Sentiers rebattus…

Où Mucius vous dit comment apprendre à ne plus vous en faire et aimer la bombe : Comment résoudre le problème des joueurs qui sortent du cadre prévu par le scénario, ou au moins à ne pas s’en faire pour ça.

Mettons les choses au point tout de suite : vous n’empêcherez pas les joueurs de sortir des rails que vous leurs fixez, de partir dans le décor, ou de faire exactement ce qu’ils veulent. C’est tout simplement ce que font les joueurs… D’ailleurs, s’ils ne le faisaient pas, tout le côté “histoire collaborative” du jeu de rôles en pâtirait, puisque vous, le MJ, seriez le seul à décider du début, du déroulement et de la fin de l’histoire…

Cependant, le simple fait de croiser les doigts en priant pour qu’ils reviennent d’eux-mêmes à la conclusion prévue ne résout rien, et ne mène qu’à la panique du MJ et la confusion générale. Le MJ peut prendre des mesures variées, des plus simples au plus complexes, pour y remédier. Voici quelques conseils pour mieux gérer ces instants de “hors-piste” et empêcher qu’ils ne détruisent votre scénario, votre jeu, votre envie de maîtriser, ou pire… vos relations avec vos amis !

Si vous avez de la chance, vos joueurs ne font pas exprès de partir partout dans le décor. Ils cherchent simplement la chose la plus intéressante à faire, ou cherchent le début du scénario. Vous pouvez leur indiquer l’accroche, si elle n’est pas évidente, par une ou deux manœuvres plus ou moins subtiles… notamment en ne leur présentant rien d’autre. Mais parfois, les joueurs sont chagrins et en attendent trop d’un MJ, et disent : “Il n’y a pas d’autres annonces pour aventuriers à l’auberge ?”…

C’est vrai que ça fait pauvre quand l’accroche est faible, mais enfin ce n’est qu’un prétexte… les joueurs, coopératifs, savent qu’on est tous là pour s’amuser et prennent de bonne grâce la perche qu’on leur tend, n’est-ce pas ? Eh bien non, en fait. Les joueurs ont le droit d’être mal lunés, ou exigeants. Je suis d’ailleurs d’avis que de bons joueurs méritent mieux, et qu’un bon scénario mérite un bon début. Une accroche, une introduction, ça doit vendre du rêve pour le reste du scénario.

Une bonne façon pour cela, et mon premier conseil, c’est d’être mémorable et vivant.

Invitez-les avec de belles descriptions (qui ne manqueront pas cependant d’être percutantes et courtes, pour ne pas lasser)… Donnez des voix ou des accents bien distincts à vos PNJs, de façon à ce que les PJs sachent instantanément à qui ils parlent… Donnez dans le cliché détourné, soyez pittoresque, romanesque, voire picaresque… Bref, soyez vivant lorsque vous décrivez le monde, et vos joueurs iront naturellement vers ce que vous décrivez… Et ça les poussera à jouer leur rôle, en plus.

Faites varier le thème (sans toutefois changer complètement le cadre). Ajoutez par exemple un peu d’horreur à votre campagne qui n’en comportait pas jusque là ! Si vous êtes efficace, vos joueurs seront surpris, parfois un peu déstabilisés, mais au moins ils seront captivés par votre scénario et ils le suivront plutôt que de baguenauder ailleurs. Et à ce propos, vous pouvez vous-même les balader : téléportez-les, faites-leur prendre le bateau, changer de ville, fuir une accusation (à tort ou à raison)…

Comme on dit, changement d’herbage réjouit les veaux ! Le changement de pays, de partie du monde, leur fera du bien : vous aurez l’occasion de décrire de nouvelles choses étranges que vos PJs n’ont jamais vu, et ils ne se trouveront pas dans un cadre assez familier et confortable pour partir explorer ailleurs. Ce besoin d’aller autre part vient parfois du fait que le cadre est trop familier et que vos joueurs cherchent simplement autre chose à faire…

La meilleure chose à faire pour voir vos joueurs revenir et en redemander reste bien sûr d’être constamment mémorable, c’est à dire de leur proposer des défis variés aux solutions peu évidentes, où ils devront faire preuve de créativité et non seulement battre de gros monstres… Ceci est le défi continu du maître de jeu, mais le dire ne résout en rien le problème de la perte d’intérêt des joueurs, ni celui des joueurs explorateurs qui se mettent à fouiller n’importe où !

Si tout cela ne les empêchera pas toujours de partir dans le décor (surtout si ledit décor est aussi bien décrit que le reste et qu’il donne envie d’y partir… ça arrive !) au moins n’y aura-t-il pas de distractions ni de bâillements à la table. Nous l’avons dit, déjà, et plusieurs fois, dans d’autres articles : il faut rendre votre monde vivant. Il est important de mettre les personnages (et les joueurs) en face des conséquences de leurs actions…

S’ils se fichent des missions qu’on leur donne, leur employeur ne les emploiera pas longtemps… et, selon le jeu et le contexte, pourra même embaucher des gens pour éliminer les PJs qui le défient. Les PJs tuent quelqu’un ? Embêtez-les avec une enquête de police efficace qui les gênera dans tout ce qu’ils feront. Faites-les condamner, surtout s’ils ne jouent pas le jeu. Cela ne sera que justice, après tout !

Deuxième conseil, peut-être plus pragmatique… soyez prêt à ce qu’ils ne “mordent” pas.

Sachant bien que les PJs ont de bonnes chances d’ignorer toute ou partie de votre intrigue, préparez ce qui arriverait si ils passaient plus ou moins consciemment à côté de l’histoire. Par exemple, imaginez simplement ce qui se passerait si les PJs n’allaient pas nettoyer le donjon du nécromancien… Peut-être que l’armée du nécromant grandit et finit par conquérir le pays, ou que sa malédiction s’étend sur la région et que les récoltes ne donnent plus rien ! On en revient au problème des conséquences…

Voyez-vous, si RIEN ne se passe lorsque les PJs ignorent les signes premiers que quelque chose cloche, si les ennemis potentiels ne font qu’attendre que les PJs veuillent bien s’occuper d’eux, alors les joueurs tomberont dans la paresse et l’autosatisfaction. Tant que le cadre, le monde qu’ils aiment et qui leur est familier, change peu, ils n’ont aucune raison de voler à son secours (ou de s’y intéresser). Ils ne se soucieront pas de votre scénario, puisque finir celui-ci ne changerait rien par rapport à l’alternative.

Montrez aux PJs qu’ils sont les héros en leur montrant que leurs actions comptent… et leur inaction aussi ! Préparez donc une liste chronologique d’événements qui se produiront les uns après les autres si les PJs ignorent telle ou telle chose, s’ils ne font rien. De préférence, ces événements devraient se produire à intervalles réguliers et être de plus ne plus marquants, de plus en plus difficile à ignorer… voire changer complètement le monde, pour toujours !

Par exemple : Les PJs refusent d’aller retrouver la fille d’un riche marchand. Le marchand emploie des mercenaires pour la retrouver. Les kidnappeurs, des brigands, tuent les mercenaires, éliminant toute opposition et prenant de meilleures armes. Ils s’enhardissent à attaquer les caravanes qui approvisionnent la ville, et se préparent à sacrifier la fille à une entité démoniaque (le plan de départ du chef des bandits). Le rituel déséquilibre le climat local pendant la cérémonie…

La combinaison du climat perturbé et du manque d’approvisionnement fait que les gens quittent la ville en masse, affamés. Les bandits finissent par invoquer un démon majeur, à force de sacrifices humains. En fin de compte, les bandits conquièrent et occupent la ville, et la transforment en un état cruel et totalitaire où nul n’ose désobéir de peur d’être emmené directement aux enfers par les démons qui pactisent avec les dirigeants ! Et ainsi de suite.

Il peut être plus simple pour certains de se constituer une chronologie raisonnée, et pour d’autres de se constituer un répertoire de PNJs “clé” avec chacun leurs plans, tels qu’ils se dérouleront sans les PJs. Selon ce que les PJs font réellement, certains PNJs agiront et d’autres pas, ce qui changera potentiellement la chronologie exacte des événements… Point n’est besoin de trop détailler, cependant il est toujours bon d’avoir au moins une idée générale du comportement de ses PNJs !

La plupart des PJs normalement constitués devraient réagir dés le début, ou au moins lorsque les caravanes de la ville sont attaquées, ou que le climat est perturbé… Mais sait-on jamais ? Il y a des joueurs têtus. Ils devraient savoir que quelque chose se passe, et qu’ils peuvent l’empêcher, voire qu’ils sont les seuls à pouvoir le faire. S’ils ne le font pas d’entrée de jeu, laissez-leur une chance de le faire à une date ultérieure.

Le troisième conseil précieux, complémentaire du deuxième, est de créer un sentiment d’urgence.

Si vos joueurs pensent qu’ils ont tout le temps du monde pour accomplir leur mission, ils feront l’école buissonnière… Ils traîneront en route, tentant d’accomplir des sous-quêtes, voire d’en trouver là où il n’y en a pas : le meilleur moyen de vous prendre en défaut, ou de vous faire improviser à tort et à travers ! Une histoire improvisée entièrement, cela peut être très bien (si on sait bien le faire), mais la muse est capricieuse : pour une soirée géniale, il y en a dix ou vous auriez aimé être préparé…

Engendrez donc un sentiment d’urgence chez vos héros pour qu’ils souhaitent rejoindre l’intrigue dés que possible ! Le plus classique reste la fameuse “conjonction astrale” : Le méchant doit accomplir son but avant une certaine date aisément identifiable, et le fera à coup sûr si on ne l’empêche pas à temps. Point n’est besoin de s’en tenir à l’astrologie… ni à la précision d’une horloge. Un méchant peut vouloir éliminer un héritier potentiel avant la mort du vieux roi, quelle qu’en soit la date.

Autres idées : L’invocation du démon ne peut s’effectuer que lors de l’éclipse solaire… Ce meurtrier doit être appréhendé avant qu’il ne commette d’autres assassinats… La vérité doit être révélée avant que la campagne présidentielle ne s’achève… Il faut que le village soit en sécurité avant un mois, sans quoi on ne pourra pas faire la récolte avant l’hiver… L’ingrédient rare d’un antidote doit être trouvé avant qu’un PNJ important ne meure à cause d’un poison lent…

Si les PJs retrouvent la hache du grand chef Blorg avant que l’armée barbare n’arrive, le roi pourra la brandir et éviter la guerre en soumettant les tribus… La malédiction de la fée noire doit être brisée avant la naissance du premier enfant du couple royal… L’apocalypse est pour demain, sauf si les PJs arrivent à changer l’Histoire… Les dettes d’un ami le rattraperont (et la mafia aussi) s’il ne trouve pas très vite une grosse somme d’argent…

Veillez aussi à ce que les PJs comprennent bien qu’il y a urgence en les informant de ladite date, ou de l’événement en question… Pour reprendre l’exemple des bandits qui invoquent un démon, faites que les perturbations climatiques annonciatrices de la cérémonie impie soient de plus en plus rapprochées avant la grande conjonction, et faites que le blason des bandits rappelle l’alignement des planètes en question. Faites faire des jets aux personnages érudits, et ça ira !

Poursuivant ce raisonnement, rendez vos éléments d’intrigue interactifs.

Pour chaque élément de votre histoire, prévoyez de nombreuses possibilités d’interactions avec les PJs, même en dehors du fil de l’intrigue… N’isolez pas votre intrigue du reste de votre monde ! Si les PJs vont “dans le décor”, vous pourrez ainsi ramener des éléments de votre intrigue au centre de l’action. Cela vous aidera à ramener les PJs dans les clous, mais aussi cela vous permettra d’improviser sur des bases solides plutôt que “dans le vide”…

Quand je dis “éléments”, je ne veux pas forcément dire “PNJs” mais aussi “lieux”, “faction”, “groupe”, ou toute autre unité. Ainsi, dans notre exemple principal, nous avons les éléments suivants : Le riche marchand, sa fille, les bandits et leur chef (un sorcier), la cachette des bandits, le bourgmestre de la ville, les caravaniers et marchands de celle-ci, le démon, et même le climat qui change… Et sans doute d’autres.

Si les joueurs refusent l’offre initiale du marchand, celui-ci fera appel à des mercenaires. Les mercenaires se feront tuer, aussi le marchand fera probablement appel aux PJs de nouveau pour protéger ses caravanes… Selon le comportement des PJs, il peut aussi ne plus les contacter, et pourrir leur réputation en ville, bien entendu, ce qui ne facilitera pas les relations avec le bourgmestre et les autres marchands !

La fille du marchand n’interagit pas beaucoup avec les PJs s’ils refusent de la sauver. Cependant, une fois morte, il se pourrait que son fantôme hante les lieux de son décès. Elle peut aussi s’en prendre à tous ceux qui ont refusé la mission de son sauvetage, les derniers n’étant autre que les PJs… C’est aussi un moyen de montrer aux joueurs les conséquences de leurs actions, ou de leur inaction !

Les brigands et leur chef, disait-on plus haut, vont s’attaquer à des cibles de plus en plus importantes. C’est à ce moment là que les caravaniers de la ville la plus proche pourraient embaucher les PJs pour les défendre. Il est possible, même, que le bourgmestre fasse appel à eux (puisque les mercenaires du coin ont été tués). Enfin, peut-être que les bandits s’attaquent directement aux PJs alors que nos héros traversent le pays…

D’ailleurs, on peut imaginer que les brigands ont des espions, puisqu’ils ont pour projet de prendre la ville… Ceux-ci rejoindront les rangs de la garde de la ville et des caravanes de marchands afin de semer la discorde, et de ramener de précieuses informations sur les défenses de la ville et les convois prévus. Ils tenteront aussi de suivre (voire d’assassiner) les gens aux postes “clé”, et tous ceux qui semblent pouvoir empêcher leurs plans… donc les PJs.

Le chef sorcier aura peut-être besoin d’autres ingrédients rares pour son rituel. Il peut faire appel aux PJs pour les lui trouver (peut-être en utilisant un intermédiaire). Il faudra pour cela les récolter ou les voler… Voilà une alternative intéressante pour impliquer les PJs, qui découvriront qu’ils travaillent pour le “mauvais” côté ! Les PJs pourraient aussi posséder un objet ou une denrée qui intéresse le mage pour son rituel. Il cherchera à l’acquérir, d’abord légitimement, puis par la force…

Si les PJs ne font vraiment rien, faites jouer le climat qui change brutalement à cause du rituel… Un blizzard en plein été peut forcer des PJs qui traversent le pays à s’abriter dans le lieu de votre choix. Et quel est le lieu en pleine campagne le plus approprié pour camper ? Un vieux donjon qui n’est-autre que la cachette des brigands, pardi ! Il peut s’agir d’une cachette secondaire, d’ailleurs, où ils rencontreront des espions et des marchands corrompus par les brigands.

Peut-être que des légendes locales parlent du démon emprisonné dans le vieux donjon, une cible tentante pour les PJs… Quant au démon, eh bien, il ne souhaite qu’être invoqué pour semer la mort dans toute la contrée ! Ce qui ne l’arrange pas c’est que le rituel, à son paroxysme, le liera au mage qui l’invoque : Il sera forcé d’exécuter ses ordres. Il peut venir parler en rêve aux PJs et leur promettre monts et merveilles s’ils tuent le mage une fois qu’il est invoqué mais avant qu’il ne soit lié…

On le voit, tout ceci est dans la même veine que le fait de prévoir les plans individuels de vos PNJs, mais il s’agit là de voir ce qu’ils feraient avec les PJs, pas sans.

Le conseil suivant est excellent : faites en sorte que le scénario soit le leur.

On l’a dit, et on le redit, le jeu de rôles reste un loisir intéressant parce que le déroulement exact de l’histoire est incertain. Ce n’est pas le MJ qui écrit l’histoire, mais tout le groupe, ensemble… et les joueurs ont l’avantage, puisqu’ils sont supposés être les héros du drame qui se joue ! Aussi, il est normal que si votre scénario, ou tout au moins son accroche, traite majoritairement d’autres gens, d’autres pays, d’autres familles ou d’autres peuples que ceux des PJs, ils ne se décarcassent pas beaucoup.

Ce qu’ils ont écrit sur la fiche, leurs capacités, le type de personnage qu’ils ont fait, cela vous en dira plus sur le genre de scénario auquel ils souhaitent participer, ce qu’ils aiment faire en jeu. Proposez leur un scénario avec, en accroche, la suggestion d’opportunités d’utiliser leurs capacités, ou un défi particulier qui en appelle à leur type de personnage : les ennemis jurés du rôdeur, un objet à voler pour le voleur, des livres pour le mage, des morts-vivants à purifier pour le clerc, etc.

De la même manière, même si votre univers de campagne “maison” est hyper détaillé, il ne passionnera jamais vos joueurs… Ou en tout cas jamais autant que ce qu’ils ont pu inventer pour leurs propres personnages. Sachez donc toucher les personnages en exploitant les backgrounds qu’ils ont écrit. Remémorez-vous ce qui motive chaque personnage (argent, amour, aventure, retrouver X ou Y…) et placez l’épée de Damoclès sur leur tête plutôt que sur celle d’un autre.

Pour créer, comme plus haut, le sentiment d’urgence, faites que ce soit l’un des PJs qui soit empoisonné et doive chercher l’antidote. Faites que la malédiction s’abatte sur la famille d’un PJ, ou que tout espoir de récompense soit perdu si les PJs arrivent trop tard… Etc. Et, toujours, appuyez-vous sur leur fiche de personnage et leur background pour voir comment tel personnage réagira à telle situation. Nous avons déjà abordé ce sujet plus d’une fois, d’ailleurs !

Sans même aller jusqu’à l’urgence absolue, si l’un des joueurs a écrit sur sa fiche que son personnage est à la recherche du meurtrier de sa femme, saisissez cette opportunité pour faire dudit meurtrier un méchant mineur ou majeur qui raccrochera ce personnage à la trame de votre campagne… De même, si un personnage a une famille, sans aller jusqu’à la faire enlever ou tuer par le méchant, vous pouvez simplement en faire des PNJs donneurs de mission, ou des intermédiaires pour ceux-ci.

Même s’ils ne mordent pas tout de suite à l’hameçon, vous aurez toute légitimité de leur dire, alors, qu’ils jouent mal leur personnage… Mais pour certains, cela ne suffit pas. Il faut les investir par la manipulation.

En effet, il y a des PJs avec très peu de background, des parents morts, et un comportement assez proche du psychopathe (dont nous avons déjà parlé dans un précédent article…) dont le passé est trop lisse pour pouvoir être exploité de la façon qui précède. Ou alors il faut s’y prendre à l’avance, et cela ne vous dit pas comment remédier à une situation qui vous occupe sans doute déjà depuis le dernier scénario.

Comme il est de la plus haute importance que vos personnages (et vos joueurs) s’investissent dans votre scénario, donnez-leur des attaches au présent, pas simplement au passé. Par exemple, commencez une campagne en leur faisant découvrir un village non pas par une description mais parce qu’ils y sont arrivés un jour de festival. Toute la première partie de la séance de jeu a été consacrée aux compétitions, jeux d’adresse, danse, concours de boisson, flirts avec la fille de l’aubergiste…

Ces événements ne sauraient simplement être décrits, ils doivent être joués (et, soit dit en passant, c’est aussi un bon moyen de familiariser les joueurs avec un nouveau système de jeu : faites-leur faire des tests pour tirer à l’arc, résister à l’alcool, séduire une donzelle, raconter une histoire au coin du feu, et ainsi de suite) ! Une fois qu’ils appellent certains membres du village par leur petit nom, ils sont investis… Motivez-les en menaçant lesdits villageois !

Un autre grand classique est l’enfant égaré que les PJs trouvent et doivent raccompagner chez-lui : même le pire barbare n’ignore pas un enfant… Et je refuse personnellement de jouer avec quelqu’un qui, dans une partie “classique”, laisserait mourir (ou tuerait) un gosse dés la première scène de jeu. Orphelins, veuves… des clichés, certes, mais dans des jeux comme Donjons et Dragons ou Pathfinder, ça fonctionne très bien.

Vous pouvez aussi leur donner quelqu’un à détester. Dés les premiers scénarios, voire dés l’introduction, présentez les choses de manière à ce qu’ils contrarient par inadvertance un PNJ méchant, bête, prétentieux, ou haïssable d’une manière ou d’une autre, mais qu’ils ne pourront pas tuer tout de suite ou sans raison (peut-être un sheriff ou un noble local). S’il les agace régulièrement, ils ne manqueront pas d’essayer de lui nuire !

Quelle joie pour les PJs de découvrir un jour que le personnage qu’ils détestent est alors de mèche avec le Grand Méchant, voire que c’était lui depuis le début ! Ils vous mangeront dans la main et courront aussitôt dans la direction indiquée. Et qu’importe, au fond, si vous avez totalement improvisé ce lien a posteriori parce que vous avez constaté que les PJs haïssaient ce PNJ particulier, n’est-ce pas ? N’hésitez pas à prendre une meilleure histoire que la vôtre si elle se présente

J’ai par exemple créé pour mes joueurs de Vampire un PNJ doté d’un fort statut dans leur ville, et que l’un d’entre eux a énervé dés le début… Il s’est un peu vengé, les PJs se sont vengés par dessus, les choses ont vite empiré… Maintenant, il me suffit de brandir sa menace pour que mes joueurs enragent, prêts à l’assaillir. Ils sont même relativement proactifs contre lui ! Certes, je l’avais conçu dés le départ comme un PNJ haïssable et un ennemi potentiel, mais Vampire est un jeu d’intrigue.

Vous pouvez bien entendu cumuler les PNJs sympathiques et antipathiques dans le même scénario. Et si rien ne marche, menacez : les vertus d’un début in media res ne sont plus à vanter. un combat d’entrée de jeu forcera les PJs à fuir ou à se battre, et les impliquera du même coup. Ils souhaiteront savoir qui les a ciblé et pourquoi, sauver les autres victimes d’une telle attaque, voire même se venger, toute autre affaire cessante…

Et puis si rien d’autre ne marche… Laissez-les faire.

L’important, c’est que tout le monde s’amuse. Tant que vous vous amusez aussi, continuez d’improviser ! Pourquoi pas ? Temporisez avec des PNJs et des morceaux choisis issus d’autres scénarios. Pas la peine de vous lancer dans des combats importants ou dans une autre intrigue, une bagarre de taverne et une quête mineure avec un de ces donjons instantanés en cinq pièces trouvés sur Internet suffiront amplement. Vous n’êtes pas aussi prêt que possible, mais vous n’êtes pas sans ressources !

Roll for Shoes est un excellent entraînement pour ce genre de choses.

Cela ne veut pas dire que votre scénario est gâché, juste retardé. Mais il est vrai que ça peut être frustrant… Si tel est le cas, ne soyez pas rageur et punitif ! N’ayez pas de honte à dire “Bons, les mecs, vous allez dans des directions que je n’ai pas du tout anticipé, donc si ça ne vous dérange pas on fait une séance plus courte aujourd’hui, ça ira mieux la semaine prochaine“, ou quelque chose du même genre. Ce n’est pas un aveu de faiblesse, c’est confesser que vous voulez qu’ils s’amusent.

Et ils s’amuseront mieux avec un MJ qui sait quoi faire (même si vous n’avez jeté que quelques idées sur le papier en dix minutes, c’est toujours ça) qu’en faisant peiner un MJ qui n’en peut plus ! Ce sont vos amis, ils comprendront. Et s’ils ne comprennent pas et préfèrent vous frustrer, vous avez un problème de joueur et non un problème de scénario : le comportement du pervers qui aime faire souffrir les autres n’a sa place que dans une relation SM, et pas à une table de jeu de rôles.

Indiquez à tous ces malfaisants la porte de sortie, vous ne vous en porterez que mieux, et votre groupe aussi.

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