Où Mucius vous raconte pourquoi la Session Zéro c’est bon, mangez-en, et ce qu’il faut mettre dedans. En plus, c’est facile, on a déjà parlé de presque tout, mais disséminé dans d’autres articles.
Alors que, sous divers noms et conseils, elle est plus ou moins formalisée dans les « jeux de rôles indés » et surtout les jeux dits « narrativistes », la notion de « Session Zéro » brille par son absence pour la plupart des « grands jeux de rôles », ceux qui sont les plus connus, les plus joués et les plus vendus.
Ce qui est dommage, parce que c’est là qu’on en aurait le plus besoin : c’est justement parce qu’il n’y en avait pas que les jeux de la « réaction » aux grands anciens, les jeux du style « Powered by the Apocalypse » ou FATE, ont popularisé ce concept qui tient à la fois du tour de chauffe, de la préparation à l’improvisation, du brainstorming et du safe-space.
Indispensable pour certains, inconnue pour beaucoup, en quoi consiste cette séance de jeu qui n’en est pas une ?
Et si je vous disais que tout le monde a toujours fait ça ?
La session zéro, c’est juste se mettre d’accord.
« Tu es libre les vendredis ? On va commencer un nouveau truc, c’est du D&D, tu viens ?
– Ouais, faut voir, c’est avec qui ? C’est quoi ?
– Le groupe habituel plus le petit ami de Sy, dans les Royaumes Oubliés
– Oh, j’en ai marre de la Côte des Epées…
– Pas de souci, c’est dans les Vaux, c’est super loin. On commencerait genre niveau 3, je pense.
– Ah, ok, bah justement j’aimerais bien jouer un elfe, ya Cormanthyr !
– Cool ! On en parle vendredi ? On va faire les persos ensemble !
– Yep ! Quelle heure ? »
Voilà, vous venez d’assister à un début de session zéro, laquelle se poursuit le vendredi en question avec la création de personnages. Eh oui, tel Monsieur Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir, vous faisiez déjà des « Sessions Zéro » dans vos propres campagnes avec vos propres amis, parfois-même avec vos propres chips et sodas.
Nous avons déjà largement discuté sur ce blog de ce qu’on doit faire avant la campagne, de la préparation du MJ à la création de personnage, à « qu’est-ce qu’un bon background », en passant par le « contrat social du rôliste » … Presque à chaque billet, je ne fais que rappeler qu’il faut que les joueurs (dont le MJ) communiquent entre eux. Ce n’est que ça, la session zéro.
La session zéro, c’est juste se réunir entre amis (parfois même par téléphone ou par internet) et décider de ce à quoi on va jouer, quelles dates, du type d’aventures qu’on aimerait bien jouer, et créer les persos. Elle permet aussi de se mettre d’accord sur toutes sortes de choses… de « qui amène la bouffe » à « est-ce qu’on utilise la règle de l’encombrement ».
Il est venu se greffer par-dessus tout ça une espèce de formalisme, qui, sans être de mauvais aloi, intimide beaucoup les nouveaux MJs d’un jeu déjà compliqué et difficile d’accès. Il y en a qui sont d’avis que la session zéro doit comporter un questionnaire long et douloureux, quasi incarnation du « contrat social rôliste »… Pas d’obligation à cela !
Mentionnons-le aussi, ce concept étonne certains anciens joueurs qui pensent avoir affaire à un genre de fantasme wokiste/narrativiste ou on va leur demander de parler uniquement avec des verbes d’action, les forcer à utiliser le point médian, ou pire, leur interdire de jouer Darkly Von Edgelord, leur assassin elfe noir préféré.
La session zéro, c’est juste un espace ou on se dit tout.
Sans aller jusqu’à dire que cette interdiction soit hors de question (c’est un perso sacrément pourri), ça n’a juste rien à voir. Cet article pourrait s’arrêter là, mais j’ai ma fierté, il ne sera pas dit de moi que j’aie fait « court et simple » ! Nous allons donc examiner la liste de à peu près tout ce qu’on peut mettre dans une session zéro, afin que vous en ayez pour votre peine.
Le pitch, le jeu, le sujet
Tout d’abord, pour être sûr que tout le monde soit sur la même longueur d’onde, il faut que vous vous mettiez d’accord sur le jeu et sur la campagne. Module du commerce ? Campagne perso ? Quel jeu ? C’est généralement le moment pour le MJ, si cela n’est pas déjà fait, de « pitcher » ses idées.
Il y a des tables qui marchent très bien quand le MJ répond à pas mal de questions, et dit par exemple « Je fais une campagne de Vampire 5e édition le jeudi soir sur Roll20 et Discord, ça se passe à telle époque, telle ville », et c’est comme ça et pas autrement… et d’autres qui prennent les avis des joueurs sur leurs univers de prédilection.
Mon conseil pour le MJ est de prévoir trois « pitchs » assez courts, et uniquement pour des jeux et des campagnes que vous ADORERIEZ jouer (ne pitchez pas un truc « bof », ça se verra, la campagne n’ira pas loin). Pour chaque campagne, imaginez que vous avez une minute pour « vendre votre film » : la particularité du jeu, ce qu’on joue, le sujet, les thèmes…
Exemple : « Blades in the Dark est un jeu dans lequel vous jouerez tous des voleurs qui font des « coups » ensemble, et dans lequel ils ont réussi à fluidifier les plans avec un système de flashbacks. L’idée que j’avais c’était que vous découvrez progressivement une intrigue politique au fil des missions au service d’un Duc… »
Il est toujours agaçant pour un joueur de s’intégrer à une campagne qu’il croyait marrante du genre exploration de donjon avec un gros monstre par semaine, et de tomber sur des intrigues politiques douloureusement longues avec un combat toutes les trois séances et des décisions militaires affectant le sort de milliers de gens.
Si on s’entend sur tout ça avant de jouer, il y a bien plus de chances pour que tout le monde s’amuse.
Mon conseil aux joueurs : ne restez pas muets ! Vous pouvez tout à fait dire « non », vous pouvez aussi dire « oui mais », ou « oui et », et surtout, SURTOUT, n’hésitez pas à dire « J’aimerais bien jouer à tel jeu » ou « j’aimerais bien jouer tel genre d’histoires » (pirates, détectives, exploration de ruines, fantasy urbaine, steampunk, médiéval historique, mon petit poney…)
Le pitch n’est que le point de départ… il doit rester sous la forme de pitch, parce que vos joueurs sont des Philistins qui ne liront jamais un bouquin de règles entier (ou même un document de 10 pages écrit avec amour sur votre univers de jeu) avant de savoir si ça leur plait ou non. On ne peut pas les blâmer, d’ailleurs.
Mais une fois qu’un pitch intéresse les joueurs, la discussion commence, et chacun peut contribuer à l’aventure. Si les joueurs souhaitent des surprises, très bien… mais c’est l’occasion pour le MJ de dire ce à quoi ils doivent s’attendre en termes d’aventures et de « type de mission », et pour eux de dire ce dont ils ont envie.
Cher MJ, c’est votre chance : ne vous lancez pas dans une explication de 45 minutes avec présentation « Office » si vous n’êtes pas appelé à le faire… MAIS, sans dévoiler de secrets, vous pouvez répondre à toutes les questions sur votre univers chéri que vous avez créé avec amour, ou sur le merveilleux « setting » dont vous avez dévoré le supplément !
Et si tout le monde se met d’accord sur un « monde de fantasy générique », pas de problème, vous n’avez pas besoin de tout créer. Vous pouvez même demander aux joueurs, pendant cette fameuse session zéro, de créer pour vous (et pour tous à la table) des pans entiers de l’univers liés à leur personnage, comme je l’ai dit dans l’article « Inversons les rôles » !
Et, comme dans cet article, j’aimerais rappeler qu’à ce stade, il est indispensable qu’au moins le MJ connaisse bien son univers de jeu et les règles qui vont avec… ne serait-ce que pour savoir à quoi ce jeu est adapté en termes de personnages, missions, et ainsi de suite, et pour pouvoir répondre aux questions des joueurs (qui, eux, ne liront PAS le bouquin).
Tous les jeux ne sont pas adaptés à tout ! Je vous conseille de classer vos différents pitchs selon ce qui semble le plus important dans ce jeu, ce qu’on fera le plus souvent, et non pas seulement par genre. Par exemple, D&D et « A Song of Ice and Fire » (le jeu de Game of Thrones) sont deux jeux médiévaux fantastiques avec des thèmes incroyablement différents !
Sérieusement, il vaut mieux en discuter, ça évitera à un joueur de se dire après quelques séances de jeu qu’il s’attendait à d’autres aventures (davantage de combats, des interactions sociales, plus de « grimdark », davantage de poneys…) et qu’il est déçu. Parce que du coup, soit il quitte l’aventure, soit vous rajoutez des poneys et les autres seront peut-être déçus.
Profitez-en pour énoncer clairement VOS attentes en tant que MJ ou joueur, et, en tant que MJ, demander à connaître celles de vos joueurs… par exemple :
- Quel est l’univers de jeu ?
- Quelle est l’accessibilité à la magie, est-elle puissante ? (Elle peut être si commune qu’il y a des magasins d’objets magiques et qu’elle participe de l’économie, si rare que seuls quelques objets enchantés survivent des temps jadis comme dans le Seigneur des Anneaux, et tant d’autres variations)
- Même question pour le niveau technologique.
- Dans quel environnement voulez-vous jouer ? (Urbain, désertique, jungle, océan, souterrain, plaines tempérées, arctique, l’espace, autre… il y a des chances pour que la plupart des univers de jeu aient beaucoup de biomes à proposer ! Et rien de plus idiot que de faire un personnage qui a été marin ou de vouloir des aventures de pirates et de ne pas voir la mer de toute la campagne)
- Est-ce que les conflits entre PJs sont autorisés ? Y compris jusqu’au combat ? (C’est une question qui doit aussi se poser à l’étape suivante, la création de personnages… Je suis de ceux qui en ont fait, et n’aiment pas ça, que ce soit en tant que MJ ou en tant que joueur, même si je n’y participe pas ! Je refuse de jouer si cela se produit)
- Quelle est la proportion de combats ? une fois pas session de jeu ? plus ? moins ? leur importance ?
- Même question pour les mystères à résoudre, les enquêtes, interactions sociales, défis de compétences…
- Quel est l’accès aux ressources et à la civilisation pour les PJs ? Ont-ils un moyen d’y retourner assez souvent ?
- Dans quelles sphères évolueront les PJs ? Crapahutage dans les bois ? Dîner chez les ambassadeurs ? (Sans dévoiler les surprises du scénario, il est bon de s’entendre sur la majeure partie des activités et du cadre afin que les personnages créés soient adaptés à ce qu’ils devront faire pendant l’aventure… sinon à quoi bon ?)
- Quelles sont les divinités, leur puissance, où va l’âme des gens après la mort, les gens le savent-ils, et autres questions spirituelles… (C’est important si certains jouent des prêtres ou si la religion est importante. Vérifiez aussi les croyances du lieu et de l’époque à laquelle vous jouez si c’est dans un monde semblable au nôtre)
Evidemment, pour cette dernière question, pas la peine de la poser ou même de développer cet aspect de l’univers si la religion n’intervient jamais ou si ça n’intéresse personne. C’est un exemple de question précise et détaillée sur l’univers qu’il faut solutionner et dont on a le droit de discuter en groupe… rien n’est tabou !
D’autres exemples comprennent « d’où vient la magie », « quelles sont les nations principales », « quelles sont les grandes menaces de ce monde (démons, aliens, anciens dieux, la nature, des tribus sauvages, une guerre civile, un empire fasciste, des super-vilains…) » ou autres questions sur l’Histoire, la cosmogonie, les animaux courants, les transports…
On remarquera que certaines de ces questions sont aussi liées au ton de la campagne (voir plus bas).
Explication du système et création de personnage
C’est parfois aussi simple (et aussi compliqué) que de lire ou commenter les règles principales… Montrer une feuille de personnage, donner les « moyennes » des scores le cas échéant, dire ce qu’on doit faire pour tenter et/ou réussir une action, expliquer ce qu’on joue en tant que concept général…
C’est tout simplement indispensable si vous avez un nouveau joueur à la table, quelqu’un qui n’a jamais tâté de ce système auparavant, à plus forte raison si tout le monde ou presque découvre (comme lorsque votre groupe d’amis est enthousiasmé par un nouveau jeu). J’en ai fait les frais : je n’en suis pas à mon premier personnage mal adapté à une campagne !
A charge au MJ d’expliquer le jeu et ce qu’on y fait ; à charge au joueur d’y coller un minimum et de ne pas faire, comme moi, une sorcière vaudou professeure de danse caribéenne (« parce que c’est possible dans les règles et que c’est un perso cool ») alors qu’il aurait fallu faire un samouraï des rues sombre et meurtrier… à Shadowrun.
C’est le moment pour les joueurs de donner leurs idées de personnages au MJ. Je ne recommanderai jamais assez de faire cela en groupe, ensemble, et sans rien cacher, afin de faire du méta-jeu intelligemment (j’en ai déjà parlé dans d’autres articles) … mais les joueurs aiment leurs personnages « à secrets », et certains jeux s’y adaptent plus ou moins.
Par exemple, il est souvent important de faire un prélude « en solo », chaque joueur seul face au MJ, pour les jeux du Monde des Ténèbres (on joue l’Eveil des mages ou l’Etreinte des vampires, par exemple). Mais j’aime personnellement les créations de groupe « en groupe », afin que les PJs soient complémentaires.
Il est aussi indispensable, à mon avis, que le MJ puisse opposer son « véto » à certains concepts de personnages qui ne correspondent pas à la campagne ou dont on sait qu’ils ne permettront pas à la table de s’amuser… et c’est aussi primordial pour les autres joueurs de pouvoir dire « je ne vois pas comment mon personnage et le tien pourraient travailler ensemble ».
Récemment, dans l’une des campagnes ou je suis joueur, le MJ a intégré un nouveau joueur… celui-ci a un concept de personnage qui s’oppose idéologiquement à tous les autres dans le groupe. C’est quelque chose que le MJ et ce joueur (tous deux novices, il faut le dire, et le joueur ne sait même pas à quel point son personnage est antithétique) ont choisi.
Quant à moi, j’aurais aimé être consulté, et je n’aurais certes pas joué ce personnage ou accepté de jouer avec ce personnage dans le groupe si on m’avait demandé mon avis : c’est une source de frustration et cela a été une source de conflit à la table, heureusement gérable jusqu’ici… jusqu’à quand ? J’ai peur pour l’avenir de la tablée, ou MON avenir à cette tablée.
Il est du devoir de chaque joueur de savoir créer des personnages qui travaillent ensemble : le jeu de rôles est un loisir entièrement social et collaboratif, aussi les personnages qui travaillent seuls ou qui sont totalement imbuvables n’y ont-ils pas leur place, sauf dans des circonstances très particulières… Nous en avons aussi longuement parlé.
Mon conseil aux joueurs : comme le MJ, venez avec des ébauches, des « pitchs », des concepts que vous ADORERIEZ jouer (ne venez pas avec quelque chose qui vous embête sous prétexte que ça s’adapte au reste du groupe, c’est la pire de toutes les idées) et qui ne sont pas figés, pas entièrement développés. Pas des historiques complets ou des persos faits, des concepts.
Vous pourrez ainsi choisir celui qui enthousiasme le plus le reste du groupe (il vous enthousiasme vous, à la base, je le rappelle, donc cette question est réglée), choisir celui qui est le plus complémentaire, et surtout modifier votre personnage et son historique (sans en changer l’essence) afin de le lier aux autres personnages.
C’est en effet le moment de discuter de vos historiques, chers joueurs ! En tant que MJ, j’aime guider les joueurs dans leurs réflexions en posant des questions comme « Qu’est-ce que les gens disent sur le PJ à votre droite ? », « Vous connaissez l’un des autres PJs, d’où ? », « Une autre PJ vous a sauvé la vie, comment ? » ou « Vous admirez tel PJ, pourquoi ? »
Beaucoup de jeux comme ceux « Propulsés par l’Apocalypse » (Masks, Monster Hearts, Good Society, City of Mists…) ou même Fiasco comportent des tables ou des questionnaires sur les relations entre les PJs, ce qui résout le problème de savoir comment ils se sont connus et pourquoi ils travaillent ensemble. Inspirez-vous-en !
Il existe aussi des questionnaires de ce genre trouvables sur Internet. Vous pouvez aussi proposer, si tous les joueurs sont d’accord, de les faire travailler pour le même employeur, ou de leur faire jouer les membres d’une même famille, ou autre prétexte… dont j’ai déjà parlé dans d’autres articles sur l’implication des personnages. C’est l’occasion de demander !
Une telle initiative peut même venir des joueurs, qui peuvent par exemple spontanément faire des héros inspirés d’œuvres littéraires dans une campagne de City of Mists, issus d’un même panthéon à Scion, d’un même clan dans La Légende des Cinq Anneaux, de la même lignée à Vampire… des jeux qui le permettent et fonctionnent bien dans un tel cas de figure.
Même si c’est moins important à mon avis que la crédibilité de l’historique commun et que l’amusement des joueurs, ils peuvent à ce moment réfléchir à faire ou non un groupe complémentaire dans ses pouvoirs et capacités. Enfin, il n’est absolument pas indispensable de remplir les fiches de personnages sur-le-champ, mais je le conseille toujours.
Pour certains jeux, c’est facile, notamment les jeux Propulsés par l’Apocalypse dont je parlais à l’instant : ils prévoient la session zéro et de création de personnage DANS les règles, en tant que passage obligé, et ils conseillent de jouer un mini-scénario de prise en main immédiatement. C’est parfois (rarement) possible à FATE ou D&D, surtout avec un groupe nombreux.
Pour Pathfinder, créer des personnages et jouer dans la même journée relève de la gageure… surtout que si le MJ et les joueurs viennent de se mettre d’accord sur pas mal de choses, le MJ n’a rien eu le temps de préparer (ou alors quelque chose de très générique et facile, avec un combat et peu d’intrigue), on a donc le temps de remplir les fiches avant la « session 1 ».
Il me faut cependant mentionner ceci : que chaque joueur crée son personnage ensemble doit impliquer la justice entre eux : pas de favoritisme, et que chacun suive les mêmes règles. Répartition du même nombre de points, ou au moins tirage des mêmes dés devant le MJ, si votre jeu l’exige.
Je désapprouve l’usage de dés pour la création de personnage (je l’ai mentionné dans l’article « j’aime, j’aime pas ») car on joue mieux un rôle qu’on a entièrement choisi. Mais c’est une pratique courante et qui plait à beaucoup. C’est l’illustration parfaite de quelque chose qui doit se décider en groupe.
Je joue dans une campagne de D&D dans laquelle plusieurs joueurs ont choisi de tirer aux dés leurs caractéristiques. J’ai choisi sciemment de répartir des scores standard, ayant fait part de mes objections. D’autres ont obtenu de meilleurs scores, cela s’en ressent à la table, je trouve cela injuste. C’est une raison qui eut pu être suffisante pour ne pas participer, je l’ai déjà fait.
Les règles maison
Cette histoire de tirage au dé fait justement partie des choses sur lesquelles on doit se mettre d’accord, joueurs et MJ… c’est toute une catégorie que l’on appelle les « règles maison ». Il ne s’agit pas forcément de règles écrites de la main du MJ, mais surtout de se mettre d’accord sur une interprétation commune et canonique des règles existantes… modifiées au besoin.
C’est quelque chose de très présent dans D&D et Pathfinder, mais aussi dans l’Appel de Cthulhu, et dans tous les jeux un peu anciens et/ou aux règles complexes. C’est même parfaitement indispensable dans un système comme FATE, qui impose presque que chaque univers ait ses sous-règles et sa liste de compétence « maison ».
Ce n’est que très rarement le cas pour les jeux simples et narrativistes ou aucune ambiguïté mathématique n’existe (il y a toujours un choix). En ce qui me concerne, j’ai décidé d’abandonner certaines règles sur la méthode scientifique et les Tâches complexes dans le jeu Star Trek Adventures, car le système des défis progressifs est plus simple et fonctionne très bien.
Le MJ n’a pas forcément besoin de demander leur avis aux joueurs sur certaines choses, surtout s’ils ne connaissent pas le système, mais il FAUT leur demander leur avis. Que dire à un joueur qui a basé les capacités en combat de son personnage de Pathfinder sur les attaques d’opportunités, et qui découvre à la seconde session que la table ne les utilise pas ?
Voici une petite liste de règles couramment abandonnées ou interprétées d’une manière ou d’une autre à D&D 5e édition et à Pathfinder… puisque ce sont des jeux couramment joués et qui en ont couramment besoin, elle vous sera sans doute utile.
- Est-ce que les combats emploieront des figurines ou non ? Seulement les combats majeurs ?
- Quid des fameuses « attaques d’opportunités » ?
- A quel niveau les PJs démarrent-ils l’aventure ?
- Quel est la méthode pour déterminer les caractéristiques à la création de personnage ? (N’hésitez pas à expliquer)
- La progression en niveau : souvent ou pas ? basée sur le système des points d’expérience, ou bien en fonction des arcs narratifs ? Est-ce qu’on tire les points de vie aux dés ou pas ? etc.
- Est-ce qu’on utilise la règle de l’Alignement ? Détermine-t-il les actions ? Le contraire ? Change-t-il ?
- Est-ce qu’il y a des races, classes, historiques ou autres qui sont interdits, qui n’existent pas, ou qu’un joueur ou le MJ ne veut pas voir à la table ? (Il y a des gens que les « furries » rendent mal à l’aise, et qui, de ce fait, refusent les Tabaxi, par exemple… sinon il y a des gens qui n’utilisent pas les règles d’historique modulable, divers bonus raciaux, ou qui se servent de versions non officielles de certaines classes/races)
- Quels sont les suppléments auxquels on a le droit pour faire ses persos ? (Que les suppléments du commerce, que les suppléments officiels, que les suppléments que possède le MJ, certains suppléments non officiels, des trucs maisons bricolés…)
- L’encombrement, les composantes matérielles pour les lanceurs de sorts, les échecs critiques, l’Inspiration, la confirmation des réussites critiques, le nombre de tentative de jets de compétences, les jets de compétences en commun/aidés, l’équipement et la fortune de départ… autant de règles que la plupart des gens ignorent ou modifient. Voyez ce que ça vous inspire !
- L’initiative… certains la tirent à chaque fois, d’autres font juste un tour de table.
- La mort… est-ce qu’on meurt dès qu’on « tombe » ? est-ce qu’on fait des « jets de la mort » ? est-ce que la résurrection existe, est disponible, et est connue ? courante ?
- Doit-on faire du méta-jeu ? Dans quelles circonstances ?
- Quand est-ce qu’on « retcon » ? Est-ce que si le MJ se trompe on peut revenir en arrière ? Est-ce qu’on peut rejouer un combat ? Est-ce que l’action compte quand-même même si un joueur a « dit ça pour blaguer » ?
- Quel est le contrôle narratif des joueurs ? peuvent-ils demander à faire des jets de dés ? DOIVENT-ils le faire, sachant que le MJ ne le leur demandera pas ?
- Est-ce que le MJ lance les dés, ou prend-il les valeurs moyennes des attaques et des points de vie des monstres, à la charge des joueurs de s’en défendre ?
Le ton, c’est bon
Mention spéciale doit être faite du ton de la campagne. Il est même généralement important de s’en occuper pendant ou avant la création des personnages, et c’est une discussion qui peut être liée au pitch du MJ.
Au sein d’un même jeu, avec un même système, dans un même univers, il existe souvent une myriade d’interprétations possibles en termes d’atmosphère, d’enjeux et de thèmes développés. La session zéro, ça sert aussi à décider si vous allez jouer une comédie, un drame psychologique, ou autre chose !
Par exemple, dans un jeu de superhéros, vous pouvez jouer dans un monde ou les héros sont en collants, les autorités compétentes, ou personne ne tue personne et ou le drapeau est replanté sur la maison blanche à la fin… ou dans un monde plus proche des films de Christopher Nolan et des comics du Punisher.
Il ne faut surtout pas commettre l’erreur de ne pas parler du ton avant de démarrer la campagne, sous peine de se retrouver avec des joueurs qui jouent leurs personnages (autrement plutôt compatibles en termes d’historique et/ou de capacités) l’un comme un vétéran traumatisé, l’autre comme un bisounours, le troisième comme un Légolas…
Si chacun tire dans une direction différente, tout le monde sera frustré, personne ne s’amusera. J’ai déjà dû faire rejouer des scènes et parler à des joueurs de rectifier le « ton » de leur jeu, qui ne collait pas à la campagne. J’ai rejoué un scénario entier dont la fin n’était pas satisfaisante car ne suivant pas les règles du genre. Tout est possible, mais… mieux vaut l’établir avant.
Les joueurs auront très probablement des exigences très différentes à ce sujet, autant que sur l’importance des combats ou la présence de telle ou telle race. S’il est facile de satisfaire leurs demandes en incluant des passages qui satisfont les attentes de chacun dans l’aventure, et que chacun a droit à ses scènes importantes, il est moins aisé de changer de ton en cours de route.
Je fais partie des gens qui n’aiment pas le « grimdark », mais pas du tout. Certains s’en accommodent, moi non. J’en connais d’autres qui soupirent et grognent dès qu’il y a une phase de commerce et négociation. Les gens comme ça participent uniquement à des aventures ou ils sont à peu près certains de ne rencontrer qu’extrêmement rarement ce genre de chose.
Il est donc très important de s’entendre là-dessus ensemble, avec tous les joueurs, et de juger des attentes de chacun… ne serait-ce que pour savoir si ce groupe de gens, de joueurs, va bien fonctionner ensemble. C’est ce qu’ils attendent du jeu, au fond. Il est bon de se poser des questions comme :
- Avec quel détachement doit-on considérer les choses ? Quelle sera la profondeur de votre roleplay ? (Intensément, vous ne réagirez que « in character » à la table ? En faisant des blagues hors-jeu tout le temps ? Entre « un vendredi sympa entre amis à casser de l’orque » et « accompagner son personnage dans sa réflexion sur le racisme », il peut y avoir une marge aussi vaste que le Grand Canyon)
- Quelles émotions voulez-vous éprouver, et avec quelle intensité ? (Êtes-vous prêt à pleurer, à vous investir émotionnellement comme dans une grande tragédie ? A vivre pleinement votre rôle, et à être emporté par ce que vit votre personnage ? De ce fait, préférez-vous que les expériences de ce personnage ne soient pas trop tristes ou pas trop intenses, ou ne soient pas de telle ou telle sorte, afin de ne pas vous-même trop éprouver cela ? Préférez-vous moins d’investissement émotionnel et plus d’autres composantes du jeu de rôles, comme le dépaysement, l’investissement intellectuel, les aventures palpitantes, les combats, ou autres ?)
- Quel est le ton général : comédie, tragédie ? Complètement absurde comme les Monty Python ? Une comédie mais avec des enjeux comme SOS Fantômes ? Sérieux avec quelques blagues comme un film d’action des années 90 ? Complètement sérieux dans son genre et ses clichés comme un Hitchcock ? A fond dans la tragédie comme avec Le Choix de Sophie ou La Liste de Schindler ? (Bien sûr, chaque jeu sérieux aura son lot de blagues, les joueurs étant ce qu’ils sont… et la comédie ne s’interdit pas le commentaire social sérieux ni les enjeux. J’ai mené dans un même univers des scénarios « blagues » basés sur un jeu de mot pourri, et des campagnes épiques et dures avec des éléments poignants, tout est possible !)
- L’aventure sera-t-elle linéaire ou non-linéaire ? entre les deux ?
Pour préciser la question : est-ce qu’il y a une trame générale et une quête principale, jusqu’à quel point faut-il la suivre et avec quelle liberté ? Ou, au contraire, les PJs se fixent-ils eux-mêmes leurs objectifs dans un monde ouvert ? Vous pouvez consulter mes articles concernant la structure du scénario et la préparation du MJ.
- Quelle sera la difficulté du jeu ? Sa létalité ? Est-ce que la mort c’est sérieux, est-ce que la résurrection est possible ? (Autrement dit, est-ce que votre jeu se rapproche davantage de Dark Souls ou de Skyrim en « mode casual » ?)
- Quels sont les « tropes » ou les clichés ou les types d’histoires que vous aimeriez jouer, et quels sont ceux qui vous insupportent ? Quels sont ceux que vous aimeriez voir inversés ?
- Est-ce que vous voulez que votre personnage soit pris au sérieux ? (Il y a une différence entre jouer un chevalier taciturne du genre « batman » dans un Batman de Tim Burton, ou dans le film Lego Batman ou son côté sombre est carrément ridiculisé… c’est une question importante pour le MJ et pour les autres joueurs, qui sont aussi responsables du fait que leur personnage prenne celui-ci au sérieux ou non)
- Est-ce que votre groupe dans son ensemble est un groupe de héros sérieux (« Le Seigneur des Anneaux ») ou un groupe plutôt rogue qui ne prend rien au sérieux, quoi qu’ils puissent accomplir des quêtes sérieuses (« Ant Man », « Les Gardiens de la Galaxie ») ? Etablissez si les joueurs ont le droit de faire des blagues et ne sont pas sérieux, ou si les PERSONNAGES ne sont pas sérieux et font des blagues, et où se situe la limite.
Joueurs, si vous avez accepté un certain « ton » sérieux, c’est à vous de vous limiter ensuite en ce qui concerne les blagounettes que vous faites à la table de jeu… vous pourrez toujours les garder pour plus tard ! Il y a simplement un temps pour tout. Essayez de ne pas parler « hors-jeu » : faites des blagues que votre personnage ferait selon la situation.
Gardez vos répliques cinglantes pour le moment ou elles feront avancer l’histoire, pas ou elles la feront s’arrêter. Elles n’en auront que plus d’impact et cela aura l’avantage de ne contrarier personne. Et au contraire, si c’est une partie « relax » ou c’est encouragé, lâchez-vous.
Maîtres de Jeu : laissez vos joueurs décrire leurs actions, y compris leurs échecs… si vous les décrivez, ou quoi que ce soit d’autre, n’oubliez pas que la description de l’échec d’un personnage peut être légère, ou ridicule, ou poignante, ou sombre, ou autre. L’échec aux dés n’est pas choisi, ne ridiculisez pas le personnage, ni le joueur, s’il joue sérieusement… et vice-versa.
Exemple : Un PJ poursuit quelqu’un sur les toits de la ville, et le joueur échoue à un jet de dé… le personnage tombe et prends 1d6 dégâts. C’est à vous, MJ, qu’il revient de dire s’il glisse sur une tuile avec un « zip » et s’étale dans une charrette de fumier en contrebas… Ou s’il s’accroche par les doigts à un appui de fenêtre qui cède brusquement, puis qu’il tombe en hurlant et se reçoit de justesse en faisant un roulé-boulé sur le pavé, en sueur et une côte fêlée… Ou s’il rate de peu, atterrit parfaitement agenouillé après un saut périlleux, mais s’est blessé la main sur le métal de la gouttière, ses cheveux toujours bien coiffés.
- Pouvez-vous citer des œuvres (films, séries, livres) qui ont le ton que vous aimeriez donner ? (Cela vaut mieux qu’un long discours. Dans une campagne de D&D, dites « Le Disque Monde », ou « Le Seigneur des Anneaux », ou « Conan le Barbare », ou « Dark Souls », ou « Game of Thrones », et on chacun saura immédiatement de quel ton vous voulez parler)
- Est-ce qu’il y a des sujets interdits ? (cette question rejoint celles des « outils de sécurité émotionnelle » plus bas)
Je n’encourage pas le MJ à décider de tout cela de façon autocratique, cela ne lui apporterait que la tâche ardue, stupide, ingrate et désagréable de houspiller ses propres amis (les joueurs) s’ils dévient du « ton » choisi… Décidez de cela ensemble, chacun sera mieux à même de s’y tenir volontairement.
Soyez indulgent, reprenez peut-être une action, faites une pause, ramenez doucement vers le sujet une table qui s’en éloigne.
Enfin, ne vous interdisez pas de dire que c’est « trop » pour vous… que vous n’avez pas le cœur à la rigolade ce soir, que ce serait trop de tragédie pour vous, ou que vous êtes trop préoccupé pour bien incarner votre perso « à fond ». Vous n’êtes pas un acteur, ce n’est pas votre métier (enfin, si vous êtes en effet un acteur dans la vie, ce jeu reste un loisir !).
Le groupe ou le MJ pourront tout à fait modifier le ton du jeu pour une session, surtout si vous prévenez à l’avance que vous aimeriez un petit changement temporaire… faire quelque chose de moins sérieux, ou inopinément avec davantage de profondeur. Cela peut plaire, même aux gens qui n’aiment pas, avec la garantie que ce n’est pas un changement profond !
Ce n’est pas forcément la tragédie qui tue le « fun », c’est l’obligation et la prise de tête. Ce n’est pas pareil du tout. Jetez un œil plus bas aux « outils de sécurité émotionnelle », ça peut vous intéresser.
Planification et emploi du temps : une question essentielle
Autant que possible, une fois que tout le monde est d’accord pour jouer, il faut définir qui va jouer, qui sera le MJ, quand le groupe se retrouvera-t-il, et d’autres « petites » questions qui sont en fait très grandes. Si certaines de ces questions peuvent être résolues juste avant chaque partie, d’autres NON. Et il convient de les aborder toutes.
- Qui sont les joueurs et le MJ ? (Celle-là, elle est facile !)
- Chez qui vous retrouvez-vous habituellement ? (Prévoyez un plan de secours, et confirmez !)
- A quelle heure ? (A partir de quand on commence à jouer sans les absents ? Est-ce que ça chevauche un repas ? Profitez des après-midis les week-ends, par exemple…)
- A partir de combien d’absents on reporte la session ? (Si vous faites une campagne épique ou tout le monde est important, c’est zéro absent, ou le moins possible… Mais si vous faites une suite d’aventures épisodiques ou il peut y avoir des roulements, du moment qu’il y a deux joueurs et un MJ, ça peut marcher ! Exemple : une guilde d’aventuriers qui envoie en mission les membres disponibles)
- Qui joue le personnage du joueur absent ? (Le MJ ? Un autre joueur ? Personne ? Il est en retrait ? On trouve un prétexte pour qu’il ne soit pas là ? Autre chose ?)
- Qui s’occupe des repas/qui apporte le salé/le sucré ? (Une question plus importante qu’on croit : quand tout le monde apporte des bonbons, ou qu’on perd une heure avec la question « chez quel resto on commande »)
- Quelle serait la durée des séances ? (Essayez de les faire durer si elles sont très espacées, mais tenez compte des derniers métros et des obligations de chacun)
- Pendant combien de sessions de jeu (ou de mois, ou d’années) cela va durer, au minimum ? au maximum ? A combien de séances vous pouvez vous engager avant que vous en ayez marre ou que la vie vous fasse déménager/changer de job/avoir un enfant et ainsi de suite ? (Prenez en compte le fait que si vous avez déjà un emploi du temps compliqué, vous jouerez moins souvent, il faudra donc davantage de sessions pour rattraper le temps perdu en récapitulatifs ou autres « scénarios de remplissage » pour les absents, et les jouer prendra bien davantage que les quelques mois prévus.)
Le problème majeur du jeu de rôles est l’emploi du temps des uns et des autres, il convient donc de faire au moins l’effort de régler la question… jouer en ligne (par forum, par e-mail, par outil de Virtual Table Top, par messagerie Internet de type Discord ou autre) peut aider, voire même être la seule solution.
La plupart des groupes trouvent que tant que « la machine tourne », ça va… dès qu’il y a une pause ou des irrégularités, que cela fait « trop longtemps », il est de plus en plus difficile de réunir les gens. Il n’y a hélas pas de solution idéale, et la « vraie vie » passe toujours en priorité (et c’est tant mieux !), même si on peut donner deux ou trois conseils de bon sens.
D’abord, soyez réaliste : seuls les étudiants ont assez de temps libre pour mener plusieurs campagnes de front à un rythme d’une séance par semaine. Deux séances de JdR par mois, c’est déjà bien. Ensuite, l’emploi du temps des gens se charge pour les vacances, les fêtes, les périodes de « crunch », d’examens… Néanmoins, la régularité est une clé, et doit rester l’objectif.
Comme la plupart des gens d’un même groupe de JdR habitent dans la même ville et sont amis dans la vie, fixez tous ensemble un jour (vendredi soir, samedi midi, un jeudi sur deux à 21h, ce qui vous semble réaliste pour vous tous) auquel les gens se conformeront… cela évitera les conversations sans fin au sujet de qui peut, quand te à quelle heure, avant chaque séance.
Il y a toujours des cas particuliers : Dans les groupes d’adultes (j’ai 41 ans au moment ou j’écris ces lignes, et je ne suis pas le doyen de mes groupes de jeu), certains habitent dans une autre ville, aussi la régularité passe un peu à la trappe. Je joue une à deux fois par mois, mais à des campagnes différentes chaque fois, en tant que MJ ou joueur.
Lorsque j’étais au lycée, je n’avais guère d’amis autour de moi qui connaissaient ce loisir, et je ne jouais que pendant les vacances d’été et de printemps… mais de manière intensive, quasiment tous les soirs ! D’autres, au lycée ou à l’université, jouaient aussi souvent que possible, une à deux fois par semaine.
Et, à l’heure actuelle, je joue un jeudi sur deux dans une campagne avec des joueurs et un MJ vivant en Irlande et au Royaume Uni, entièrement en ligne. Sans retard, avec peu d’absents. Le plus important est que tout le monde se mette d’accord au début, que personne ne soit « pas sûr », et que chacun fasse son possible pour s’y tenir.
Enfin, tenez aussi compte des terribles accidents de la vie joyeux événements comme les déménagements vers des cieux plus cléments, les mariages, l’arrivée des enfants… mais aussi les divorces, les deuils, les maladies, les relations qui se forment et se brisent au sein d’un même groupe d’amis (et de JdR).
Ce qui passe avant tout, c’est votre relation avec vos amis, pas le jeu… Mais si quelqu’un décommande sans cesse à la dernière minute, peut-être a-t-il en effet un problème, soit avec le jeu, soit avec ce groupe d’amis, soit un problème personnel. Dans ce cas, avant de prendre une quelconque décision, il convient d’en parler !
Tous ces conseils sont d’autant plus importants lorsque vous jouez avec des gens que vous connaissez moins, voire pas du tout, en club ou avec des gens trouvés sur Internet (annonces et divers « lieux » de rencontres virtuels) … et tous ces conseils valent aussi pour les parties jouées en ligne grâce à des outils VTT (Virtual Tabletop) comme Roll20.
L’expérience est certes différente, on aime ou pas, cela a des avantages comme des inconvénients, mais c’est toujours un moyen de se réunir !
Règles de vie commune et questions subsidiaires
Comme pour l’emploi du temps, je ne devrais pas avoir à vous apprendre comment gérer ça… Ce sont les bases de la vie sociale. Et pourtant, force m’a été de constater au cours de ma longue expérience que ces bases ne sont pas acquises de la même manière par tout le monde.
Ce sont des questions très mineures, subsidiaires… et pourtant qu’il faut mentionner. Parce que vous allez peut-être jouer avec des gens que vous connaissez peu, ou pas. Et parce que, même avec des amis, il faut poser des limites. Le MJ a le droit de se faire respecter sans avoir à faire la police, et celui qui reçoit a le droit de garder sa maison propre.
- Est-ce qu’on mange pendant qu’on joue ? (Risque : taches de gras sur les livres et les feuilles de perso, auréoles de soda sur les tables en bois… connaissez vos joueurs, changez les règles si ce sont des sales porcs !)
- Est-ce qu’on boit de l’alcool à la table de jeu ? Quelle est la limite ? (Il y a des gens qui, un peu alcoolisés, jouent mieux… ou carrément moins bien. Il y en a aussi qui ne font pas dans le « peu alcoolisé »).
- Est-ce qu’on fume/vapote à la table de jeu ? (Chez-moi, les gens descendent dans le jardin ou vont à la fenêtre spontanément, et ça ne pose aucun problème)
- Est-ce qu’on se drogue, et avec quoi ?
Personne sur ce blog ne saurait approuver l’usage de substances illicites, mais elles sont si répandues qu’il faut bien en parler. Respectez les autres, respectez leurs poumons si vous fumez quoi que ce soit… Et ne vous mettez pas à l’envers, je vous garantis que vous ne jouerez pas mieux et que tout le monde sera mal à l’aise. Autant un joint peut ne pas porter à conséquence sauf dénonciation par un voisin indélicat, autant j’ai personnellement testé d’être MJ face à un joueur avec deux rails de coke dans le nez… il a ruiné le scénario à lui seul, tout le monde était mal à l’aise pour lui, et on a fini par ne plus l’inviter aux parties. Gardez autant que faire se peut l’esprit clair, c’est le meilleur conseil à donner pour jouer un rôle !
- Est-ce que les smartphones sont acceptés ? (Risque : le joueur qui joue sur son portable ou parle au téléphone au lieu de faire attention. Bénéfice : tout le monde peut avoir les règles en ligne ou en PDF, et c’est facile de vérifier n’importe quelle info, lancer des dés, calculer…)
Attention, certaines personnes sur le spectre de l’autisme ou ADD ont besoin de l’hyperstimulation d’un portable ou de jouer avec leurs mains, dessiner, manipuler des dés et des figurines ou autres pour pouvoir faire attention à ce que vous dites. La clé ici, comme toujours, est de bien connaître vos joueurs !
- Quel est le niveau d’investissement/de détachement accepté à la table ? (Exemple : les conversations personnelles, les conversations pendant que les autres parlent, les blagues pendant les moments sérieux, les pauses individuelles, toutes ces choses qui peuvent être irrespectueuse ou pas SELON l’ambiance et le ton de la tablée… c’est aussi une question de ton, comme on l’a vu)
J’ai connu un joueur qui faisait des parties de jeux de cartes à collectionner quand ce n’était pas son tour de jouer, et même dans les passages qui ne l’intéressaient pas. Manque total de respect. Ne vous étonnez de rien, mais sachez gérer ou exclure ces comportements ! Ils peuvent être destructeurs pour l’ambiance et vampiriser l’énergie et l’engagement d’une table entière.
Enfin, rangeons ici toutes les petites règles particulières, comme « Ici, on joue à la table haute, pas à la table basse », « On lance les dés sur le tapis à dés » (les dés en métal rayent la table), « On lance les dés là où tout le monde peut les voir » (ça évite les tricheurs), « On ne tripote pas les figurines » (Une figurine cassée par trimestre, environ, chez moi).
« Qui débarrasse la table ? », « On enlève ses chaussures », « Celui qui veut vérifier un point de règle a la charge d’aller le chercher dans le manuel, et ça ne doit pas prendre plus d’une minute, sinon le MJ a raison », « A quel moment on peut faire un retcon ? », « Quels jets sont cachés, quels jets sont publics ? », « Quel est le signal que quelque chose est dit hors-jeu ? »
Toutes les petites choses qui ne font pas vraiment partie du jeu mais qui sont source de frustrations. Ne répondez à ces questions que si vous avez le sentiment que le cas va se présenter, bien entendu.
Quelles sont les conséquences liées au fait de briser ce genre de règles ? Je vous engage à y réfléchir, mais surtout à énoncer les règles avant, dans la session zéro… c’est plus facile que de dire à quelqu’un qu’il est un gros porc sans aucun savoir vivre alors que, souvent, il n’en a pas conscience.
Encore une fois, ne vous étonnez de rien : J’ai expulsé des gens qui mentaient sur le résultat de leurs dés. J’ai quitté des tables parce que je ne voulais plus jouer chez l’une des personnes (propreté douteuse, présence de conjoint gênant, enfants, etc.), et j’ai failli expulser de ma tablée un joueur qui sentait le bouc, venu après avoir passé deux nuits blanches de débauche.
On a joué la fenêtre ouverte, on lui a parlé gentiment, il s’est bien tenu par la suite. Je pense que quelqu’un qui ne fait pas sa part ou qui manque de respect aux gens (hygiène, politesse, etc.) de manière régulière, c’est néfaste, et ça casse une table : mieux vaut en parler entre adultes, voir ce qui change… et virer ceux qui ne sont pas capables de bien se tenir en société.
Les outils de sécurité émotionnelle
Il y a des tables qui ne s’interdisent rien… ou qui disent ne rien s’interdire, et qui, quand elles tombent sur un sujet parfaitement immonde qui met des gens mal à l’aise, le regrettent. C’est en fait la majorité des tables, n’en déplaisent à ceux qui hurlent qu’on les censure.
En fait il s’agit juste de se poser des petites limites… Où est la vôtre ? Est-ce que vous aimez fouiller les cadavres ? Est-ce que vous aimez torturer des gobelins, juste parce que ce sont des gobelins ? Est-ce que ça vous dérange que le joueur à votre gauche fasse que son personnage viole votre PJ ? Est-ce que vous aimez quand ça finit mal pour vous ?
On en a tous, des limites. On a aussi des choses qu’on peut faire, mais qu’on n’a pas envie de faire pour s’amuser entre amis. Même si vous n’en avez aucune, ou pas beaucoup, et que par extraordinaire votre groupe n’en a pas non plus, il reste tout-de-même important de le préciser en session zéro. Posez la question, on ne sait jamais !
Moi je parie que chacun est différent.
Derrière le titre ronflant des « outils de sécurité émotionnelle » (on dirait le nom scientifique d’un doudou, c’est parfaitement débile, mais bon) se cache simplement le fait de se mettre d’accord pour dire explicitement les sujets qu’on n’aime pas voir abordés parce qu’ils nous mettent mal à l’aise, et se mettre d’accord pour DIRE quand on est mal à l’aise pendant le jeu.
Rien que de très raisonnable ! Pour cela il faut se sentir en sécurité, et savoir qu’on ne va pas se moquer de vous quand vous le direz, quoi que vous disiez. Il y a des méthodes formelles et précises que l’on peut suivre pour mettre en confiance et baliser le terrain, et on peut aussi le faire de manière informelle, entre amis.
Il est cependant souhaitable de prendre connaissance du cadre formel que des gens très bien ont élaboré pour ce genre de chose, afin d’adapter (ou pas) et d’adopter (ou non) ce que vous souhaitez et ce qui convient pour votre campagne, et que cela plaise à tous les joueurs. Quant à moi, je pense que ces outils sont indispensables et je ne joue plus sans eux.
Pour faire simple, il y en a qui sont traumatisés et qui ne veulent pas entendre parler de (je ne sais pas, je dis ce qui me passe par la tête) drogue, parce que leur mère est morte d’une overdose, ou d’hôpitaux à cause d’une mauvaise expérience… ou bien ils n’ont pas envie, pour un vendredi soir entre potes, de parler de torture pour obtenir des informations.
Peut-être qu’après des années à jouer des aventuriers qui écrasent tout sur leur passage, il y en a qui ont envie de choses plus calmes.
Peut-être que cela ne les gêne pas d’entendre parler de racisme, mais peut-être aussi que dans un jeu, ils n’ont pas envie d’entendre parler de crimes de haines, parce que ça les ramène à une réalité quotidienne dont ils aimeraient justement s’échapper par le jeu de rôles. Est-ce un mal ?
Si vous osez traiter ce genre de personne de « fragile » simplement parce qu’ils ont fait un choix sur le jeu auquel ils ont envie de jouer, ou pire, parce que ce sont des victimes de crimes, cela en dit plus long sur vous que sur eux, et jamais, ô grand jamais, je ne jouerais (ou ne dînerais) à votre table.
Bien sûr que cela « limite » le monde du jeu et les sujets dont on peut parler. Bien sûr que l’on peut traiter de ces problèmes avec le respect et la profondeur qu’ils méritent, voire de façon cathartique pour ces gens. Mais… pas sans leur donner le choix, et pas sans s’être assuré que des gens perturbés du bulbe ne se délectent pas de ces sujets, ou pire, de leur réaction !
Et, au fait, pourquoi est-ce que ce sont toujours aux minorités qui ne veulent plus jouer aux jeux ou elles sont maltraitées qu’on dit qu’elles sont « trop fragiles », alors qu’elles font acte de force, et que ceux qui s’en plaignent geignent comme des gamins qu’on « tue le jeu de rôles » ? Je l’ai entendu mille fois à tous propos.
Le jeu de rôles se porte mieux que jamais, a plus de joueurs que jamais, et c’est grâce à ces outils que ces joueurs ont été mieux accueillis. Si le prix pour cette « liberté d’expression » est l’aliénation des joueurs, le fait qu’ils se sentent insultés et rejetés d’un loisir qui leur appartient aussi, c’est un prix trop élevé.
Le prix de garder ces outils de sécurité émotionnelle, c’est exactement zéro : même les anciens les utilisent sans le savoir.
Cela fait des décennies que les vieux grognards font des choix sur ce dont ils ne veulent pas dans leurs parties, et dans les univers de Fantasy de tous les médias, comme « pas d’orques gentils » ou « pas de filles moches » ou « pas de noirs au moyen-âge de style européen ». Opinions ignobles, certes, mais… ta table, ton choix.
A chacun de décider, à sa table, ce qu’ils veulent retirer ou garder dans leurs parties, c’est tout. C’est un jeu, alors pourquoi forcer les gens à faire face à des problèmes auxquels ils ne veulent pas faire face ? C’est comme si on forçait quelqu’un à voir un film en lui scotchant les yeux, ou à ne pas sortir de la salle de cinéma si ça le perturbe !
Comment cela fonctionne ? C’est très simple.
Lors de la session zéro, mettez-vous d’accord sur les sujets dont vous ne parlerez pas. Ce sont ce qu’on appelle des lignes… des lignes à ne pas dépasser. Cela n’existe pas dans cet univers, ou cela n’est pas abordé, on ne sait pas et on n’a pas à le savoir, et on n’a pas à connaître l’explication (même si on peut le justifier si on veut).
Peut-être que l’homophobie n’existe pas dans cet univers parce que les « religions du livre » n’existent pas et que la culture se rapproche donc des sociétés d’avant celles-ci, ou extérieures à l’Europe coloniale, qui ne sont pas spécialement homophobes… c’est juste un exemple… Vous pouvez aussi faire un univers sans chevaux et sans ruralité, comme Ravnica !
Pourquoi cet univers, ou il manque quelque chose que d’aucune jugent essentiel dans leur vie de tous les jours (la campagne), n’est-il pas accusé de « wokisme » ou autre ? Cela ne lasse pas de m’amuser. Mais sans doute l’est-il, accusé. Après-tout, qu’est-ce qui ne l’est pas, par un groupe conservateur, de nos jours ? Quelle fragilité de leur part.
Quoi qu’il en soit…
Vous pouvez aussi décider que certains sujets, certaines choses, certains phénomènes existent dans votre univers de jeu, peuvent se produire, mais pas à la caméra parce qu’ils sont jugés trop choquants. Lorsque cela se produit, on jette un voile pudique sur la scène… cela s’appelle d’ailleurs un voile.
Le théâtre classique le fait très bien, et on ne saurait taxer Pierre Corneille de ne pas parler de tout ce qui fait l’humain, de ne pas aborder tous les sujets qui lui plaisent, de la guerre à la violence en passant par le sexe, la religion, le désir, l’interdit, le racisme (entre Horaces et Curiaces, entre Sarrasins et Chrétiens…) et ce sans JAMAIS montrer du sang sur la scène.
Il est aussi possible que vos joueurs ne sachent pas à l’avance ce qui va les perturber (comme la plupart des gens, en fait), ou que cela change en fonction de ce qui leur arrive dans la vie. On peut se découvrir une phobie ou un dégoût pour quelque chose la première fois qu’on y est confronté, rarement avant !
Pour ce cas de figure, il suffit, lorsque quelque chose vous gêne en cours de jeu, de… le dire.
Mais pour le dire correctement, pour être certain qu’on ait la permission de le dire, pour qu’on ne soit pas intimidé par la pression des pairs que ça amuse, pour qu’on n’ait pas l’impression de gâcher le plaisir des autres, pour qu’on puisse penser à soi. Et comment ? Simple. Il faut faire deux choses.
Premièrement, rappeler qu’on PEUT le faire. A chaque session de jeu si possible, mais au moins au début de la campagne et régulièrement par la suite, surtout lorsqu’on aborde un passage ou un scénario un peu « problématique ». Il existe pour cela un speech tout fait, il vous suffit de chercher « jouer la carte X de la sécurité » ou « X-card » sur Google.
Vous saurez tout sur cette ressource formidable et simple qu’on nomme la « Carte X », formalisée par John Stavropoulos.
C’est la deuxième chose, justement : il vous faut une fiche bristol, une carte, ou n’importe quel signal que tout le monde à la table peut faire (mettre les bras en X devant soi, crier « carte X ! », ou autre « safe-word »). Quand quelque chose vous met mal à l’aise, vous touchez la carte, ou la montrez (vous utilisez le signal).
Et à ce moment-là, comme tout le monde s’y est engagé avant le jeu en session zéro, ainsi qu’au début du jeu, on met le jeu en pause. On retire du jeu ce qui ne convient pas. On l’élimine. C’est comme si cela ne s’est jamais produit. Cela n’existe pas. Quoi que ce soit, et sans poser aucune question : on n’a pas à vous demander de vous justifier. Et on reprend.
Sinon, il y a aussi la carte « Pause », qui sert à faire une pause pour reprendre son souffle pour mieux faire face, et éventuellement discuter de tout ça avec le MJ (ou pas), parler de ce qui vous rend mal à l’aise, réconforter votre ami mal à l’aise s’il en a besoin, et trouver un moyen pour que le jeu continue.
C’est tout.
C’est beaucoup, et c’est peu à la fois. Ce n’est pas trop. Certains n’aiment pas ce mécanisme et le trouvent imparfait, parce que le mal est fait : la chose a été mentionnée, elle existe. Une alternative pratiquée régulièrement, notamment auprès des gens victimes de PTSD, consiste à leur donner le contrôle total du scénario, temporairement.
Autrement dit… vous touchez la carte X, et vous résolvez l’événement qui vous traumatise de manière à ce que cela ne vous traumatise plus, puis vous rendez les rênes du scénario au MJ. Cela vous permet de faire redescendre la tension. Il est aussi possible de faire une pause, ou d’arrêter le jeu jusqu’à la prochaine session. Et tout se passe très bien, vraiment !
Vous trouvez ça gênant ? Mais… depuis quand vous faites passer votre simple inconfort avant le traumatisme d’autrui ?!
Je n’ai jamais vu quelqu’un abuser de la carte X pour tricher ou dans le cadre d’une mentalité « joueur contre MJ ». Et j’ai vu des tas de sujets de « tabous », les plus divers et surprenants. Il ne s’agit pas de censurer ou d’empêcher de jouer… juste de montrer ce qui vous fait cesser de vous amuser, puis de le modifier légèrement pour que tout le monde s’amuse.
Ce n’est pas un problème… La peur des araignées, par exemple, c’est très courant. Si vous avez prévu une rencontre avec des araignées géantes (vous ignoriez qu’un de vos joueurs était arachnophobe), vous pouvez toujours utiliser les mêmes caractéristiques et remplacer les araignées par n’importe quoi d’autre. Des limaces qui engluent leurs proies, tiens.
Si vous avez prévu que les méchants principaux et toute l’esthétique de votre campagne soit des hommes-serpents, des serpents et autres reptiles, c’est plus dur… mais c’est pour cela que je vous engage à en parler en session zéro, avant la campagne ! Le joueur aura mentionné son ophiophobie, et vous vous serez adapté (ou il n’aura pas joué la campagne).
Enfin, sachez que ces outils sont aussi pour le MJ : si un joueur fait quelque chose qui me choque, je peux AUSSI utiliser la carte X. Je ne suis pas obligé non plus de faire, en tant que MJ, un scénario sur un sujet qui me rend mal à l’aise sous prétexte que mes joueurs me l’ont demandé.
Le MJ est un joueur (et un humain) comme les autres.
En guise de conclusion : tout n’est pas perdu !
Vous n’avez rien fait de tout cela ? Vous n’avez pas envie de vous casser la tête avec ça ? Rassurez-vous, des campagnes fonctionnent très bien sans. On s’amuse aussi, différemment, quand un MJ dit « voilà, on va faire du donj’, c’est un donjon, vous allez tuer des monstres et piquer le trésor », et chacun apporte un perso sans aucun historique, et c’est parti.
On s’amuse tout autant si on est tous intelligents et respectueux et que la session zéro a tenu à dix phrases échangées par messagerie, et que chacun a fait son personnage dans son coin, mais que tout le monde est arrangeant ou qu’on se connait bien, et qu’on résout les problèmes éventuels au fur et à mesure qu’ils se présentent.
Et la session zéro, contrairement à ce que son nom semble indiquer, vous pouvez la faire quand vous voulez. En plusieurs fois. Par téléphone. Par e-mail. Au milieu de la campagne quand vous soupçonnez qu’un des joueurs ne s’amuse pas, ou que vous avez le sentiment qu’on s’égare et qu’il faut rectifier le tir (ou abandonner la première idée).
L’important, c’est toujours de s’entendre ensemble. Tous les joueurs, y compris le MJ, ont en effet des attentes différentes, et prennent leur pied de manière différente en jeu de rôles… chacun en retire ce qu’il vient chercher et bien plus encore ! Mais cela reste et restera un loisir collaboratif. Sans collaboration, rien de tout cela ne fonctionne !
Il faut donner à cette collaboration l’opportunité de naître : il faut que chacun communique sur ses attentes, ses besoins, ce qu’il aime faire, ses idées… Une idée non exprimée n’a aucune chance de réjouir vos amis. Un besoin non exprimé n’a aucune chance d’être satisfait. Vous n’aurez pas l’occasion de faire ce que vous aimez si personne ne sait ce que c’est.
Tout cela, vous ne pourrez pas le communiquer instantanément à la table… pourquoi donc ne pas créer l’occasion de vous exprimer, et surtout d’écouter les autres ? MJ, vos joueurs vous étonneront, vous donneront des idées, et rendront les vôtres meilleures. Joueurs, vous travaillerez mieux ensemble, et éviterez les conflits involontaires entre vous, et entre personnages.
Vous n’êtes pas, a priori, un groupe d’acteurs professionnels ayant vocation à faire une websérie de vos aventures… vous n’avez pas besoin d’un contrôle strict des scènes, des décors, de la durée maximale d’une « saison », ni même de « sensitivity consultants » pour vous dire ce qui sera bien ou mal reçu, ce qui risque d’être raciste, ce qu’il ne faut pas dire ou faire, etc.
Vous n’avez pas à vous maintenir dans un cadre rigide. Vous pouvez refaire une « session zéro bis », vous pouvez changer le ton ou les thèmes de la campagne, changer de personnage en cours de route, et tout le reste, si ça ne marche pas. Votre atmosphère ne sera pas constamment cohérente, et vous aurez des « ratés » … c’est normal !
Ne vous prenez pas la tête parce que vous n’avez pas tout bien fait, mais amusez-vous simplement ensemble : tout ce que vous préparez et prévoyez en session zéro, c’est uniquement pour mieux voir venir, mieux improviser, et mieux prendre les choses comme elles viennent. Ne boudez pas votre plaisir, surtout s’il suffit juste de se parler entre amis !
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