Où Mucius vous apprend comment faire que vos joueurs ne s’ennuient pas pendant vos descriptions.
Aujourd’hui, je vais vous parler d’un art assez mal perçu dans le monde du jeu de rôles : la description. La plupart des MJs font face à un problème récurrent : les descriptions trop longues, trop fleuries, lassent les joueurs… tout comme dans les romans du XVIIIe siècle, qui souffrent de nos jours d’une certaine déréliction de leur jeune public, préférant Harry Potter à la lecture d’une traite de Artamène, ou le Grand Cyrus. On peut les comprendre.
Pourtant, il faut bien faire passer l’information quant à ce qui entoure nos héros, sans quoi personne ne peut plus jouer ! C’est en effet par le seul truchement des paroles du MJs que les joueurs découvrent l’univers, le scénario. Dès lors, comment se dispenser des fameuses descriptions ?
Bien sûr, les joueurs aussi sont amenés à décrire. Leurs actions, au premier chef, mais aussi leur histoire, et des parfois des pans entiers du monde de campagne (nous l’avons vu dans de précédents articles). Je les y encourage : nos univers ne sont que plus riches lorsque les joueurs contribuent à les inventer, même en dehors des parties.
Mais je m’adresse avant tout aux MJs. Ce sont eux qui ont le temps de préparer des descriptions de l’univers et des antagonistes, de les intégrer à la structure de la campagne pour qu’elles fassent sens. Ce sont eux qui ont des informations à faire passer au groupe de manière souvent subtile, voire inconsciente… pour les joueurs, c’est joli, mais c’est moins indispensable.
Les quelques conseils que nous allons découvrir ici sont parfois élémentaires, ce que tout bon MJ faisait instinctivement avec un peu d’expérience… des choses que ceux qui se sont plongés dans l’analyse de romans et de films connaissent sans doute. Comme toujours dans ce genre d’article. Comme le dit un ami, “cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant”. Tout le monde bénéficiera du fait de reposer ces bases, et de considérer le Jeu de Rôles avec l’œil différent d’une autre forme d’art. Il fait bon faire consciemment ce que l’on faisait “au petit bonheur”, et vous pourriez être surpris d’apprendre deux ou trois choses !
Tout d’abord voyons quel est le problème.
Vos descriptions sont ch… trop longues. Que faire ?
Bon, je ne parle pas forcément des vôtres, ne le prenez pas personnellement. Disons que c’est un problème récurrent pour le MJ débutant, et que beaucoup de MJs qui ont de la bouteille ont jeté l’éponge et se bornent à faire le strict minimum en matière de description. Des illustrations aident grandement, mais on n’a pas toujours le choix ou le temps.
Coupons court à la critique par une explication : La description minutieuse et dépassionnée d’un paysage ou d’un personnage statique est trop longue. La description d’un combat épique, faite par tous au fur et à mesure qu’il est vécu/joué, n’est PAS trop longue. Pourtant, cette dernière dure beaucoup plus longtemps, en temps de jeu. Comment cela se fait-il ?
La première est entière, servie en un bloc indigeste face à des joueurs passifs; la seconde découpée, animée, interactive, en mouvement. Nous allons aborder tout cela… qu’il suffise pour l’instant de dire que la plupart des MJs raisonnent trop en peintre, et pas assez en réalisateur de blockbusters.
Certains esprits, chagrins mais lucides, jugent inutile un long paragraphe lu par le MJ concernant la majesté du temple perdu que les joueurs découvrent au sortir d’une trouée dans la jungle, ou les détails bigarrés d’un souk, voire même la verrue sur le coin du nez du garde. Et ils ont raison… parce que quand VOUS décrivez quelque chose, la table n’est pas active. Quand vous décrivez des choses qui “sont” (l’état). Si nécessaire que cela soit, vous ne faites pas avancer l’histoire (l’action).
Cela tient à plusieurs choses : Premièrement, soyez vivant. Ne lisez pas. Ou faites semblant de ne pas lire. Synthétisez, entraînez-vous… Ne considérez pas cela comme un discours ou un roman, mais plutôt comme une présentation. Le mot “description” ment : vous ne devez pas être “descriptif”, mais avant tout convaincre (lire : être convaincant, mémorable, pas ennuyeux). Utilisez des verbes d’action, des phrases courtes, soyez pertinent, interpellez directement vos joueurs (“tu vois”… “il fait”… “tu sens”… “la pluie te rafraîchit”…), faites appel aux cinq sens plutôt que simplement la vue… ne décrivez pas seulement l’état des choses, mais leur mouvement, ce que font les gens, ce dont ils parlent…
Une description est l’occasion de faire passer des informations aux joueurs sans pratiquer le méta-jeu… Laissez-les tirer leurs propres conclusions de ce que vous leurs dites. Ne dites pas “ce village manque de nourriture”, mais décrivez les gens maigres, la frugalité du repas de l’auberge, les visiteurs qui s’en plaignent… Oh, et ça marche dans les deux sens : soyez pertinent. Ne décrivez pas une situation de disette si vous ne voulez pas que vos joueurs s’y intéressent, si ça n’a rien de remarquable, ou si ce n’est pas important pour votre campagne.
Ce sont des conseils de base, rebattus, mais il est bon de les répéter.
En second lieu, sachez vous arrêter. Chaque groupe a une certaine tolérance à la description et l’inactivité qui en résulte à la table… trouvez la vôtre. Pour mes joueurs, deux ou trois phrases, c’est bien. Plus, ça commence à se voir. Pour vous empêcher de lire de longues descriptions, il existe une méthode imparable : n’en écrivez pas !
N’écrivez pas de description à l’avance, notez plutôt des phrases et des mots clés que vous interpréterez de manière vivante à la table. Vos descriptions ne devraient pas, sur la page, ressembler à des paragraphes, mais à des listes de points saillants. Vous pourrez en omettre certains, en ajouter d’autres, selon votre envie lors de la partie.
De plus, vous vous assurerez d’employer un langage que vous utiliseriez à l’oral : les gens sentent très bien lorsque vous passez au langage romanesque et formel de l’écrit alors que vous venez de décrire (oui, décrire !) la dernière scène de combat avec force onomatopées et délires entre potes. Puisque vous n’écrivez pas vos scènes de combat d’avance, n’écrivez pas non plus vos descriptions ! Comme vous n’écrivez que quelques mots-clés et caractéristiques au sujet de votre groupe de brigands, faites de même avec le palais du roi ou le village dans la jungle.
Il est tentant pour le MJ de décrire longuement une scène complexe. Décrire une scène de crime ou un témoignage dans tous ses détails morbides afin de noyer l’information importante dans la masse, c’est, en quelque sorte, réaliste dans un scénario d’enquête. Décrire avec force détails une superbe région aux coutumes originales et aux paysages magnifiques peut vous paraître d’autant plus séduisant que vous avez passé des heures à la développer en tant que cadre pour vos personnages. Mais ce serait probablement une erreur !
Distillez l’information à petite dose. Pour parler comme un réalisateur, vous pouvez tout à fait proposer à vos joueurs un “plan général” qui montre un superbe panorama, ou la scène du crime… mais ne le laissez pas une demi-heure à l’écran ! Les joueurs (le public) ne remarqueront que les détails les plus saillants, passez donc plus vite (ou restez vague, flou) sur le reste. Les joueurs combleront les blancs.
De toutes les manières, si vous prenez le temps de tout décrire, ils en oublieront les trois quarts. Pire, ils associeront cette description avec quelque chose qui ne leur “plait pas” : inconsciemment, ils n’auront pas envie d’examiner plus avant. Je ne rigole pas, ce genre de biais est plus important qu’on ne le croit ! Non seulement ils auront passé un mauvais moment (ou un moment “bof”) mais en plus cela ne fera pas avancer l’histoire. Du temps perdu pour rien, en somme.
Déblatérer sur les espèces de papillons autour du lieu en question, le nombre de cheveux de la vieille dame, le menu de l’auberge ou le chapeau de la gamine, cela n’a pas d’intérêt… sauf si cela a une importance dans le scénario. Oui, le fait que la bière soit clairette et le menu frugal dans l’auberge peut transmettre l’information importante que le village manque de nourriture (ou que l’aubergiste est radin), mais ordinairement on se fiche de savoir s’il y a du fromage à dîner. A moins que vous n’ayez une bonne raison de vouloir que ça fasse “couleur locale” ou que cela ne transmette une information nécessaire, abstenez-vous.
Notez tout dans une liste… Si une information, quelle qu’elle soit, vous semble de trop dans votre “liste de points importants”, vous le verrez immédiatement. Par exemple, cherchez l’intrus dans la liste suivante : Ce personnage porte une moustache bien taillée, il porte une épée un peu usée mais bien entretenue, il porte un uniforme de capitaine des gardes, il a l’air d’avoir une quarantaine d’années, il a mangé des frites à la cantine, il discute de manière agacé avec une femme âgée qui n’est-autre que la tenancière de l’auberge (sa belle-mère, si vous écoutez leur conversation).
On le voit, tout ici nous renseigne soit sur les traits distinctifs du personnage (pour le reconnaître physiquement), sa fonction (capitaine des gardes), ce qu’il prend à cœur (son métier, sa méticulosité, reflétés par son épée et sa moustache), des liens avec d’autres personnages que connaissent les joueurs, son comportement, les clichés qu’il suit, etc. SAUF les frites qu’il a mangé. Même si une tache de gras et une odeur de friture peuvent aider à placer le personnage, ça reste du “bois mort” dans la description si vous n’avez pas décidé que le trait distinctif de ce personnage serait sa saleté, sa gourmandise, ou le fait qu’il mange à la cantine.
Faire une liste vous permettra aussi de récompenser les initiatives de vos joueurs. Par exemple, pour la scène de crime, si un joueur décide d’examiner certains détails de plus près après votre description superficielle (et brève, du moins on l’espère), il posera la question… vous pourrez alors lui donner plus d’informations (le reste de cette partie de la description, que vous aviez noté par devers vous), voire lui faire faire des jets de dés pour savoir s’il obtient bien ce qu’il désire.
C’est l’autre avantage des descriptions en “liste” plutôt que d’avoir un gros paragraphe dans lequel il faut chercher : c’est visuellement accessible pour vous, et cela catégorise aisément l’information à donner (ou pas) aux joueurs. Vous irez à l’essentiel, et vous pourrez aisément voir ce qui est de trop.
Oui, mais voilà, il y a un certain volume d’informations à faire passer, notamment au début d’un scénario ou lorsque les joueurs arrivent dans un nouveau lieu. Qu’à cela ne tienne…
Divisez pour régner : un exemple pratique.
Je vais me répéter d’article en article, mais s’il n’y a qu’une chose que vous devez retenir, c’est celle-ci : connaissez vos joueurs, et connaissez vos personnages.
Lorsque j’écris une description, je réfléchis toujours à la perception des personnages. lors d’une description importante, je les interpelle, ce qui rend la chose plus interactive (on l’a déjà dit). Je me place de leurs points de vues successifs. Face à tel personnage, tel lieu, que remarquerait le guerrier ? Le professeur d’université ? Le contrebandier baroudeur ? Et surtout, je rends la description pertinente par rapport à ce que les joueurs pourront utiliser, ce sur quoi il leur faudra rebondir, ce qu’il sera important pour eux de savoir.
Je vais prendre l’exemple d’une ville du monde de Warhammer Fantasy (tel qu’il était à la seconde édition du jeu de rôle) qu’il m’a été donné de décrire lors d’une campagne. C’est le cas d’école de l’exposition qui doit donner un sentiment de dépaysement tout en transmettant des informations justes (et uniquement celles-ci) : les personnages grimpent une colline et, arrivés en haut, découvrent une vue imprenable sur la ville qui s’étend sous eux. Puis, ils avancent et pénètrent dans la ville.
C’est un plan général, puis une série de plans d’ensemble et de plans rapprochés sur des détails.
J’ai conçu ma description en plusieurs temps : d’abord ce que tout le monde voit. Certains monuments qui dépassent, la forme générale (un plan de la ville distribué aux joueurs m’a aidé à moins parler). Puis, j’ai fait avancer la description en même temps que les joueurs pénétraient dans la ville (avec un souci d’action, de garder cela vivant, en mouvement). Ce faisant, j’ai fait un point de description pour chacun des personnages, que je leur ai transmis en les nommant :
Point 1 : Nuln est une ville tentaculaire construite sur les deux rives du fleuve Reik. Ses immeubles noirs de charbon se serrent autour de ses ruelles animées; les odeurs et les bruits de ses places vous parviennent de loin grâce au vent cinglant… le long du fleuve se dresse la Tour de Fer, bâtiment de l’Inquisition (mention du méchant principal du scénario, ce qui attire l’attention des joueurs) sur sa propre île, rivalisant avec le palais sur sa colline. Elle porte ce nom parce qu’elle est cerclée de fer aujourd’hui rouillé, ce qui lui donne un aspect sanguinolent.
Point 2 : (l’elfe archer), tu remarques la saleté, la noirceur de tous les immeubles, et les horribles fumerolles de charbon. Ce sont les forges produisant des armes d’acier noir pour l’Empire, avalant le bois des scieries qui défrichent toujours plus. C’est un trou nauséabond dans la forêt, une insulte à la nature. (plan d’ensemble, mais qui donne des détails sur le vrai cœur de la ville : les forges et les armureries, détail important pour le scénario. Nous avons déjà fait allusion au charbon dans la description générale).
Point 3 : (le guerrier nain), tu considères l’architecture de la ville, et tu es impressionné que cela ne soit que le travail d’humains. Ces portes, ces balcons de pierre dure : tu y vois l’influence glorieuse de ton peuple… même si cela n’est pas comme chez vous. De fait, tu as entendu dire qu’il y avait une grands communauté naine, ici (information importante pour la suite du scénario… notez qu’on s’est rapproché de la ville suffisamment pour voir les détails des immeubles que l’on voyait de loin, et ses portes. On entre donc dans la ville).
Point 4 : (le voleur), les gens vont et viennent, s’activent sans cesse, ne faisant pas attention à ce qui se passe autour d’eux. Vous ne détonnez pas. Les épices du marché, les couleurs, les langues des foules de toutes origines rassemblés autour des places, riches comme pauvres, voilà de bonnes opportunités pour tout voleur qui se respecte… (plan plus rapproché depuis l’intérieur des rues, gros plans sur l’expression de certains passants, source de l’animation que l’on percevait de loin. J’ai encouragé ici le joueur à guetter les opportunités, mais aussi les signes que d’autres voleurs seraient à l’œuvre, ce qui est aussi une information importante pour la suite).
Et c’est tout. C’est condensé, ça paraît à la fois peu et beaucoup.
Une ville complexe décrite en une douzaine de phrases, en même temps que des pistes pour l’explorer plus avant, et des informations nécessaires à la suite du scénario (antagonistes, alliés potentiels, etc. ainsi de suite). Tout est là. Chaque paragraphe est lié à la description générale, personnalisé, et contient des informations sensorielles variées : le vent cinglant est une information tactile, les odeurs, les couleurs, les bruits… jusqu’aux épices du marché qui font allusion au goût. Les détails supplémentaires (“est-ce qu’il y a une guilde des voleurs ?” “où aller pour trouver du travail ?” “une auberge ?” “un de mes cousins nain ?”) sont disponibles aux joueurs qui vont les chercher d’eux-mêmes.
En divisant la description en quatre, j’ai pu mettre quatre fois plus d’informations sans faire un gros paragraphe indigeste. Chaque joueur a pu prêter attention à UN SEUL court passage en particulier. Pour lui, la description n’a pas duré douze phrases générales, mais entre trois et six phrases qui le concernent au premier chef. Au final tous les joueurs ont eu toutes les informations.
C’est là la description la plus longue et la plus élaborée, la plus “livresque”, que j’ai fait en jeu de rôles depuis longtemps… je ne l’ai d’ailleurs même pas écrite sous cette forme avant la rédaction de cet article. Il n’y avait aucune phrase complète, que des mots clés, dans mes notes. Je n’ai pas été très loin comparé aux pleins paragraphes de descriptions dans les scénarios du commerce… et vous n’êtes même pas obligé d’aller aussi loin que moi !
En fait, voici l’exact contenu de mes notes pour cette description :
1) Ville tentaculaire sur le Reik
• Cheminées des forges
• Palais sur la colline
• “Tour de Fer” sanglante (voir plan)
2) Elfe : Ville noire de charbon, polluée, trou au milieu de la forêt
3) Nain : Ville de pierre, architecture naine, communauté naine
4) Voleur : Marché bigarré, rues et places, guilde des voleurs
Vous avouerez que ça ne prend pas une place folle. Entraînez-vous à faire de même. Tout d’abord, si vous débutez, vous voudrez vous écrire des phrases entières pour ne pas les oublier… de la même manière que pour vos personnages, vous écrirez des répliques clés que vous servirez à vos joueurs. Rien de mal à cela, je le fais aussi de temps à autres. Avec l’expérience, vous vous ferez plus confiance, et vous en aurez moins besoin.
Pensez en réalisateur, pas en peintre !
Pour qu’une description fasse mouche, il faut qu’elle soit pensée en termes de logique, de suivi. Prenez la description suivante (dont nous avons déjà parlé) :
Le garde porte une moustache bien taillée. Il discute avec une vieille dame et porte un uniforme de capitaine. Il est près du poste de garde du château. Son épée est au fourreau, elle semble usée mais bien entretenue. Il semble agacé par la vieille dame.
Même sous forme de liste, c’est assez mauvais. C’est parce que les détails ne sont pas organisés de manière logique. Préférez aller du général au particulier, ou vice-versa, et toujours dans l’ordre où les personnages remarqueraient lesdits détails… Il faut imaginer que votre description est comme une caméra qui aborde ce que vous voulez montrer aux joueurs : ce que vous décrivez, c’est ce qu’il y a devant l’objectif à ce moment là.
Pour cela, il vous faut de (minces) notions de cadrage. Choisissez ce que vous voulez décrire, puis choisissez le ou les plans les plus adaptés. Vous pouvez fort bien faire tenir une description en un seul plan, mais en adopter plusieurs permet généralement un peu plus de dynamisme. Voici quelques notions qui sont généralement utiles aux descriptions orales… il en existe d’autres (et je vous encourage à vous en instruire si cela vous intéresse, cela ne peut que vous aider) mais ils ne me semble pas utile de les détailler ici :
Le plan général est le plus large. Il montre un lieu, une étendue ou un paysage dans son ensemble. Il est utile pour indiquer là ou l’action va se dérouler et donner suffisamment d’informations dessus aux joueurs… il ne suffit pas de leur dire “vous êtes dans une chaîne de montagnes”, il faut leur en décrire la beauté, la hauteur, la neige, et les dangers : ils sauront qu’ils combattront au bord de falaises ou le long de sentiers escarpés, dans le froid ! C’est un plan utile pour donner une impression d’immensité. Il permet d’embrasser une armée, une foule anonyme… ou, comme on l’a vu précédemment, une ville. Décrivez le paysage, les grands mouvements de foule, les clameurs indistinctes, le vol des oiseaux : vous n’avez pas besoin d’être statique.
Le plan d’ensemble est proche du plan général, mais il se focalise sur un lieu généralement plus petit ou plus spécifique, par exemple une montagne, un château, une ville… on ne se focalise plus simplement sur le paysage, mais sur les actions, les personnages, afin qu’on comprenne ce qui se passe. C’est moins statique. On imagine d’ailleurs probablement un personnage ou deux au premier plan. Une ville animée, un dragon attaquant un village, une auberge dont en entend les cris, une place du marché : il y a la un cadre, un décor et les personnages qui s’y trouvent, mais on ne décrit pas les détails précisément. En effet, nous sommes trop loin pour voir les dents blanches du dragon ou la main du voleur sur la bourse !
Le plan moyen cadre sur un ou plusieurs personnages en entier : un cavalier qui approche, un garde dont on décrit l’uniforme de capitaine, entouré de ses subalternes, un noble qui houspille son serviteur, deux gobelins avec des épées qui couvrent leurs trois frères armés d’arcs… C’est utile pour décrire sommairement les vêtements des personnages, leur fonction, leur activité, leur gestuelle (qui transmet un peu leur émotion), leurs positions relatives ou par rapport à des repères du décor, mais sans s’attarder sur leur expression ou des détails exacts.
Le plan américain montre un ou plusieurs personnages dans un même plan, à partir des cuisses. Bon, techniquement, je devrais vous dire que le plan américain s’appelle comme ça parce que c’est le plan typique des films américains des années 30-40… détails que tout cela. L’idée, c’est que couper à mi-cuisse permet de ne pas s’intéresser aux bottes des gens, mais de voir ce qu’ils ont au niveau des poches (bourses à voler, armes à dégainer, mains portant des bijoux ou des gants, etc.)
Avec un tel plan, que vous le coupiez à la taille ou aux genoux ou entre les deux, vous pouvez montrer l’ensemble de l’expression faciale et corporelle d’un individu (bras, épaules, visage) sans attirer l’attention sur un élément particulier. N’hésitez pas à varier : en décrivant un “plan italien” coupé aux genoux, vous vous placez un peu plus loin du sujet, et vous pouvez décrire ses allées et venues, la direction vers laquelle il se dirige, etc.
En revanche, en décrivant un personnage en plan “rapproché-taille“, vous placez “l’œil” de la caméra (et donc l’œil de vos personnages) à distance de conversation : s’ils étaient plus loin, ils ne pourraient pas distinguer tous ces détails. C’est la distance à laquelle on peut lire le langage corporel et les signes non-verbaux, ou l’on peut distinguer l’expression faciale avec plus de subtilité; ce plan accentue donc l’intimité.
C’est encore plus vrai du plan “rapproché-poitrine“, coupé à la poitrine, permettant d’examiner plus à fond le visage. Vous vous placez de facto dans un tel plan lorsque vous décrivez l’expression de rage du méchant, la sérénité d’une maîtresse Jedi, le regard de deux amoureux prêts à s’embrasser… Cependant, vous perdez souvent l’opportunité de vous attarder sur les actions effectuées par les bras des personnages (à moins qu’il n’y ait un bras levé, des bras enlacés aux épaules, etc.)
Le gros plan cadre le visage d’un personnage seul (ou au minimum le visage et les épaules), montre un objet, une partie du corps d’un personnage… bref, isole complètement une chose sur laquelle on veut attirer l’attention. On ne décrira que ce détail. Le gros plan est le plan ou l’on peut lire toute l’expression d’un personnage dans ses détails et voir ce qu’il ressent, voir une main qui s’approche du pistolet, deux ennemis (ou deux amants) dont les visages sont à quelques centimètres l’un de l’autre… c’est encore plus vrai du très gros plan, qui montre un regard, un œil, un bijou, une main qui tremble, un bouton sur lequel appuyer, la gâchette d’une arme…
Si vous mettez en scène un dialogue entre deux PNJs, réfléchissez à ce que vous décrirez : s’il est observé à la dérobée par un PJ, “cadrez” en fonction de ce qu’il peut voir (fenêtre, trou de serrure, etc.), mais adoptez la méthode dite du “champ / contre-champ” et décrivez tour à tour chaque interlocuteur (en plan rapproché-poitrine, par exemple) si la scène se passe, par exemple, autour d’une simple table.
Vous pouvez aussi simuler un travelling, décrivant l’action en mouvement autour des personnages (le vent, des animaux qui courent, des passants, etc.) ce qui donnera un peu de dynamisme à la scène. Si vous voulez donner une impression confuse, décrivez des choses qui se passent un peu partout, dans toutes les directions, comme s’il s’agissait de plusieurs gros plans… mais pour une impression de mouvement continu, harmonieux ou non (décrire un navire qui s’éloigne, une rivière qui coule, des soldats qui s’élancent, une foule…) il vous faut décrire les choses dans l’ordre ou on les verrait dans un travelling : de la droite vers la gauche (ou vice-versa, ou dans d’autres directions… mais une seule à la fois).
Faites comme Michael Bay et son plan favori : pour donner une impression “épique”, décrivez d’immenses choses (avalanche, robots géants, explosions, nuées de bombardiers… souvent, ces phénomènes sont vues de dessous, en contre-plongée) qui se déroulent en arrière plan d’un personnage, la caméra (et votre description) tournant autour de celui-ci, suggérant que le personnage regarde ceci se dérouler de tout côtés autour de lui. Ne décrivez d’ailleurs pas tout ce qui se passe autour… laisser des choses “hors champ” peut justement laisser entendre que tout cela submerge les personnages au point qu’ils ne peuvent tout voir !
La contre-plongée (décrire des choses vues d’en dessous) permet justement de décrire quelque chose comme plus grand, ou dominant… une farouche guerrière apparaissant en haut d’une colline paraîtra plus importante à vos joueurs. A l’inverse, la plongée : un orphelin découvert en bas d’un escalier, alors qu’il faut baisser les yeux, paraîtra symboliquement plus faible, plus pathétique. Imaginez l’inverse : une guerrière farouche qui tente de menacer les héros du bas d’une colline, ou un orphelin en haut d’un rocher… l’effet n’est pas du tout le même.
Exemple très concret : “L’oiseau vole dans le lointain au dessus des montagnes enneigées” est une description en plan général, “le rapace parti des aires des montagnes tournoie, guettant une proie potentielle” est un plan d’ensemble, ou moyen. “l’aigle tournoie avant de fondre sur sa proie” est un plan rapproché, “les ailes brunes de l’aigle plient, et il s’élance soudain vers le sol” est un gros plan, et “l’œil infaillible de l’aigle, jaune d’or, se contracte à la vue de sa proie” est un très gros plan. Toutes ces phrases décrivent en gros la même scène, mais ne sont pas adaptées à toutes les circonstances. Elles ne donnent pas les mêmes informations… et surtout, l’ambiance est radicalement différente. Testez, apprenez, veillez à choisir le plan le plus adapté à ce que vous voulez transmettre.
Faites varier ces “plans” dans vos scénarios, n’en changez pas trop souvent dans la même description, évitez les “mouvements de caméra” violents ou trop abrupts… Généralement, on décrira successivement les éléments d’un personnage du bas vers le haut (des pieds au visage, ce qui permet de détailler l’équipement visible du personnage en finissant par l’expression, le plus important), ou en fonction des détails qui attirent d’abord l’œil. C’est souvent le visage ou les mains en premier, les maniérismes et les tics, parfois un décolleté ou un trait attractif, ou au contraire particulièrement disgracieux, puis les objets voyants ou dangereux tels les bijoux, les armes… l’œil circule de proche en proche au fil de ces gros plans.
Pour reprendre le mauvais exemple du garde, décodons : la caméra passe d’abord en très gros plan sur la moustache du garde, puis s’éloigne en plan moyen (la vieille et le garde), revient en plan rapproché (l’uniforme), puis recule pour un plan d’ensemble (les personnages et le château). La caméra s’attarde sur le fourreau du garde (gros plan), mais comment sait-on que l’épée est usée mais bien entretenue si la lame n’est pas tirée ? Enfin la caméra refait un plan rapproché, mais à un autre endroit… sur l’expression agacée du garde. C’est n’importe quoi, il y a des erreurs, on a une impression décousue… vos joueurs vont avoir des efforts supplémentaires pour organiser tout ça dans leur tête, et ils ne retiendront pas tout.
Préférez la logique : ne décrivez que ce dont on peut s’apercevoir au premier abord, réservant la suite pour plus tard. Faites-le dans un ordre correct, par exemple en passant d’un plan d’ensemble (les personnages examinent la scène entière) à des plans rapprochés, puis des gros plans (les personnages s’approchent et peuvent donc percevoir des détails). Par exemple :
Le garde porte un uniforme de capitaine. Il discute avec la tenancière de l’auberge, qu’il semble bien connaître. Il semble agacé… lorsque vous vous approchez, il se tourne vers vous. Sa main part machinalement vers son épée, mais remonte vite vers sa moustache bien taillée, qu’il entortille. “qu’est-ce que vous voulez, citoyen ?”
C’est déjà mieux, même si c’est un peu classique et qu’un garde n’en mérite probablement pas tant. A l’inverse, notamment lors d’une situation plus urgente, partez d’un détail saillant que remarque un personnage (“le garde tire son épée, usée mais bien aiguisée”) puis décrivez le reste (“il porte un uniforme de capitaine, il est proche du château !”… sous-entendu : il peut fuir ou appeler des renforts) selon ce sur quoi vous souhaitez mettre l’accent.
Ceci est une base intéressante à laquelle vous pouvez réfléchir en concevant vos descriptions, et, plus encore, les scènes de votre scénario. Il est tout à fait possible de n’en tenir que partiellement compte… mais pour que les moments importants s’inscrivent visuellement dans l’imaginaire de vos joueurs, on peut faire pire que de s’inspirer des canons classiques du cadrage, n’est-ce pas ? S’ils sont bons pour les romanciers, les cinéastes, les vidéastes et les auteurs de bandes dessinées, ils sont bons pour nous autres MJs.
Mais il existe, bien entendu, d’autres subtilités. Le cadrage ne fait pas tout, il y a aussi…
Le symbolisme, le mouvement, et le style.
Ne décriez pas injustement les figures de style. Anaphore, métaphore, comparaison, allitération, assonance, métonymie… jouez avec le rythme de vos phrases, leur construction, leur sonorité. N’étalez pas votre culture, mais si vous avez des lectures c’est le moment de vous en servir. Notez une formule ou deux pour la description la plus importante de votre scénario, et seulement si cela sert votre propos et aide réellement à la compréhension, pas “pour faire joli”. N’en faites pas une obligation : si cela n’aide pas à faire passer l’information, il faut s’en dispenser.
Méfiez-vous des “fausses bonnes idées” de scénario qu’on dit littéraires, poétiques, mais qui ne sont que ronflants. Une belle plume fait beaucoup pour que les descriptions soient digestes, mais n’oubliez pas que c’est une soirée entre amis, pas une lecture de Proust.
Je veux aussi revenir sur quelque chose que j’ai survolé auparavant : soyez dynamique. Préférez les scènes qui ont du mouvement. La description de la ville de Nuln, un peu plus haut, était un exemple de description qui “coule” le long d’une scène, alors que les personnages se déplacent.
Comme je l’ai dit, utilisez des verbes d’action, décrivez ce que font les gens… ne brossez pas un tableau, mais faites passer l’objectif d’une caméra logiquement d’un point au suivant. Ne décrivez pas un marché comme “coloré, avec des marchands derrière chaque étal et des clients un peu partout, une auberge à droite, un mendiant assis au coin opposé de la rue, des chevaux attachés vers la gauche, quelques prostituées…” Oui, c’est juste, mais c’est peu dynamique. On a un tableau immobile, on embrasse toute la scène d’un coup, décrite point par point. Préférez raconter des choses intéressantes. Tout le monde sait que le marché est coloré, qu’il y a des clients et des marchands, une auberge, un mendiant, etc.
Autre description d’un marché, plus “liquide” et cinématographique cette fois : “Ces deux négociants encapés discutent le prix des ballots de tissu autour d’un étal; derrière eux, des caravaniers attachent leurs montures, et un vieil homme se lève pour prendre leur obole et s’occuper du fourrage. Près de l’auberge où ils se rendent, il y a des commères qui regardent en minaudant passer des messieurs… ceux-ci se dirigent avec nonchalance vers une ruelle, et certaines dames semblent y montrer leurs charmes sans pudeur, indiquant probablement un cabaret non loin de là.”
L’œil passe clairement d’un point au suivant (étals, puis montures, puis mendiant, puis clientes, puis prostituées) et vous avez fait passer une quantité supérieure d’informations sur l’organisation du marché, sa disposition. Vous avez même introduit des personnages avec lesquels vos PJs pourront interagir. Alors oui, ça fait trois lignes de plus, mais en terme de liste, les mêmes points sont abordés. Et puis vous n’êtes pas obligé de tout mettre… ne décrivez que ce qui est important pour votre histoire, suggérez le reste.
A moins que vous ne vouliez justement donner un sentiment de stase, de stabilité, indiquer qu’un paysage est serein, ou sclérosé, voire mort, je vous suggère fortement de toujours faire des descriptions dynamiques, en mouvement. Pour cela, faites comme Akira Kurosawa dans ses films : essayez d’ajouter dans la majorité de vos “plans” de description quelque chose qui crée un mouvement. Ne serait-ce que le vent, un drapeau, l’eau qui coule, un bruit, un geste ou un tic nerveux du personnage, les flammes d’une torche, ou même la pluie qui tombe… juste en fond, pour que l’on ne s’ennuie pas.
Pour que ça n’ait pas l’air d’une photo que vous tentez péniblement de décrire au lieu de la donner à vos joueurs, mais bien d’une scène brève pendant laquelle les personnages s’arrêtent un instant pour examiner leur interlocuteur, un objet, un lieu. Ils doivent être témoins d’une action, pas chercher “où est Charlie”.
Parce qu’une description, c’est bien souvent un arrêt sur image. La description du marché, un peu plus haut, c’est une pause dans l’action. C’est pour cela qu’il est vital d’y inclure de l’action.
Autre exemple : Les PJs rencontrent la princesse Machintruc. Votre premier réflexe est de la dire jolie ou laide, bien habillée avec telle ou telle couleur… bref, vous la décrivez, avant toute autre action. Je pense que c’est une erreur. A moins qu’il ne s’agisse véritablement d’un personnage primordial pour le scénario (et ce n’est pas une question de statut… il y a des mendiants qui sont plus importants que des princesses, narrativement), ce n’est pas la peine, si ?
Je m’explique. Lorsque vous choisissez de décrire la princesse avant de la faire interagir avec vos PJs, vous faites littéralement une pause dans l’histoire commune, le temps que vous ayez détaillé les vêtements, le port, l’expression, les serviteurs, les objets qu’elle tient en main, l’impression qu’elle donne, si elle a l’air autoritaire ou douce… qui sait, même la salle du trône et quelques courtisans… Même si vous respectez les conseils précédents, procédez en une habile succession de plans, faites une description personnalisée par joueur, c’est long pour un seul personnage. Réservez ce genre de chose lorsqu’il faut réellement une pause (ou que vous pouvez vous le permettre), en fonction du rythme de votre scénario.
Puisque vous avez la chance de décrire un personnage et pas un paysage, soyez interactif. Pour reprendre l’exemple de la princesse, ne décrivez que vaguement son accoutrement, dites qu’elle est entourée sans préciser exactement de qui, puis passez à autre chose. On sait qu’elle est riche, on sait qu’elle est bien habillée, il n’est pas nécessaire de le rappeler.
En revanche, lorsqu’elle s’adresse à un personnage, plutôt que de lui parler directement, décrivez l’œillade qu’elle lui jette. Veut-elle le séduire ? L’apprécie-t-elle ? Est-elle fardée ? Avec goût ou non ? Simplement ? Et ainsi de suite. Faites de même pour ses gestes, ses mains… reste-t-elle statique ? Fait-elle les cent pas ? Est-elle hiératique sur un trône, ou flâne-t-elle le long des allées du jardin comme une enfant ? Faites ainsi passer des informations sur sa personnalité, de par sa gestuelle, le cadre, des détails de son apparence, sa façon de s’adresser aux PJs et aux PNJs, au fur et à mesure de l’entretien… A la fin, les personnages en auront un portrait complet, et cela vaut toutes les “descriptions-paragraphes”.
On le voit, il peut vous être d’un grand secours d’utiliser des symboles et des métaphores, tant visuelles que faisant appel à d’autres sens. N’appuyez pas la comparaison dans un style pompeux, littéraire… suggérez dans votre description, dans la trame même de l’histoire, et non dans votre style, votre écriture. Nous avons assez de “grand tel l’aigle royal”, de rusé renard” et de “il mena ses troupes avec bravoure tel le lion de sa bannière”. Encore une fois, pensez en réalisateur, pas en poète ou en romancier.
N’écrivez pas de descriptions avec des métaphores et des symboles dedans, concevez plutôt vos éléments d’intrigue comme symboliques et métaphoriques : c’est le Jeu de Rôles, votre forme d’Art, pas l’écriture de scénario.
Ce n’est pas pour rien que la chouette, le chat et le corbeau sont des familiers de choix pour les magiciens : ils sont des symboles traditionnels de sagesse, d’intelligence, de mystère, voire de malignité. Vous voulez que votre impératrice paraisse vaniteuse ? Ne dites pas “elle est vaniteuse”. Evitez si possible le cliché du “elle se regarde dans un miroir”. Placez sur les marches de son trône quelques paons domestiques… ou même des paons noirs, comme dans Conan le Destructeur. Mais lorsque la jeune vestale innocente paraît, ne dites pas “elle est vierge et innocente” comme si les PJs avaient une vision à rayons X extrêmement spécifique (et particulièrement pervertie). Habillez-la de blanc, et faites-en une jeune blonde alors que l’impératrice est brune plus âgée. C’est terriblement intolérant et misogyne, mais la jeunesse et la blondeur sont associées à l’innocence… et à la virginité.
Je ne fais que citer l’exemple de ce film, qui est efficace dans sa présentation, mais je ne cautionne pas tout non plus.
Du reste, le site tvtropes.org est une mine d’informations (surtout pour les anglophones) sur tous les clichés du cinéma, notamment les “codes couleurs” inconscients (pourquoi le bleu est la couleur des gentils et le noir celle des méchants ? pourquoi la femme en rouge est toujours séductrice ?) et bien d’autres surprises… des archétypes des films d’horreur aux traditions qui datent des grands noms de la littérature. Des clichés, presque des règles, que nous suivons inconsciemment.
Les symboles sont des outils puissants. Songez à poser vos personnages dans des décors et sous des climats qui aident à la compréhension d’une scène. Un guerrier solitaire qui s’éloigne du champ de bataille, alors que seule une bannière trouée flotte encore au vent : la ruine d’un empire, l’horreur de la guerre. Servez-vous d’un orage non plus seulement comme d’un outil pour pousser vos PJs à s’arrêter à l’auberge, mais pour refléter le trouble de l’esprit d’un PNJ, un grave tourment d’amour, comme dans tant d’oeuvres littéraires et filmiques, dont Orgueil et Préjugés, ou la série Friends… un ciel couvert peut aussi symboliser des malheurs à venir. Lorsque vous faites exécuter en public un personnage important, décrivez la lumière rasante du soir… un soleil qui se couche, comme dans Game of Thrones.
Même si tout a l’air d’aller pour le mieux, soulignez que les ombres des courtisans paraissent aller jusqu’au plafond de la grande salle du trône lorsqu’elle est éclairée par les cheminées du banquet, et vos joueurs commenceront à se méfier des coups de poignards et des verres empoisonnés. Vous ne me croyez pas ? Vous faites comme vous voulez… mais alors, pourquoi personne ne prend au sérieux un méchant lorsqu’il fait beau temps et que les oiseaux chantent façon “princesse Disney” ?
C’est particulièrement efficace au début d’un scénario ou d’un arc narratif, lorsque vous utilisez des symboles pour présager de ce qui va se passer, ou introduire des thèmes à venir… c’est ce que j’ai fait dans la description de la ville de Nuln (voir plus haut). Le thème de la ville prospère mais noire, souillée par la source de sa richesse (c’était une histoire de corruption), la tour de fer décrite comme “sanglante” (les inquisiteurs ont fini par arrêter un des PJs et menacer de le torturer), l’architecture naine, des opportunités pour les voleurs… cette description était un peu longue, un peu soignée, parce que c’était justement une présentation, un plan d’exposition pour le reste du scénario. De la même manière, rien ne remplace une bonne scène finale à la mise-en-scène et aux décors grandioses. Ce sont des choses qui méritent d’être soignées… et qui méritent d’autant plus d’être rendues plus digestes, afin que vos joueurs en retiennent mieux l’essentiel.
Ce ne sont que des exemples, à vous de trouver les vôtres. Et si ces règles vous semblent des carcans, servez-vous-en à l’envers : créez par exemple un méchant châtain avec une moustache ringarde et une chemise à fleurs, décrivez-le de manière statique, sans aucune logique visuelle, pour que personne ne retienne quoi que ce soit à son apparence, comme s’il n’était pas remarquable… et personne ne devinera qu’il est l’auteur de tout avant que vous ne le révéliez vous-même. Les clichés, comme les règles, sont aussi là pour qu’on les prenne à contre-pied… ou qu’on les mette de côté.
L’important, c’est d’en avoir conscience !
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