reply to Trajan ¬
Cancel reply


NOTE - You can use these HTML tags and attributes:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>