… et 11 autres histoires dont vous êtes les héros.
C’est le nom du jeu.
On vient de me l’offrir pour Noël, et, puisqu’il rentre aisément dans la case “initiation”, je me devais de vous en parler. Pourquoi est-ce que quelqu’un m’a offert un jeu d’initiation, un jeu pour les gamins, alors que j’ai 38 ans, que j’ai toujours joué aux JdR d’aussi loin que je me souvienne et que mon premier a été AD&D (celui avec le Thac0, que je calculais à 6 ans) ? Je me pose encore la question.
Il s’agit d’un jeu édité par Iello qui se base sur le principe des aventures dont vous êtes le héros, et des premiers temps des JdR sur ordinateur… mais je reviendrai sur le système plus loin. Vendu comme un jeu pour les débutants, au design enfantin, narratif et surtout nostalgique, je vous en parle en connaissance de cause pour avoir fait deux parties malgré mes quelques préjugés sur ce jeu.
En définitive, ça a été pire.
Au premier abord, c’est pas trop moche. Les illustrations sont très réussies, même si la boite est en carton très très fin et que les cartes de lieux/scénarios aussi. Le jeu aurait gagné à avoir une meilleure production, un meilleur matériel… ou au contraire un matériel bien pire. Tel quel, la boite contient 12 plans illustrés correspondant chacun à un scénario, un livret de 128 pages et 9 cartes qui vont avec l’une des histoires.
Chaque scénario est orchestré autour d’un plan en carton, format A5, qui donne généralement, hélas, un grand nombre de spoilers quant à la suite du scénario et l’ordre où il faut visiter les lieux… Mais en fin de compte, vu que la plupart des scénarios n’ont pas de but évident (vous êtes catapulté dans l’univers de jeu sans même un but et sans aucune information), c’est la seule chose qui serve de guide.
L’idée est de se balader de lieu en lieu, de parler aux PNJs, de prendre des objets, d’examiner des trucs… les commandes (oui oui !) du jeu sont simples, et basées sur les vieux “jeux de rôles” que l’on trouvait sur Atari ou Macintosh SE ou IBM, avec des lieux décrits par l’ordinateur, et des ordres qu’il fallait taper, comme “attaquer troll”, “prendre torche”, “examiner parchemin”, et ainsi de suite.
C’est ainsi que le joueur est encouragé à parler, à se comporter. Premier écueil : je n’appelle pas ça jouer un rôle. L’équivalent du maître de jeu n’est autre que l’ordinateur (si si), qui ne fait que lire et suivre les indications sur les deux ou trois pages de “scénario” (plus un genre de script). Aucune créativité, donc, aucune place à l’improvisation d’un côté comme de l’autre.
Ce jeu n’a donc de narratif que le nom… c’est juste un jeu à deux ou plus, sans dés. Un type raconte un “livre dont vous êtes le héros”, mais version Oui-Oui ou Martine à la plage. Le JdR QCM.
Le premier scénario encourage même l’ordinateur (décidément je ne m’y fais pas !) à parler d’une “voix monocorde” et de rajouter des fautes d’orthographe, en tant que clin d’œil aux bugs informatiques de l’époque. Le joueur se trouve donc à errer sans but dans un univers incroyablement limité, ses actions restreintes aux quelques commandes qui fonctionnent dans ce “point and click”.
Quant au joueur qui joue l’ordinateur, il se fait parler comme à une machine, sans même une préposition ou un pronom de temps en temps… mais en même temps, c’est lui qui a accepté ce rôle ingrat. Et ingrat, il l’est… dans le tout premier scénario, les PNJs sont des objets. Il n’y a pas d’autre mot. Il est présupposé que le héros est un homme cis-blanc hétéro, sur la boite comme ailleurs.
Il y a sans doute d’autres scénarios qui s’adressent à d’autres publics, mais le choix de mettre CE premier scénario sur la boite et en guise de titre est représentatif d’une mentalité problématique… la princesse y tombe dans TOUS les clichés les plus ignobles. Elle refuse de parler si on ne lui donne pas une rose, elle est la récompense, par mariage, de celui qui a gagné la couronne en terrassant le fantôme.
Cette waifu pour enfants répond simplement aux commandes “donner rose”, “donner couronne”, “embrasser princesse” (sans consentement !), “demander mariage”…
Il est impossible d’avoir une conversation avec elle, ni avant, ni après. Il en va de même pour tous les PNJs. Pour avoir fait deux scénarios, le premier en tant qu’ordinateur et l’autre en tant que joueur, je peux vous dire que c’est pareil pour tout… et je dois aussi dire que c’était navrant de bêtise. D’une simplicité plus qu’enfantine, beaucoup des histoires du livret ne peuvent servir qu’à des enfants de 6 ans.
L’avantage est qu’on ne souffre pas longtemps, puisqu’une partie est bouclée en 15 minutes. Il n’y a que douze scénarios dans ce jeu, qui ne permet pas de faire les siens (et qui le voudrait ?) et qui devient donc inutile une fois ceux-ci joués. Cela fait de ce bouquin le JdR à la plus courte durée de vie que j’aie jamais vu… trois heures de jeu, aucune rejouabilité.
Oh, j’oubliais… au cas ou vous vous trompiez, vous avez généralement droit à des sauvegardes en cours de jeu. Comme ça, même vos actions n’ont aucune conséquence sur votre personnage, qui n’existait déjà pas.
Personnellement, le côté “nostalgie” ne fonctionne pas: j’ai toujours fait du donj’, dés mon enfance, et j’ai toujours trouvé très limitants la plupart des vieux jeux vidéos sur le sujet. Enfin, les scénarios sont incroyablement courts et simples (presque une insulte à l’intelligence des joueurs) par rapport au moindre Livre Dont Vous Êtes le Héros.
Alors si vous avez un enfant de six ans à initier, ou surtout que vous voulez savoir si il va aimer le JdR en 15 minutes, le premier scénario est un bon test, j’imagine… Mais si vous voulez initier quelqu’un, eh bien, utilisez un vrai jeu de rôles. N’importe lequel. Et si vous voulez un LDVELH, lisez-en un. Et si vous voulez un point and click ou un JDR sur ordinateur en texte ou en images, il y a toute une communauté de rétro-gameurs sur Steam.
Voilà… je ne pense pas que ce jeu mérite qu’on en dise d’avantage, il ne vaut pas l’énergie que je dépense à écrire ça, peut-être même pas celle nécessaire à afficher les pixels en question sur votre écran.
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