Quand le Web rencontre… la cuisine

Où Trajan relate la conférence à laquelle il a assisté au salon Oh My Food sur le thème de la Cuisine et du Web, notamment les médias sociaux et le micro blogging.

Je reviens de Porte de Versailles où j’ai visité le salon Oh My Food, axé sur la cuisine et des notions très en vogue en ce moment : développement durable, équilibre, plaisir… et Web ! Je m’intéresserais surtout à ce dernier axe, puisque c’est un peu le but, secondaire certes mais quand même, de ce blog.

La conférence a duré environ 1h et était animée par Jérôme Sellier de Tech Food et Stéphane Gigandet de recettes.de/cuisine (amusante utilisation de l’extension allemande !) ainsi que Martine, une utilisatrice du site FoodReporter qui a eu la générosité de nous présenter son point de vue d’utilisatrice. J’ai été étonné de voir une personne de son âge aussi au fait des réseaux sociaux. Elle donnait presque l’impression de faire un cours aux deux petits jeunes entrepreneurs du Web, et je suis sûr qu’elle pourrait vous parler des applications pratiques du Web mieux que moi.

Portés par l’enthousiasme de Martine, on a surtout évoqué FoodReporter, qui est un site (et avant ça, une page Facebook) permettant aux utilisateurs de :

  1. publier des photos des plats qu’ils ont préparé eux même, éventuellement accompagnés de conseils, d’indicateurs (budget <  5 euros, temps de préparation, etc…) ou juste d’une petite histoire (plat que me préparait mon père), avec évidemment la possibilité pour les autres utilisateurs de demander la recette ou des clarifications.
  2. publier des photos des plats mangés au restaurant, avec la possibilité de géolocaliser automatiquement le restaurant et d’associer la coordonnée à la photo, avec une note appréciative sur le plat et sur le restaurant, constituant ainsi un guide des restaurants.

Le premier point est ce qui, je pense, permet de fédérer une communauté de fans. Les sites d’avis sur les restaurants ne manquent pas, mais au travers des recettes postées sur FoodReporter, chacun offre une partie de ses goûts et de son histoire. Le Web joue ici le rôle d’intermédiaire permettant le partage d’idées de recettes et de conseils à travers le monde. De plus, le côté DIY (Do It Yourself) presque inhérent aux blogs culinaires, dans lequel chacun peut se reconnaître, permet également de rapprocher les internautes. On constate le même intérêt dans toutes les communautés DIY, comme celle du Scrap-booking, de tricots, etc…

On est ici dans la démarche du Blogging : je travaille un article, parfois même longuement (préparer la recette, écrire une description, tout cela ne se fait pas tout seul !), et tout cela pour faire partager un savoir ou une expérience avec d’autres membres de ma communauté, qui en échange m’offriront également leur propre savoir ou expérience. Ou même simplement pour le plaisir. Martine, notre blogueuse de choc, témoignait qu’une photographe avait entrepris de prendre en photo tous les flans pâtissiers possible et imaginables, et l’a contacté grâce à FoodReporter, preuve, s’il en était besoin, que la Cuisine rassemble les foules, et que grâce au Web, elle peut atteindre des foules disséminées dans le monde entier.

Le second aspect de FoodReporter est la notation de restaurant par le public. En effet, chaque “food reporteur” qui va dans un restaurant commencera son repas par prendre en photo ce qu’il a dans son assiette pour préparer un reportage / critique gastronomique sur le restaurant à la fin du repas.

On est ici dans la démarche du micro-blogging : une information instantanée (plus à jour que ne pourra jamais l’être un guide michelin !) basée non pas sur la confiance en un critique “assermenté” ou une foule d’avis anonymes, mais sur la confiance dans les goûts de l’auteur. La confiance est en effet au coeur des relations des réseaux sociaux. Bref, le public peut maintenant “jouer au critique culinaire“. Ce qui signifie que le public peut faire et défaire la réputation d’un restaurant trop prétentieux mais qui prend soin des critiques connus et reconnus. Mettons cela quelques instants en relations avec un évènement mondial de ce début d’année 2011… Ça ne vous rappelle rien, des internautes qui, suffisamment nombreux, peuvent forcer ceux qui se croient supérieurs à les écouter ?

Si vous avez répondu “le printemps arabe”, vous avez gagné. Oui, le parallèle peut sembler osé, mais que ce soit des milliers de clients de restaurants déçus, ou des milliers de citoyens révoltés, le résultat est le même : un contre pouvoir qui ignore les hiérarchies et les barrières qu’on tente de lui imposer. Les critiques culinaires aux goûts élitistes et les gouvernements tyranniques qui, dans les deux cas, disent aux gens quoi penser suscitent la même réaction : “Exprimons-nous car nous en avons maintenant la possibilité, et vous n’avez aucun moyen de nous en empêcher ! Il vous faudra maintenant compter avec nous, comme vous êtes censés le faire depuis toujours. Ou sinon…”

Et il n’est pas étonnant qu’on retrouve cette notion de libération dans une activité aussi créatrice et profondément culturelle que la cuisine. Je serais personnellement ravi que la prochaine révolution soit portée par les cuisiniers amateurs du monde entier, quel message, alors, pour le monde !

Un proverbe égyptien dit d’ailleurs “On ne trahit pas le pain et le sel”, métonymie pour dire en vérité : “On ne trahit pas l’Homme avec qui on a partagé le pain le sel”. La cuisine, symbole d’union des peuples. Ça fait rêver non ?

 

Quelques liens pour illustrer l’article :

  1. Bonjour !

    Je suis Marc, un des fondateurs de Food Reporter. Merci beaucoup pour avoir parlé de nous (et surtout de Martine !) c’est très gentil.

    Samedi j’étais avec Martine au Techfoodday avec Martine. Il y a avait également des critiques culinaires et j’étais complétement stupéfait : quand je leur ai dit que des avis d’internautes (non pro) intéressent aussi d’autres internautes et qu’en plus je peux aller au restaurant juste en suivant leurs conseils, ils ne m’ont pas cru.

    Je leur ai montré certains avis sur Food Reporter ils ont trouvé que c’était le fond de la nullité. Pour eux, les critiques non pro n’ont aucun intérêt.
    C’est exactement ce que tu dis, ils ne veulent pas écouter les avis des gens qui sont pourtant les VRAIS CLIENTS.

    C’est un monde à part car par exemple dans le web on est tous super intéressés d’avoir des retours par des vrais gens, pas uniquement les pros qui ont un point de vue biaisé par le fait qu’ils soient professionnels.

    Voilà j’ai juste de la peine pour eux qu’ils fassent l’autruche …

    Merci encore !

    • Trajan Ulpius

      Bonjour Marc,

      D’abord bravo pour votre site, c’est une excellente idée et je ne suis pas du tout étonné qu’elle ai rencontré son succès sur Facebook ! C’est un plaisir d’avoir rencontré Martine, elle m’a inspiré ce parallèle que je ne pouvais pas ne pas évoquer ici.

      Tout le problème est là, que ce soit pour les critiques culinaires ou les gouvernements, quand ils oublient qu’ils sont servir un public et non l’inverse, il y a fracture. On leur a enseigné qu’ils étaient dépositaire d’un savoir ou d’une autorité, alors que c’est faux. Bon, la politique, je dis pas, c’est un domaine complexe, mais la cuisine est avant tout une affaire de gout et d’histoire personnelle (les madeleines de Proust, n’est-ce-pas ?), et cela, nul ne peut prétendre avoir un savoir absolu.

      Faire l’autruche, comme tu dis, marche un temps, mais grâce au Web, les ignorés peuvent se faire entendre, et plus ils sont nombreux, plus ils ont été oublié, plus ça fait de bruit !

      Merci à toi d’être passé ici en tout cas, et peut-être a bientôt sur FoodReporter ;)

  2. Merci de me faire découvrir ce site, et cette mini-révolution, à travers un article que je trouve très bien construit.

    J’aurais appris un nouveau mot au passage : métonymie.

  3. Merci pour cette article si bien construit.
    Vous lire est decidement un vrai plaisir

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