Où Mucius trouve que si le fait qu’un jeu soit “mauvais” est relatif, le fait qu’il soit “bon” l’est aussi. L’offre pléthorique des jeux de plateaux n’étant pas toujours à la hauteur des attentes, ni de ce que feraient croire à la fois les avis, les critiques et la réclame, il espère aider certains par cette liste (qui, en fait, est un article assez long).
Avant de commencer cet article proprement dit, je voulais vous dire le cheminement qui m’a amené à l’écrire. J’ai des idées très arrêtées sur les jeux, et sur ce que j’aime dans les jeux… C’est l’une des raisons pour lesquelles j’écris ici, sur Ludilogie. Au fil du temps, et en étudiant les jeux de rôles, de plateau et autres, leurs mécanismes, j’en suis arrivé à identifier exactement ce qui ne me plaisait pas dans certains jeux. Du moins le plus souvent.
Du coup, je m’étais dit que j’écrirais un article sur les jeux “nuls”, ou au moins ceux que je n’ai pas aimé, puisque je peux décrire exactement comment et pourquoi (et qu’il est toujours drôle d’écrire une critique négative). Cependant, ce que je n’aime pas n’est pas toujours ce qui rebute les autres… Parfois même, c’est l’inverse ! Certains excuseront des règles lourdes parce que le thème leur plait, d’autres adorent les mécanismes d’un jeu et font complètement abstraction de l’habillage…
Et quantités d’autres facteurs, comme le degré de chance, la longueur des parties, la variété et la profondeur tactique, la rejouabilité, etc. Pour certains, l’important ce n’est même pas le jeu, c’est de passer un bon moment entre amis…
Comment savoir ce qui plait à la majorité ? Bon, moi je m’en fiche, puisque je ne juge pas de mon propre plaisir en fonction de ce qui fait le consensus. Ainsi donc, il est impossible d’être complètement objectif quand on critique un jeu de plateau, comme quoi que ce soit d’autre. D’autant qu’on ne peut pas juger sans jouer, ni jouer à tout : même à l’ère d’Internet, de super jeux sont voués à l’oubli alors que ceux moins inspirés mais mieux habillés, mieux produits et bien markétés ont du succès.
C’est là, je pense, que réside le meilleur angle pour un article. Il ne sert à rien de parler des jeux qui sont objectivement mal fichus et n’ont aucun succès, comme il ne sert pas à grand chose de faire un catalogue de jeux que JE n’aime pas… Quel que soit le jeu, on trouvera toujours quelqu’un pour l’aimer et excuser ses défauts (ne serait-ce que parce qu’il n’a pas essayé mieux), et quelqu’un pour le détester parce qu’aucun n’est parfait pour tout le monde.
Je me suis donc concentré sur les jeux qui ont eu du succès, qui sont assez réputés, très joués, que les gens aiment et recommandent; et j’ai examiné ceux qui, à mon avis, étaient en dessous de leur réputation. En bref, les jeux surfaits.
Qu’est-ce qui fait qu’un jeu est surfait ? Ce n’est pas que tout le monde le déteste… C’est qu’il n’est pas à la hauteur des éloges que l’on en fait. Par exemple, il peut s’agir d’un jeu fantastique pendant quelques parties mais dont l’intérêt baisse rapidement, ou d’un jeu que l’on recommande comme un classique en oubliant des jeux plus récents, moins connus, mais dont les mécanismes plus fluides ont bénéficié d’un progrès par rapport à l’exemple des aînés.
Un jeu méconnu ne peut pas être surfait : il n’a pas une réputation assez importante pour décevoir (ni même, parfois, surprendre en bien). Un jeu que tout le monde juge nul n’est pas non plus surfait, puisque personne n’y joue.
Alors que je compilais une liste de jeux “surfaits”, je me suis aperçu que je devais y inclure des jeux que j’aime beaucoup, ou que mes amis aiment aussi, d’autant plus que mon avis ne fait pas l’unanimité… Trajan me dit même que lorsqu’il n’aime pas un jeu, il refuse de croire qu’il est mauvais, simplement que lui-même ne voit pas l’intérêt ou n’a pas compris pourquoi il est bon… Pourquoi d’autres le trouvent bon.
Un point de vue un peu trop plein de mansuétude pour toutes les bouses sur le marché… mais qui se vaut, d’autant que les TRES mauvais jeux sont extrêmement rares.
Voici donc une liste, nécessairement subjective, non pas de mauvais jeux de plateau, mais de jeux qui déçoivent… Qui ne sont pas ce qu’on attend. Ce qui est parfois un atout, selon ce que vous recherchez. Je vous les donne non pas forcément pour que vous les évitiez, mais pour que vous sachiez mieux à quoi vous en tenir, quitte même à les essayer et à les aimer. Mais aimez-les et essayez-les pour ce qu’ils sont, pas pour leur réputation, leurs ventes, ou les prix qu’ils ont reçus !
A tout seigneur, tout honneur… Commençons par le grand classique, les échecs :
Le jeu d’échecs, dont les règles n’ont pas varié depuis des siècles, peut se glorifier d’une histoire aussi riche que pittoresque… Que je ne rappellerai pas, parce qu’un “vrai joueur d’échecs” vous la racontera sans doute sans même que vous le demandiez. Surnommé le Jeu des Rois autant que le Roi des Jeux, précurseur de tous les jeux de guerre et de stratégie, d’aucuns estiment inexplicablement que bien savoir jouer aux échecs est une mesure de l’intelligence, voire de la supériorité du genre humain.
Longtemps, on a estimé qu’un ordinateur ne pouvait pas battre un Grand Maître aux échecs.
Eh bien devinez quoi ? C’est fait. Depuis longtemps. Même les plus grands. Les échecs ne sont qu’un jeu de combinaisons logiques (certes extrêmement nombreuses, mais techniquement pas infinies ni équiprobables). Quand vous avez envie de vous prendre la tête à calculer des coups, sans narration, avec des règles strictes et vieilles comme le monde, c’est bien. Sinon, non. Les échecs récompensent une certaine forme d’esprit analytique et stratégique, une mémoire des coups…
En clair, les échecs récompensent ceux qui pensent comme un ordinateur et qui en sont fiers. C’est tout à leur honneur, mais pour la plupart des gens, est-ce encore un jeu ?
Et puis leur apprentissage est long, et pas forcément facile. Je ne parle pas des manières sont les pièces se déplacent, mais de véritablement comment jouer et gagner… Et il est impossible pour un “casual gamer” d’espérer gagner sans prévoir : Le jeu, c’est juste le calcul, les maths… Ce qui est fort intéressant… Pour peu de gens, en fait. Les échecs sont à mon avis l’un des jeux responsables du fait que la plupart des gens pensent que les jeux de plateau, c’est chiant.
Avec, bien sûr… Les Jeux de Mamie ! Vous savez, ceux du dimanche après-midi chez les grands-parents…
J’ai regroupé dans cette rubrique les nombreux jeux de plateau classique “pour toute la famille”, en général fort simples. Le jeu de l’oie, les serpents et les échelles et les petits chevaux sont de ceux là : des jeux de hasard pur ou le dé est roi, et ou seuls les très petits enfants et les superstitieux pensent avoir une quelconque influence sur le jeu… Pas étonnant, la plupart ont été conçus comme des jeux moraux apprenant aux enfants à accepter le sort, le karma, la providence…
En réalité, les participants ne jouent pas, c’est le jeu qui se joue tout seul. Mentions spéciales pour les Mille Bornes, qui inclut une dimension tactique (même s’il s’agit en fait simplement d’un jeu de Bataille amélioré), et pour Destin, le Jeu de la Vie, qui est une sorte de jeu de l’oie “avancé” dans lequel il existe de faux choix. Un indice : le choix conservateur (études longues, mariage, enfants…) est toujours le plus avantageux.
Je me souviens que seule ma grand mère paternelle me faisait jouer aux Mille Bornes avec elle, un jeu qu’elle n’aimait pas vraiment (ni moi), mais qu’elle estimait être approprié pour les enfants… Comme le cochon qui rit, qui n’est qu’un jeu de dés où il faut obtenir des combinaisons de scores successifs (voir yahtzee, 421…). Il fallait en parler, mais je ne pense pas qu’ils méritaient plus que cela… Ces jeux se vendent cependant toujours très bien, car connus et diffusés partout !
Ensuite viennent certains Grands Classiques :
La Bonne Paye a fait beaucoup de mal au jeu de plateau, parce qu’elle fait croire à un Monopoly… alors que c’est un jeu de l’oie déguisé ou seul le hasard décide. Du coup, c’est vite ennuyeux. Largement vendue en magasin de jouets, et depuis longtemps, on peut excuser certains d’y avoir joué : à une époque, il n’y avait que ça. Je pense qu’il faut aussi inclure le Cluedo dans ces classiques, ne serait-ce que parce que c’est l’un des premiers vrais jeux avec un “habillage”.
Mais voyez-vous, malgré ses multiples versions et son succès énorme, le Cluedo est un jeu fermé : le nombre de possibilités est limité, et une fois que vous avez fait quelques parties vous les avez toutes faites. Il suffit de faire le choix optimal et sans risque, ce qui est facile… à moins que quelqu’un n’ait plus d’éléments que vous ou n’ait la chance de deviner juste lors d’une de ses propositions, c’est un jeu dans lequel, paradoxalement, il n’y a pas de mystère.
Aussi excitant qu’une partie de morpion, un autre jeu fermé qu’on ne présente plus…
Le Monopoly doit-il faire partie des jeux surfaits ? Je ne le pense pas. Ce n’est pas un jeu que j’apprécie particulièrement, mais quand on y joue avec les vraies règles (notamment sur les enchères) et de façon impitoyable, il peut se révéler d’une certaine profondeur tactique. Disons que, souvent, on y a trop joué, et qu’il y a d’autres jeux plus intéressants. En revanche, si je pouvais mettre ici un jeu de carte traditionnel, j’y mettrais le Poker…
Le seul jeu de rodomontades habillé de machisme, cigares, alcool et mafia, aux règles analphabètes, et qu’il est interdit de jouer à haut niveau lorsqu’on compte vraiment les cartes (l’inverse des échecs, en fait !). Les connaisseurs me diront que ce n’est pas le jeu qui est intéressant, ce sont les joueurs et les circonstances… Précisément, dans ce cas, c’est le jeu qui est surfait, et seul le paradigme culturel (fête, casino, gains d’argent ou sexe dans le cas du strip-poker) a le moindre intérêt.
Vu le degré de maturité des joueurs (cul, fric, strip-tease, cow-boys, jeu d’argent entre mecs qui pousse à refouler ses émotions, un trait qui N’EST PAS positif et qui fait beaucoup de mal à tout le monde, partout, tout le temps…) et le degré zéro de complexité des règles, pourquoi appelle-t-on ça un jeu d’adulte ? C’est un jeu pour enfants de dix ans attardés, pour ceux qui ne savent pas calculer les probabilités, et ceux qui ont 16 ans et font des pyjama party.
Pourquoi entourer un tel jeu d’une mystique aussi incroyable ? Les raisons historiques et culturelles ne manquent pas, mais lorsqu’on regarde le jeu en lui-même, son intérêt, ses mécanismes, il n’y en a aucune. Sans contexte, quand on a fait une partie, on les a toutes faites… On peut remplacer le jeu par n’importe quel autre jeu (si possible meilleur). J’ai connu des gens qui, par exemple, obtenaient le même frisson en jouant au Monopoly avec de vrais billets.
En tant que jeu, le poker est donc entièrement surfait… même si certains en apprécient l’image, ou gagnent de l’argent avec.
Il faut aussi inclure Risk dans les jeux surfaits. C’est le premier jeu de stratégie militaire accessible depuis les échecs et qui a bénéficié de variantes de plateaux qui renouvelaient un peu l’expérience. Pour ceux qui n’ont jamais joué, le plateau figure une carte du monde divisée en régions que l’on conquiert en plaçant des renforts, renforts que l’on obtient en fonction du nombre de régions que l’on possède… Il y a une ou deux subtilités, mais globalement, c’est ça.
Mais c’est tout de même un jeu très long, dans lequel il y a simplement des choix optimums… Les troupes qui défendent sont avantagées de par le système de dés qui résout les attaques. Le maximum de dés rend les combats peu réalistes. On apprend vite ce qui marche, ou pas. Et, une fois que c’est fait, on s’aperçoit que c’est simplement la chance aux dés dans la prise des quelques “verrous” stratégiques qui fait tout. Dés lors, on s’ennuie.
Voilà. Il fallait parler de ces jeux très anciens et très connus, passons à présent aux moins connus, les “nouveaux” jeux de plateau…
Les Colons de Catane, présenté comme le grand classique des jeux “à l’allemande”, est pourtant déjà vieux. Vraie révolution du jeu à lui seul, il est plus stratégique que les jeux de plateau “familiaux”, possède un plateau modulable et des mécanismes résolument neufs pour son époque… Beaucoup le recommandent pour démarrer, simplement parce que c’est avec lui qu’ils sont sortis des “Jeux de Mamie” (voir ci-dessus). Cependant, il commence lui aussi à faire son âge.
Sur un plateau qui change à chaque partie, les joueurs doivent récolter des ressources grâce à leurs colonies, pour pouvoir placer d’autres colonies et des villes qui récolteront plus de ressources… Les colonies doivent être reliées par des routes qu’il faut aussi payer en ressources, et chaque case a plus ou moins de chances de générer des ressources à chaque tour. Pour corser le jeu, un pion “voleur” permet de bloquer une case et de prendre des ressources à un adversaire. Simple, efficace.
Est-ce vraiment un bon jeu pour démarrer ? Oui et non. Si vous n’avez pas de chance aux dés et que vous vous faites bloquer trop de fois par le voleur et les autres joueurs (même sans volonté de nuire), vous n’aurez aucune chance de remonter la pente, quelle que soit votre tactique. Ceci peut décourager, frustrer, et même avec des extensions le problème reste le même. J’ai pourtant adoré ce jeu, et j’y joue encore parfois… mais avec des variantes non officielles qui mitigent la malchance !
Héritier d’une ère du “tout au dé”, on a fait mieux, depuis, que ce grand ancien : il ne mérite plus ses prix ni sa réputation.
Dans la même veine, il y a Puerto Rico. Il souffre de manière similaire d’être le premier et le plus connu du genre : C’est un jeu de développement et gestion emblématique du “eurogame” où l’on place des petits cubes… Celui-ci est complètement dépourvu de hasard. A l’instar des échecs (bien que complètement différent), la phase d’apprentissage est un peu longue. Il y a un foisonnement de choses à comprendre dés la première partie, l’abord est donc rébarbatif en dépit du thème.
Chaque joueur possède une colonie, identique au départ. Ils devront améliorer leur colonie en y construisant des bâtiments, produire des ressources en créant des plantations, vendre leur production, le tout en gérant leur population de colons afin de pouvoir faire fonctionner tout ça. A chaque tour, les joueurs choisissent un “rôle” (marchand, bâtisseur, intendant, armateur, etc.) qui permet de faire un type d’action spécifique (vendre, construire, produire, manufacturer, exporter, etc.).
Une fois le jeu relativement bien maîtrisé, on s’aperçoit qu’il n’existe qu’un seul choix optimal. On calcule, on pose, point. Certains se laissent encore emporter par le thème (très “parachuté” tout de même…), mais voilà, au bout d’un moment, on s’aperçoit qu’il faut simplement faire de la comptabilité et que le matheux est récompensé. C’est le jeu (compliqué et long) qui vous dicte votre prochain coup, il n’y a plus vraiment de stratégie à choisir, ni de pari à faire. Riche… mais décevant.
Rien que pour les aficionados de cette maison d’édition, mentionnons deux jeux de Games Workshop…
D’abord Space Hulk, qui a bénéficié de publicités à la télévision et d’une diffusion en magasin de jouet. Un jeu incroyablement novateur, le premier vrai jeu de plateau d’escarmouche avec scénarios. Difficile, déséquilibré volontairement, narratif, parfaitement intégré à l’univers de Warhammer 40k, il rappelle le film Aliens (1986, alors encore dans les mémoires à la sortie du jeu en 1989). Une nouvelle édition (limitée) est sortie en 2009, puis 2014.
L’un des joueurs y contrôle des marines de l’espace fascisants en “armure terminator” (sic) lents et bardés d’armes qui explorent un “space hulk”, une épave de l’espace (littéralement) infestée par les “genestealers”, aliens furtifs et rapides voleurs de patrimoine génétique contrôlés par l’autre joueur. Le plateau modulable change en fonction des missions, lesquelles sont détaillées dans un livret de scénario fourni.
Surfait. Pourquoi ? Parce qu’il s’adressait à un public de spécialistes, que ses mécanismes sont un peu lourds, et que sa rejouabilité une fois tous les scénarios terminés reste nulle… Et puis qu’on peut commencer à s’ennuyer un peu dés qu’on a compris qu’on ne faisait que répéter le même genre de mouvements quelle que soient les missions (aller d’un point A à un point B, récupérer X ou Y, détruire ou enflammer Z…) comme dans un jeu vidéo.
Games Workshop étant le roi du marketing, il y eut d’autres jeux de la même eau, mais aucun n’eut une telle aura, et aucun ne s’est vendu comme ça… La dernière édition de ce jeu culte a été épuisée en quelques jours.
Quant au second jeu, le classique Talisman, il s’agit d’un très grand plateau superbement illustré sur lequel vous faites évoluer votre personnage (qui gagne des niveaux, comme dans un jeu de rôles). C’est un grand “jeu de l’oie” Fantasy dans lequel on a inclus une dimension roleplay et des choix à faire : pas trop mal, parce que vous terrassez des monstres, montez de niveau et effectuez des quêtes, mais au final il ne s’agit que de faire suffisamment monter les capacités de votre personnage.
Alors seulement vous pouvez tenter de vous diriger vers le centre du plateau de jeu, où vous attend la dernière case et la couronne du pouvoir… On le voit, ce jeu est fort thématique et a du beau matériel (illustrations impeccables, figurines…). Cependant, il reste plus adapté aux très jeunes à cause de ses règles simplistes et de l’importance du hasard (assez prépondérant !)… et surtout, il est extrêmement long. Comptez quatre heures par partie, bien plus avec des extensions !
J’ai adoré… à dix ans. Même si c’est un peu une introduction au jeu de rôles pour enfants, un adulte s’en lasse en moins d’une partie ! Si vous n’êtes pas nostalgique, préférez donc un MMORPG pour le même genre de gameplay.
Autre jeu révolutionnaire, les Loups Garous de Thiercelieux. C’est la première fois qu’on faisait un petit jeu comme ça, pour les grands groupes de joueurs, compact, avec des règles simples, et un “maître de jeu” qui narre une sorte d’histoire, qui met dans l’ambiance, ce qui en faisait presque un jeu de rôles… Un jeu que tout le monde a trouvé génial (et qui se joue encore fréquemment, et que tout le monde aime bien), souvent imité mais jamais égalé… et aux défauts pourtant évidents !
Tout d’abord, on n’y joue pas à moins de 8 (et encore, c’est assez peu intéressant à moins de 10 ou 12). Préparez-vous donc à ne JAMAIS y jouer si vous n’avez qu’un studio et peu d’amis qui aiment ça, ou que vous ne pouvez pas en réunir plus de quatre ou cinq à la fois… comme la plupart des gens, quoi ! Les clubs de jeux qui peuvent, eux, possèdent le jeu : vous n’aurez pas besoin de l’acheter ! D’ailleurs, vous pouvez très bien utiliser un jeu de cartes classique, à défaut.
Ensuite, la variété du jeu ne se fait sentir que lorsqu’on joue avec des groupes différents : jouer régulièrement avec les mêmes personnes finit par lasser, chacun réagissant toujours un peu de la même façon. De plus, le pire défaut du jeu est qu’il élimine deux joueurs par tour, dés le premier tour, et que ces joueurs (de plus en plus nombreux) ne sont plus que spectateurs du jeu et n’ont plus le droit d’intervenir… Pas très intéressant pour qui est éliminé dans les premiers tours !
Enfin, si l’on devait donner un dernier défaut, ce serait bel et bien celui des jeux de rôles : il faut avoir un maître de jeu capable d’improviser, de poser une ambiance, d’assagir les débats et de retenir les rôles, sans quoi la partie devient vite confuse.
Les “loups-garous” sont-ils un jeu de plateau ? Pas vraiment, mais ils font bel et bien partie de cette mouvance des “nouveaux jeux”. A l’instar d’un Dominion (qu’on peut juger surfait parce que le thème est un peu trop plaqué sur les mécanismes… il en a déçu certains, même si ce n’est personnellement pas mon cas), il n’a pas de plateau, mais c’est le même genre de jeu, qui se joue avec le même genre de groupe d’amis geeks… bien qu’il soit tout à fait différent d’un “deckbuilding”.
Oui, parce que dans Dominion, l’ambiance est absente. Les joueurs, sous couvert de développer leur royaume, prennent des cartes pour construire leur paquet (leur “Deck”, en anglais) afin d’acquérir les cartes qui rapportent des points de victoire (généralement des domaines, duchés, provinces, et quelques autres). Les cartes disponibles changent à chaque partie. Celui qui totalise le plus de points de victoires dans son paquet lorsque le jeu s’arrête a gagné.
Vous noterez que, si les illustrations sont jolies, le jeu reste surtout une mécanique. Bien huilée, mais juste une mécanique.
J’ai été surpris de constater à quel point Il était une fois, un jeu narratif assez ancien dans lequel on raconte des histoires en posant des cartes et qui possède de nombreuses éditions et traductions en divers formats, était surfait. Personnellement, j’aime bien raconter des histoires, et j’ai rarement besoin de cartes pour ça… Je constate cependant que ce jeu, au final, s’il plait “un peu” à certains, plait “beaucoup” à très peu et “pas du tout” à pas mal de gens.
Pour expliquer un peu de quoi il s’agit, chaque joueur a une main de cartes symbolisant chacune des personnages, des lieux, des objets, des adjectifs, et ainsi de suite… On doit raconter une histoire avec ces cartes. Quand quelqu’un raconte, il y a des règles pour l’interrompre et reprendre le fil de l’histoire. Celui qui se débarrasse de toutes ses cartes a gagné et peut terminer son histoire comme il l’entend, jusqu’à poser une carte “dénouement” bien précise, unique à chaque joueur.
Il y a énormément de gens qui ne voient aucun lien entre les cartes, et, de ce fait, ne peuvent pas raconter d’histoires. Ils se trouvent désavantagés, frustrés par un jeu qui favorise les “créatifs” comme d’autres jeux favorisent les “matheux”.
De même, Dixit, un jeu simple et élégant qui a lui aussi de très jolies cartes illustrées qui “racontent des histoires”, favorise soi-disant la créativité… En fait, on s’aperçoit vite qu’il favorise les références culturelles communes. Il s’agit juste de faire deviner une carte illustrée grâce à une référence obscure, à certains mais pas à tous dans le groupe. Jouer avec les mêmes cartes et le même groupe de gens rend les parties répétitives… même si des extensions renouvellent un peu le jeu.
Le moyen le plus sûr de gagner est de mélanger les groupes, et de miser sur les références culturelles que seuls certains connaissent. Les plus jeunes, qui ont moins vécu, ou les moins littéraires/cinéphiles, se sentiront parfois frustrés. Globalement, Dixit ne déçoit pas et c’est un bon jeu, mais il finit par lasser certains par répétitivité, surtout au sein d’un même groupe. Ce jeu mérite ses prix, parce qu’il est novateur, original, intéressant, bien fait… Mais il a des défauts dont il faut être conscient.
En revanche, un jeu qui, à mon sens, ne mérite pas ses prix, c’est 7 Wonders. Comment a-t-il peu avoir un as d’or ? Mystère.
Sans vouloir faire du racisme anti-belge, le fait que son créateur ait inclus le Manneken-Pis parmi les merveilles du monde est une mauvaise plaisanterie… mais ce n’est pas ce que je reproche au jeu. Le titre, les illustrations, les âges différents, tout dans ce jeu évoque un jeu de développement de civilisation, un jeu long ou des choix tactiques variés seront proposés… Des décisions qu’il faut peser, des stratégies à choisir, qui se valent toutes, en tenant compte de nombreux facteurs.
Rien n’est plus faux ! Voici un jeu qui, même à 7 joueurs, dure en général moins d’une heure. Les joueurs seront amenés à prendre une série de microdécisions ultra-rapides (un choix de cartes selon la méthode du draft), presque frivoles, qui peuvent toutes être cruciales ou pas, mais que l’on NE PEUT PAS évaluer réellement. Toutes les stratégies (ni les merveilles) ne se valent pas, et ne feront pas autant de points. Vous n’êtes même pas assuré de pouvoir avoir une stratégie.
Tout dépend (trop) des autres joueurs, et de ce qui vous tombe entre les mains (vous n’avez qu’un choix très limité de cartes, et vous ne savez pas ce dont vous allez avoir besoin, ni si le moindre de vos choix va marcher). Les premiers jeux seront frustrants : vous avez l’impression que le jeu se joue de vous. Une fois que vous avez appris à compter les cartes, vous serez frustré parce que vous n’aurez jamais celle qui vous manque. La légèreté de ce jeu doit pourtant plaire à beaucoup…
A mon avis, il serait très facile d’en faire un meilleur jeu en changeant quelques règles, mais là n’est pas le propos.
Zombicide se trouve à peu près dans la même situation. Ayant fait les gorges chaudes grâce à son beau matériel et son impeccable campagne de crowdfunding replète de contenus exclusifs (financée au delà de toutes les espérances, et qui, contre toute attente, n’entame pas beaucoup les ventes en boutique), on croit tenir ici LE jeu de zombis… Narratif, avec des personnages et des missions variées, bien illustré, avec de belles figurines, en coopération, et doté de nombreuses extensions.
Personnellement, je trouve les mécanismes lourds, volontairement illogiques ou simplistes pour rendre le jeu plus difficile de manière artificielle (impossible de refermer une porte, impossible de ne pas tuer un ami à la place d’un zombi s’il est dans la même pièce…). Les multiples scénarios et missions du jeu semblent bien renouvelés par les extensions, mais est-ce que tout ça est vraiment original ? En fin de compte, on combat toujours les mêmes ennemis (zombis) de la même façon !
Le but du jeu est clairement le simple cassage de zombis par des survivants, et les références geeks. On fait évoluer ses personnages en tuant des zombis, ce qui amène plus de zombis encore… A la fin, pour certains joueurs, il semble parfaitement normal et accepté qu’un joueur se sacrifie pour les autres, sans même se demander s’il en a envie, encore moins si le personnage qu’il joue le ferait ! S’il y a angoisse, elle est niée par des joueurs qui deviennent vite optimisateurs… Beurk !
Pour simplement tuer des morts-vivants, on lui préférera d’autres jeux, comme Zombies, simple, efficace et plus fluide.
Dans le même genre “avec livret de scénarios”, je lui préfère de loin Betrayal at the House on the Hill, dont les scénarios et adversaires sont réellement variés et l’ambiance plus présente… Les joueurs y explorent une maison hantée (plateau en tuiles modulables), puis un événement déclenche un scénario au hasard, souvent avec un traître parmi les joueurs… Mais certains trouvent le jeu surfait, parce que, parfois, le hasard peut avantager ou désavantager énormément selon le scénario.
Il est vrai que, dans tous les cas, les jeux à scénarios ont une durée de vie limitée, et sont donc quasiment “surfaits par définition”. On pense aux Demeures de l’Epouvante (ou Horreur à Arkham), jeu coopératif au matériel réussi mais d’un intérêt limité, et qui ne retransmet pas l’ambiance lovecraftienne qu’il souhaite avoir. Il en va de même pour tous les jeux de plateau du genre, de la nuit du Grand Poulpe à Cthulhu Wars… qui vont de surfait à, là, objectivement mauvais.
Autre jeu encensé partout dans le monde geek et anglo-saxon, Cards Against Humanity est un cas à part.
Jeu simple aux cartes absolument pas illustrées, il a pour principe de poser une question ou phrase tendancieuse (écrite sur une carte), puis que chacun des joueurs pose une carte “réponse”. Les joueurs votent ensuite pour la meilleure réponse, selon eux. Le côté “fun” vient du fait que les phrases sont atroces et les réponses encore plus… racisme, viol, esclavage, actes sanglants, pédophilie, tabous, tout y passe dans ce jeu simpliste bourré d’humour noir.
J’y vois deux inconvénients majeurs (en plus du fait qu’il n’est pas traduit dans la langue de Molière). Le premier est qu’il faut être d’humeur, parce que, prises telles quelles, ces cartes ne sont PAS drôles. Elles font mentions d’actes parfois terrifiants, déprimants, voire abjects, qui peuvent tomber à plat selon le public. Il peut y avoir des différences d’opinions sur ces sujets controversés… vous risquez de découvrir certains amis sous un jour nouveau et peu flatteur.
Le second inconvénient est que les cartes ne se renouvellent pas. Mais ce n’est pas grave, car en fin de compte, on n’en a pas besoin : ce jeu est juste un concours de qui dira la chose la plus horrible. Une conversation suffit.
Quitte à continuer dans les jeux de cartes, parlons de Citadelles… Dans ce jeu, au demeurant joli et fluide, chaque joueur choisit un rôle parmi les huit disponibles selon le système du “draft” (celui qui joue en dernier est donc plus pénalisé, mais il existe un rôle qui permet de s’assurer que l’on choisira en premier au prochain tour), le but étant d’utiliser les pouvoirs de ces rôles afin de construire huit bâtiments dans sa ville, de préférence rapportant plus de points de victoires.
Beaucoup détestent ce jeu parce qu’ils ont l’impression (parfois justifiée, il faut le dire) de jouer de malchance et de ne pas pouvoir remonter la pente. En effet, dans ce jeu, l’un des rôles peut voler la fortune d’un des joueurs (le voleur), et un autre peut faire passer son tour à quelqu’un (l’assassin). Le seul moyen de garantir que l’on pourra jouer est souvent de prendre soi-même le rôle de l’assassin. Le jeu en devient répétitif, avec toujours les mêmes rôles “assassinés”…
Certaines stratégies, certains rôles, et du coup les joueurs qui veulent les adopter, finissent par ne presque plus jouer. Toutes les stratégies, selon votre groupe de joueurs et le méta-jeu qui se développe, ne se vaudront donc pas. D’où : Surfait.
Autre jeu de cartes, Race for the Galaxy. Foisonnant, compliqué, riche, difficile à appréhender durant les premières parties, il s’agira de piocher des cartes pour tenter d’en obtenir des bonnes (ou celles qui collent avec votre stratégie) afin de les poser devant vous, sur le “tableau” qui illustre le développement de votre civilisation galactique. Toutes les stratégies se valent… Mais il ne faut pas hésiter à en changer si on ne pioche pas les bonnes combinaisons de cartes !
Le côté mathématique (il faut faire des combinaisons) est tempéré par la fortune de la pioche, la même pour tous. Il existe des extensions un peu plus narratives, et même une qui introduit des combats entre joueurs, mais globalement, ce jeu a le gros défaut de n’être presque qu’un jeu de patience… Un jeu en solitaire avec très peu d’interactions entre les deux joueurs. Comme son nom l’indique, c’est une course : chacun est le nez dans son guidon, on ne se préoccupe que peu de ce que fait le voisin.
J’aurais encore pu parler de jeux répétitifs et hasardeux là où on attend un jeu narratif, comme Chevaliers de la Table Ronde, ou d’un jeu remarqué comme Mascarade, bien qu’il soit pour moi un “non-jeu” puisqu’on n’a aucun contrôle sur sa carte ou celle de ses voisins (un genre de poker, mais sans même savoir ce qu’on a en main…), mais cette liste est déjà longue. Il y a de nombreux jeux connus ou inconnus dont il aurait fallu parler…
Je compte sur vous pour m’en faire part dans les commentaires !
Voici donc le revers de la médaille de ces jeux que l’on encense ou que tout le monde connait… Une liste qui, je l’espère, sera utile à ceux qui ne savent pas par où commencer dans les jeux de plateau et qui pourraient être tentés d’acheter sans réfléchir les “meilleures ventes”, ou les “grands classiques”, ou ce que recommande votre meilleur ami (si bien intentionné soit-il, il peut ne pas aimer les mêmes choses en matière de jeux)… Mais cette liste n’est évidemment pas une solution.
La solution “miracle”, si tant est qu’il existe une telle chose, c’est d’apprendre à se connaître en matière de jeux… D’apprendre quels sont les mécanismes que vous aimez, les thèmes, avec combien de joueurs vous pourrez jouer, de quels âges et quels tempéraments, à quelles occasions et pendant combien de temps, et bien d’autres questions. Pour y répondre, il faut bien sûr jouer… Les avis sur Internet ou ailleurs ne sont intéressants que s’ils sont détaillés et approfondis.
Seuls les critiques approfondies par jeu de Tric-Trac.net ou Boardgamegeek, et les articles détaillés de certains blogs, ont une certaine valeur pour tenter de cerner un jeu. Hormis cela, il est nécessaire de faire une ou plusieurs parties !
Et pour cela, je ne peux que vous recommander d’aller dans votre magasin de jeux de plateaux préféré (et sûrement pas dans une Fnac, un grand magasin ou un magasin de jouets, où vous ne trouverez personne pour vous guider dans l’abondante mangrove des centaines de boites) : beaucoup font des démonstrations, ont des boites déjà ouvertes, et n’hésiteront pas à ouvrir une boite pour faire une partie ou voir avec vous ce qu’il y a dedans.
Rien ne remplace un vrai conseil, une vraie partie, un vrai avis. Bon jeu !
Recent Comments